Aperçu Torment: Tides on Numenéra – Je ne sais pas, je ne sais plus
Avec la folie des jeux sur Kickstarter commencée il y a quelques années, c’est surtout le côté nostalgique des joueurs qui est ressorti de façon explosive. Alors, quand on leur a proposé en mars 2013 de financer la suite spirituel du meilleur RPG de tous les temps, ils ne se sont pas fait prier pour sortir le portefeuille. Nous avons été invité pour tester la version démo actuelle.
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Je vous parle d’un temps, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, l’époque où le RPG était roi. Attention, on parle du vrai RPG, pour ceux qui savent lire et qui n’on pas peur des pavés, qui veulent s’immerger dans un monde au point de ne faire plus qu’un avec, et pouvoir être maître de sa destinée. Black Isle Studios et Bioware ont fait leur premières faits d’armes à cette époque, et il faut avouer qu’ils avaient le vent en poupe. Si tout le monde s’accorde à dire que la saga Baldur’s Gate était grandiose et quasi-parfaite, il y a un jeu qui est souvent sous-estimé et qui restera à jamais gravé dans le cœur des fans hardcore de CRPG : Planescape Torment.
Planescape est un spin-off de Donjons & Dragons, où l’action se place dans un plan parallèle, là où le monde et ses règles n’ont plus grand chose à voir avec les Royaumes Oubliés de Baldur’s Gate. Tout ce qui y est étrange est quelque chose de naturel aux yeux de ses habitants et l’univers le retranscrit à merveille. Le jeu jouait avec brio les codes de la narration et offrait aux joueurs une histoire riche à l’écriture sans failles, comprenant des personnages profonds et crédibles, un background immense apporté au moindre détail, un humour qui fait mouche et des quatrièmes murs brisés de façon subtile. Toutes ces raisons ne sont qu’une partie de l’explication qui prouve que Planescape: Torment est le meilleur RPG jamais créé, point. Et c’est pas les avis sur GOG qui vont me contredire.
C’est donc Brian Fargo, créateur historique de feu Interplay et actuel patron de InXile, fort du succès de Wasteland 2, qui fera appel à la fibre nostalgique des joueurs pour financer une suite spirituelle à Planescape: Torment. Il n’aura pas fallu grand chose puisque l’objectif Kickstarter aura été atteint plus de quatre fois, faisant monter la note à plus de quatre millions de dollars. N’ayant pas les droits de la licence Donjons & Dragons, InXile doit aussi se rabattre sur un autre univers tout en gardant le cachet de Planescape. C’est alors Numenéra, JDR à succès, qui fera office de support pour les règles de jeu et l’univers de ce nouveau Torment.
C’est le décor du Numenéra
L’univers de Numenéra est justement ce qu’il fallait pour faire écho à l’étrange monde de Planescape. Magie, technologie et ésotérisme ne font qu’un. L’action se déroule un milliard d’années dans le futur, où les civilisations humaines se sont succédé. Le monde actuel est connu comme la neuvième, construit sur les vestiges d’antan. Les habitants de cet univers essaient alors de comprendre les anciens mondes tout en construisant le nouveau. À mi-chemin entre le post-apo et la science fantasy, Numenéra est unique et original, on peut pas le renier. Tout ce qu’il fallait pour pour ressentir ce sentiment de dépaysement que proposait Planescape.
Evidemment, comme ce nouvel opus n’est pas une suite directe, incarner un personnage aussi intéressant que l’entité immortelle qu’était Sans-nom est un défi à relever en soit. Qu’à cela ne tienne, les joueurs incarneront également quelque chose qui sort de l’ordinaire avec un passé inconnu. “Quelque chose” est le terme juste puisque notre avatar était en fait celui de quelqu’un d’autre que l’on surnomme le Dieu Changeant. Débarrassé de son ancienne carcasse, cette dernière se mets à développer subitement une conscience et devient autonome. On se retrouve dans le cas intéressant que notre personnage a un passif mais pas de “passé” à proprement parlé. Ce corps n’a pas toujours été le votre mais vous voilà, vous, conscience toute neuve, projeté dans un monde étrange aux règles obscures. Comme dans Planescape, vous n’avez pas de nom, et vous n’en aurez pas.
Mais parce qu’il faut bien quelque chose qui fasse avancer le scénario, une autre entité divine nommée l’Affliction en veut justement à votre corps, dernier vaisseau du Dieu Changeant. Le but de votre périple sera donc de la fuir et de trouver un moyen pour qu’elle se désintéresse de vous ou de la détruire. Ainsi commence votre périple.
Les personnages qui complétaient le reste du groupe étaient aussi une belle tripotée de personnages qui auront vite fait d’être mémorables. Entre une ancienne reliquat comme vous, capable de plier la lumière et l’ombre à sa volonté ; une magicienne qui a trop joué avec l’espace-temps et qui est en permanence coincé entre plusieurs plans, donnant lieu à des dialogues de sourds cocasses ; et un aventurier qui représente tellement le cliché du beau prince charmant Colgate qu’il en irradie d’une aura dorée, littéralement, en plus d’être un être surpuissant… sauf qu’il est bête comme ses pieds. Et le meilleur ? Ils ne se supportent pas et passent leur temps à se vanner en permanence… et c’est souvent très drôle.
Ça donne pas envie de manger Bio
La démo que nous avons testé était une version preview PS4, qui va au delà de l’Early Access disponible actuellement sur Steam.
Le niveau que j’ai pu tester représentait parfaitement le monde, ou du moins un aspect de Numenéra. Après s’être enfuit de l’Affliction à travers une porte dimensionnel, le petit groupe que je contrôlais est arrivé au Biophage, une ville construite à l’intérieur même d’une créature gigantesque et mystique. Dans des décors peints à la main, le jeu n’a rien à envier aux grandes pontes de l’époque. L’environnement du Biophage est vivant et poisseux, où chaque bruit de pas résulte en un son particulièrement répugnant. Le truc, c’est qu’il y a tout un écosystème à l’intérieur, avec une société construite avec ses règles et ses enjeux. On suppose facilement que la narration gardera sa qualité jusqu’à la fin, mais il faut savoir qu’on peut parler à vraiment beaucoup de personnes dans Torment. D’autant plus que les gens sont très, très bavards. C’est pour cela qu’un titre comme celui là n’est pas à confier entre toutes les mains, parce du texte aussi bien descriptifs que de dialogues, il y en a un sacré paquet. Mais pendant deux heures de jeu, je ne me suit pas ennuyé une seule seconde, grâce à une écriture maîtrisé et intéressante. Il y avait toujours quelque chose à apprendre sur le monde et les personnages, ou à assimiler pour le bien de l’histoire.
Tides of Numenéra partage beaucoup de choses avec son ancêtre sur le fond, mais peu sur la forme. Si le jeu se joue bien à la manière d’un CRPG classique comme Baldur ou plus récemment Pillars of Eternity (vue isométrique, fenêtre de dialogue centrale, gestion du groupe…), l’abandon des règles de D&D est d’abord la première chose à souligner. Le jeu n’emprunte pas seulement l’univers du jeu de rôle Numenéra, mais également son système de règles. Si D&D était un vrai bouzin à comprendre pour les néophytes, Numenéra utilise un système plus simple et élégant. Les actions classiques comme un test de perception ou de dextérité se résolvent avec une competence du personnage de manière classique, mais un système dans l’air du temps des JDR modernes a été introduit, la réserve de stats. Vous pourrez comptez sur trois réserves de caractéristiques dans le but de vous aider à réussir des jets : Force, Intellect et Célérité. Si vous n’êtes pas satisfait de la chance de réussite de vos jets, vous pouvez griller ces points pour être sûr de ne pas vous foirer dans la tâche selon son type. Mais attention, ces points remontent lentement et servent très souvent, de plus, un personnage blessé par tel ou tel source peut altérer ces réserves et l’handicaper jusqu’à rétablissement. La force de la narration est du fait que l’ont va privilégier la réussite de tel événement sans savoir si une autre action ultérieure aurait pu avoir un impact plus important sur votre progression. Vous vivez l’aventure au moment présent.
Sans spoiler comme un gros sac, on peut dire que j’ai été lâché dans le Biophage sans trop connaître la marche à suivre. C’est à force de tâter un peu au hasard les conversations et les éléments à inspecter que l’ont mets le doigt sur la résolution de la situation, d’autant plus que les options sont très diverses. On est souvent perdu mais tous les éléments sont toujours là pour nous remettre dans le droit chemin entre deux conversations d’expositio,n à condition d’être attentif. Ce qui aurait pu être rapidement un foutoir et une source d’ennui devient une force et une source d’émerveillement constant.
Ça parle beaucoup histoire et blabla, mais les combats dans tout ça ?
Ma réponse sera simple, j’en ai pas fait. En deux heures de jeu, je n’ai pas fait un. seul. combat. Ce qui en était étrange au début est finalement un point positif. Torment propose la majorité du temps de tout simplement éviter l’effusion de sang à la première occasion, en exploitant toujours des routes alternatives. Je ne sais pas si l’idée a été poussé à tous les combats, mais j’ai eu la chance de trouver la bonne chose à faire à chaque fois que la tension montait d’un cran (d’où l’utilisation de la réserve à utiliser dans les moments clés, dont je parlais plus haut).
Si vous choisissez de jouer le bon samaritain, cela ne veut pas dire que les montées d’adrénalines n’existeront pas. Le jeu introduit également une notion originale et si bien pensé qu’on se demande comment cela ne pouvait pas avoir été fait avant, pourtant cher aux joueurs de JDR papier : la gestion de crise. Les crises sont des événements où le temps est limité et où quelque chose est sur le point de survenir si rien n’est fait pour l’empêcher. Dans le cadre de la démo, deux groupes d’individus étaient à deux doigts de se foutre gaiement sur la tronche. Je décide de m’en mêler mais je ne fais qu’aggraver la situation. À partir de là, la crise s’enclenche : le jeu rentre dans une phase tour par tour comme pour un combat, et chaque personnage peut agir avec son environnement pour trouver l’astuce qui peut sauver la mise. Les personnages se joue dans l’ordre de leur initiative, et ne pourront pas emprunter les compétences de leurs collègues, contrairement au mode d’exploration classique. Pour m’en sortir, j’ai du scinder le groupe en deux pour parlementer avec les deux belligérants afin de les asséner d’arguments qui prouvaient que se foutre joyeusement sur la gueule, c’mal, m’voyez ? J’avais bien évidemment le choix de ne pas intervenir, ou encore de me battre pour un camp. La méthode pacifiste se montra d’ailleurs payante un peu plus loin dans l’aventure. Je n’ai pas asséné une seule attaque dans toute la démo, et j’en suis senti extrêmement satisfait avec l’impression d’avoir accompli une sacrée prouesse.
Pour terminer, je rappelle que je n’étais pas dans un confort optimale, puisque l’éditeur a insisté pour nous faire tester la version console du jeu. Pourtant, quand on voit l’interface, notre instinct de PCiste hurle au crime de lèse majesté envers la sacro-sainte souris. Et bien, force est de constater que les consoleux vont pouvoir tâter d’un excellent RPG dans une ergonomie agréablement maîtrisé, si ce n’est perfectible. On peut jouer en mode déplacement au stick, avec la possibilités de choisir les actions aux alentours avec R1 ou L1, mais on préféra le mode de visée, au quel cas le centre de l’écran fait office de pointeur, aussi bien pour se déplacer que pour interagir, bien plus proche de l’expérience original. On galère un peu dans l’interface des fiches de personnages et de l’inventaire, mais on fini par s’habituer. Le vrai bémol vient du temps de chargement un peu long entre chaque écran, et qui sont nombreux, mine de rien. L’éditeur a assuré que l’optimisation de la version console était toujours en cours.
Là-bas au Numenéra, on dit que la vie, c’est une folie
Ces deux heures en compagnie de ce futur Torment m’ont vraiment donné envie de continuer l’aventure et d’en découvrir un peu plus sur le monde surprenant de Numenéra. Certes, il n’a pas grand chose à voir avec son père spirituel à part le nom, mais le ‘spirituel’ n’est pas un vain mot. Une histoire originale et prenante ? Bim, vous l’avez. Un univers unique et étrange ? Bim, vous l’avez aussi. Une narration maîtrisée et des choix à plus savoir quoi en foutre ? Et re-bim. Ce n’est plus un “aperçu” à ce niveau là, j’ai l’impression d’avoir écrit un test et d’avoir déjà un avis tranché sur le jeu. Il reste pourtant tant de choses à découvrir (comme les combats par exemple, tiens). Si la démo donne le même ton pour toute la durée de l’aventure, on pourrait se retrouver avec un futur bijou du RPG classique.
Bilan : Très bon
Le jeu sort en version finale sur PC et sur console le 28 février 2017.
Les screenshots ont été fournis par l’éditeur.
Vous pouvez acquérir la version Early Access de Torment: Tides of Numenéra sur PC chez notre sponsor, GoCléCD, ou précommander la version console chez Amazon (PS4 / Xbox One).
Probablement le rpg que j’attends le plus cette année ! Le premier était déjà tellement bien et celui-ci semble à la hauteur !
C’est vrai,presque un roman avant le test,celà promet,merci