Netflix continue de pondre ses succès et DARK se présente comme sa nouvelle pépite. Préparez-vous à vous poser des questions – des tas de questions – au visionnage de cette série prenant pied en Allemagne, même si dans le fond, “où ?” n’est pas la question que vous devez vous poser.
Note : cette kronik a été réalisée après avoir visionné l’intégralité de la série.
L’histoire qui commence par une fin
DARK s’ouvre sur un scène un tantinet lugubre : un homme met le point final à une lettre puis à sa vie. Une petite pendaison pour donner le top départ, rien de tel pour égayer l’atmosphère. Mais c’est en fin de compte une excellente entrée en matière et, rassurez-vous, je ne vais pas vous laisser pendus à mes lèvres à attendre une explication : DARK se trouve être une série intimement liée à la mort et à une atmosphère noire à souhait.
Suite à cette ouverture, on nous présente rapidement une kyrielle (trop ?) de personnages dont une bande de jeunes gens. Tous vivent dans la petite ville allemande de Winden, où se trouve une grotte source de crainte et qui va constituer le pivot de l’histoire. Il y a peu, un jeune garçon du nom d’Erik Obendorf a disparu sans laisser de traces – genre aucune – et la bande sus-mentionnée décide d’aller récupérer son butin de drogue (car le petit Erik est un vilain dealer), planqué à la fameuse grotte.
DARK se trouve être une série intimement liée à la mort et à une atmosphère noire à souhait.
Obligés de se coltiner Mikkel, le petit frère d’un des leurs, les jeunes gens s’en vont gaiement à la recherche du trésor, sauf que l’affaire tourne au vinaigre : la peur les gagne et lorsqu’un terrible bruit émane de la caverne (les lampes torches se mettent à déconner pour compléter l’ambiance), tous prennent leurs jambes à leur cou. Isolés, Jonas, l’un des ados, et le petit Mikkel, se retrouvent tous les deux, jusqu’à ce que ce dernier disparaisse sans laisser de traces, comme ce bon vieux Erik. Bien entendu, c’est là que les emmerdes commencent vraiment, d’autant que le garçon se trouve être le fils d’un policier.
J’ai omis les œufs de caille ? C’est une catastrophe !
Comme précisé dans le titre de cette kronik et très rapidement dans la série, la question est : “Quand ?” L’histoire se déroule en effet à trois époques différentes : 1953 et, principalement, 1986 et 2019. Dans un premier temps, l’essentiel de l’action tourne autour de Mikkel et de l’enquête pour le retrouver, tout en distillant des indices pour nous faire comprendre que quelque chose cloche. Ce n’est que plus tard que nous comprendrons que l’enjeu est en réalité bien plus grand.
La grotte de Winden renferme un secret important : elle constitue un passage entre les trois espaces-temps précédemment mentionnés et les vies de la ville, ainsi que l’histoire principale, se retrouve profondément intriquée et emmêlée entre les différentes époques, si bien qu’un changement dans l’une peut avoir de lourdes répercussions dans l’autre. Et bien entendu, certains connaissent très bien ce petit secret et en font allègrement usage…
La photographie est très bonne, nous plongeant dans des décors de toute beauté où le maître-mot est “lugubre“. La majeure partie de la série se déroule de nuit ou dans des recoins sombres, ce qui participe à créer une atmosphère pesante et dérangeante.
L’ambiance est […] magnifiquement orchestrée
Le rythme est extrêmement lent : beaucoup de plans fixes, agrémentés de musiques lunaires et d’effets sonores léthargiques et oppressants. Mais n’allez pas vous imaginer que cela est négatif ! Au contraire, le tableau est parfaitement cohérent et contribue à nous donner l’impression que Winden est une sorte de monde à part, piégé dans un cours du temps bien particulier. Cela tend en plus à nous rappeler le rythme d’une petite ville de campagne, par opposition à la frénésie des grandes villes.
L’ambiance est ainsi magnifiquement orchestrée et l’ensemble m’a franchement séduit même si, on ne va pas se mentir, il faut éviter de regarder la série fatigué car ce n’est pas elle qui va nous redonner la pèche. Ce choix est un pari et il a le mérite d’être assumé jusqu’au bout et largement réussi, n’en déplaise à ceux qui n’ont pas compris la visée des réalisateurs.
Pour la dernière fois : non, DARK ne copie pas Stranger Things
Ces derniers jours, on voit débouler des “critiques” sur deux ou trois épisodes de la série, celles-ci relèvent (certaines semblent s’offusquer) une ressemblance frappante avec Stranger Things. Sauf que non. Une partie de l’action prend place en 1986 mais on est très loin de la nostalgie assumée de Stranger Things : seules quelques références sont là, avant tout pour que l’audience comprenne à quelle époque se déroule la narration – car le scénario est loin d’être toujours facile à suivre et ce n’est qu’à la fin qu’on nous précise explicitement les changements d’époque.
D’autre part, il y a certes une bande de jeunes, mais ils sont loin d’être au centre de la série. Beaucoup de personnages adultes voire âgés ont largement droit à leur part du gâteau, et pour cause : les trois époques de Winden nous permettent de retracer les vies des différents protagonistes, leurs rapports les uns aux autres, la gangrène qui vérole leurs liens…
Enfin et s’il fallait une “preuve”, les réalisateurs ont déjà précisé que la conception de DARK avait commencé avant même l’arrivée de Stranger Things sur les écrans.
Je termine sur ce point en précisant que l’ambiance est très loin d’être la même, de même que le propos. On est toujours dans de la science-fiction mais je le répète, le mot-clé ici n’est pas “nostalgie” mais “lugubre”. Centrale nucléaire ou pas, DARK se démarque très bien de Stranger Things et les deux séries ont chacune leur identité propre et particulière, il suffit d’ouvrir les yeux pour le constater.
Ah putain c’est qui lui déjà ?
DARK n’est pas exempt de défauts. Concrètement, la pléthore de personnages – démultipliés par le nombre d’époques – fait que la série a du mal à se concentrer sur certains en particulier et l’attachement est donc moindre. Ce n’est qu’à la fin que l’histoire se porte sur quelques protagonistes mais il est déjà trop tard pour qu’on ressente une empathie.
De même, cela rend difficile la lisibilité de l’intrigue. Entre le mélange des époques et des visages, on se retrouve fréquemment à faire pause pour se poser la question : “putain c’est qui ça ?” (le “putain” est accessoire mais hautement apprécié dans mon cas). Ajoutons que l’intrigue en elle-même est très complexe et qu’on sent que Baran bo Odar et Jantje Friese (les créateurs de la série) ont un univers très riche à développer… et ils sont tombés dans l’écueil de vouloir laisser trop de pistes au spectateur. Spectateur qui, du coup, se retrouve parfois un peu paumé.
[On] se retrouve parfois un peu paumé.
On suit malgré tout le fil rouge en laissant un peu de côté certains mystères qui s’offrent à nous. Une fois l’ultime générique de fin de cette saison 1 déroulé, beaucoup d’interrogations demeurent en suspens et laissent présager une saison 2 mieux exécutée, tout simplement parce que les bases auront été posées. On note malgré tout l’effort de répondre à certains éléments qui pourraient être considérés comme incohérents, ce qui renforce la solidité du scénario. Les explications sur le temps et la théorie des trous de ver aident à cela, mais ne sont pas les seules. Pour résumer, il y a de l’attention portée au détail, et il s’agit bien entendu d’une excellente chose.
Les acteurs se révèlent tous sans exception excellents et jouent des personnages aux caractères hétérogènes. J’ai rarement vu autant de comédiens jouer aussi bien sur les micro-expressions, les silences, les moues… on sent une direction d’acteurs non moins excellente à l’œuvre en arrière-plan. La version française se montre d’ailleurs particulièrement crédible, évitez le doublage anglais (les acteurs étant allemands) qui pour le coup donne véritablement une sensation de décalage.
On descend avec le lapin blanc au fond du gouffre
DARK constitue le nouveau phénomène Netflix et mérite qu’on arrête de l’assimiler (à tort) à une copie du sublime Stranger Things. Dotée d’une intrigue forte et d’un univers que l’on sent complexe – dans le bon sens du terme -, cette saison 1 fait figure de mise en bouche épicée pour un développement futur que l’on espère à la hauteur de ce qu’il laisse présager. On espère simplement que DARK ne tombera pas dans le ridicule piège d’une guerre pour contrôler le voyage dans le temps, car cela semble un peu être la tournure envisagée.
Malgré quelques cafouillages liés à une pléthore de personnages empêchant l’empathie via la mise en avant et la volonté de laisser trop de pistes différentes au spectateur (pistes qui ne seront vraisemblablement résolues que dans la saison 2, voire plus tard), je regarderai avec plaisir une seconde fois cette première saison afin de tout remettre en perspective avant la seconde flopée d’épisodes.
L’atmosphère visuelle et sonore est en tous points cohérente et fidèle à la visée des réalisateurs : on est oppressé, on sait que quelque chose cloche avec Winden, et on sent que de très lourds enjeux pèsent dans la balance du temps. En fin de compte, le principal reproche que l’on peut faire à DARK est de peut-être vouloir préparer le terrain de la suite trop ostensiblement.
Catégorie : plein les yeux
Trailer DARK
c’est vrai que netflix est vraiment intéressant et nous propose des séries au top,merci
Merci pour cette découverte, j’y jetterai un œil. ;)