Le dernier-né de Dontnod Entertainment pointe le bout de ses crocs, qu’il plante dans le Londres de 1918. Doté d’une atmosphère encore teintée de l’ère victorienne, mais surtout marquée par la guerre et la grippe espagnole, Vampyr propose une aventure sanglante où, nous dit-on, chaque personnage est important et la décision de les tuer ou de les épargner influence le jeu. Dans les faits, on a plutôt l’impression de gober une grosse bulle rouge.
Émo avant globine
Vampyr nous plonge dans une atmosphère très darkula (j’aime l’humour) puisqu’en plus d’évoluer à l’époque de la Première Guerre Mondiale et de la grippe espagnole, le héros – ou antihéros, selon les choix que vous opérerez – et chirurgien Jonathan Reid se voit transformé en vampire et donc condamné à vivre la nuit. Ivre de sang, incapable d’identifier celui ou celle qui lui fait ce “don”, Reid va rapidement se trouver des alliés de circonstance, lui permettant de demeurer dans la société londonienne. Dès lors, son but va être d’identifier son créateur, mais aussi de trouver un remède à la grippe qui accable la capitale britannique.
L’ambiance de Vampyr est soignée. Certains penseront peut-être à Bloodborne en parcourant des rues sombres et jonchées de cadavres. L’éclairage lugubre participe à nous immerger dans Vampyr et l’écriture achève de le faire. Du moins en partie. En effet, nous sommes encore à une époque assez romantique, marquée par l’ère victorienne. Nous nous retrouvons donc avec des scènes assez “chevaleresques” dans l’esprit, ce qui n’est pas pour déplaire, car contribuant au climat général. Malgré tout, impossible de ne pas relever certains dialogues vraiment too much, peu importe le nombre de cups of tea que l’on cherche à distiller dans l’aventure. Si l’ambiance globale m’a immergé dans Vampyr, ces moments m’ont ramené à la réalité sans trop de mal, et c’est bien dommage.
L’atmosphère générale est très bien maîtrisée et il s’agit clairement d’un des points forts du jeu.
Ne vous méprenez pas cependant : comme souligné, l’atmosphère générale est très bien maîtrisée et il s’agit clairement d’un des points forts du jeu. Dontnod Entertainment sait raconter des histoires et le prouve une fois encore avec Vampyr.
Puisqu’il est question d’écriture, mentionnons le beau travail effectué sur la plupart des personnages, que l’on prend plaisir à découvrir. Chacun a sa propre histoire et les tuer implique effectivement des conséquences, mais pas vraiment celles que j’attendais, j’aurai l’occasion d’y revenir un peu plus loin. Pour l’heure, sachez simplement que les personnalités sont crédibles, quoique stéréotypées pour certaines.
Un tableau non sans accrocs
Lorsqu’on démarre l’aventure Vampyr, on ne s’y attend pas et puis d’un coup ça nous tombe sur le coin de la gueule (c’est le cas de le dire) : les personnages ont un visage. Notez que je n’ai pas utilisé le verbe “se servir de”. En plus de la grippe espagnole, il semble qu’une terrible épidémie de paralysie faciale sévissait à Londres en 1918. Considérant l’intérêt de l’histoire et l’accent mis sur les personnages, quels qu’ils soient, avouez qu’il est dommage que leurs faciès ne reflètent pas leurs émotions. Cela donne même lieu à des scènes qui virent un peu au ridicule malgré elles – car elles ne le sont pas du tout -, notamment quand on censé voire de la tristesse ou de la peur et que tout ce qu’on voit, c’est quelqu’un dont on se dit qu’il ferait un sacré bon joueur de poker.
En plus de la grippe espagnole, il semble qu’une terrible épidémie de paralysie faciale sévissait à Londres en 1918.
Toutes les textures ne sont par ailleurs pas très bien soignées, mais la luminosité générale fait un peu office de cache-misère de ce côté-là, sachant que le tableau d’ensemble compense largement via l’atmosphère ultra maîtrisée, comme signalé un peu plus haut. De fait, ces quelques textures pas franchement folichonnes se font très rapidement oublier.
On relève au passage quelques bugs, peu fréquents, ainsi que des chutes de framerate sur consoles – non constatées sur PC.
Sus à l’anémie !
Du côté du gameplay, on ne peut s’empêcher de ressentir de la frustration devant Vampyr. Tiraillé entre la volonté narrative et les combats, le jeu opte pour une sorte d’entre-deux afin d’essayer d’assurer sur tous les plans, et c’est là que survient la fameuse frustration. En effet, les combats en eux-mêmes n’ont que peu d’intérêt et de saveur. Le système de castagne de Vampyr propose de gérer une barre d’endurance ainsi qu’une barre de sang, équivalent du mana pour les pouvoirs vampiriques. Pour remplir celle-ci, vous pouvez fabriquer des seringues, bouffer des rats (enfin les sucer plus exactement) ou bien assommer des adversaires pour planter vos crocs dans leur cou.
Les combats en eux-mêmes n’ont que peu d’intérêt et de saveur.
Le problème, c’est qu’affronter des adversaires de niveau plus élevé revient en fin de compte à boxer un sac à points de vie. Si les ennemis sont au même niveau que nous ou à la rigueur, dotés d’un niveau de plus, on les massacre purement et simplement. Et plus on développe ses capacités vampiriques, plus cette dernière tendance se confirme. Pour ce qui concerne les vilains de niveaux supérieurs, c’est la même chose que les boss, autrement dit une guerre d’usure : on approche pour glisser quelques coups, on se recule le temps que l’ennemi fasse son ou ses coups, on en profite pour régénérer sa santé via seringue ou pouvoir vampirique, on prend les mêmes et on recommence.
Pour ce qui est de la narration et du scénario, celui-ci se montre captivant et a quelque chose à raconter. Mais on retrouve beaucoup trop de stéréotypes et lieux communs que les habitués auront vite fait d’identifier. Qu’il s’agisse des sociétés secrètes ou des mortels convoitant l’immortalité, en passant par les vampires tiraillés entre leur soif et la condamnation morale que représente le fait de prendre une vie, tout y est. Le problème n’est pas tant dans la reprise de ces tropes, mais dans le fait que Dontnod Entertainment n’y apporte pas grand-chose, sinon rien
Cela fait des années que Vampyr accentue sa communication sur l’importance des personnages et des conséquences de leur prendre la vie ou de la laisser sauve. Nous sommes donc en droit d’attendre à ce que cela soit mis en pratique. Malheureusement dans les faits, tuer ou épargner ne semble pas avoir de réelle influence sur la trame principale, ce qui est en soit une déception pour ma part. Il y aura bel et bien des répercussions à vos agissements, mais sur les vies des personnages en eux-mêmes, pas sur l’histoire avec un grand H, si l’on peut dire. Citons un exemple qui évitera de vous spoiler : deux personnages sont assez attachés, en buter un reviendra à condamner l’autre à l’errance, ce qui le conduira à devenir un monstre. Vous voyez ensuite apparaître un événement que vous pouvez compléter et qui est en fait l’assassinat dudit monstre (il y en a plusieurs comme ça). Zigouiller tel médecin libérera sa place pour quelqu’un qui ambitionne de le devenir. Très cool pour les personnalités concernées, pour le reste du monde ? On s’en tape un peu.
Il y aura bel et bien des répercussions à vos agissements, mais sur les vies des personnages en eux-mêmes, pas sur l’histoire avec un grand H, si l’on peut dire.
D’humeur canine
Le fait est que Dontnod Entertainment a composé des personnages souvent assez intéressants et on a donc envie de les découvrir. Le studio parvient même à nous faire ressentir une empathie relative. Mais le système de salubrité des quartiers (similaire à celui de Dishonored) couplé aux combats vient plomber tout cela. En effet, chaque quartier de la ville présente plusieurs niveaux de salubrités : en atteignant le stade le plus négatif (hostile), les citoyens disparaissent et leurs missions secondaires associées avec eux. Le nombre de personnes que vous assassinez influence cette jauge, de même que le nombre de malades – que vous pouvez soigner en concoctant des médicaments.
Quel intérêt de tuer des citoyens ? Boire leur sang vous octroie des montants d’XP variables, mais toujours intéressants (tuer des ennemis ne vous rapporte presque rien), ces montants variant en fonction de la santé de l’individu (une raison de plus de leur fournir des médocs), mais aussi des indices que vous avez récoltés sur celui-ci. Autrement dit, mieux vous connaissez une personne, meilleur est son sang (oui, ça fait jeu pervers).
Le vrai problème se pose à partir du moment où, pour faire chuter un quartier dans l’hostilité, il faut tout de même insister. J’ai volontairement drainé Whitechapel et laissé les maladies se répandre et il a tout de même fallu un moment pour arriver à ce stade – et encore, probablement en raison d’un bug, le quartier et ses habitants restaient inchangés. Associez à cela les combats ultra rébarbatifs – évoqués plus haut – en cas d’affrontement contre un ennemi de niveau bien supérieur et vous arrivez à une situation dans laquelle vous cherchez à mordre le premier cou qui passe à votre portée. Étant donné qu’il n’y a pas de réel enjeu pour la trame principale, on se charge de récolter les indices en ramassant des lettres planquées ou en épiant certaines scènes en demeurant planqué, histoire d’engraisser le porc avant de le faire passer à l’abattoir.
Toute l’ambivalence se nourrir vs serment d’Hippocrate se transforme bien vite en serment d’hypocrite.
De fait, toute l’ambivalence se nourrir vs serment d’Hippocrate se transforme bien vite en serment d’hypocrite (j’aime toujours l’humour). D’autant que l’histoire principale prend rapidement de l’ampleur et il n’est plus question d’une enquête façon Sherlock Holmes, mais bien de gros enjeux sur fond de sociétés secrètes. J’ai ainsi rapidement perdu le lien avec les habitants de Londres, les considérant effectivement comme des bonbonnes d’XP. Quel dommage ! Les premières heures de jeu que l’on passe au contact des pensionnaires du Pembroke Hospital et des habitants de Whitechapel développent justement un intérêt pour eux. J’aurais vraiment souhaité que Vampyr reste sur cette trame et me propose une aventure où les individualités sont effectivement au cœur du récit du début à la fin. Au final, ils ne sont qu’une source de quêtes secondaires, que l’on prend malgré tout plaisir à effectuer.
Potentiel vampirisé
Vampyr a promis beaucoup sur son aspect RPG et s’il est vrai que les premières heures de jeu partent très bien, avec des personnages que l’on prend plaisir à découvrir, la suite est nettement moins encourageante. L’histoire prend de plus amples proportions et nous détache de ces personnalités. Vraiment dommage quand on voit que le travail d’écriture est au rendez-vous. Je regrette le manque d’impact des choix (notamment en ce qui concerne les meurtres) sur la trame principale. L’influence principale que l’on a est en fait sur les vies des autres personnages, ce qui est certes appréciable, mais loin de nous proposer le fameux grand dilemme que l’on attendait. Le système de combat est insipide et encourage en fin de compte à boire du sang, de même que celui de l’insalubrité. En ajoutant à cela quelques incohérences pas forcément négligeables, des expressions faciales inexistantes et des tropes scénaristiques repris sans pour autant y apporter son grain de sel, et il n’y a qu’un pas avant de se dire que Vampyr est sorti trop tôt. Car le potentiel est clairement là et on le voit : le jeu de Dontnod Entertainment avait beaucoup à offrir. Le cul entre deux chaises – celle du RPG pur jus et celle de l’action-RPG -, Vampyr aurait dû choisir l’un des deux camps ou s’octroyer du temps de développement supplémentaire. Vraiment dommage quand on voit que beaucoup de personnages sont effectivement intéressants et méritent qu’on les découvre, qu’on éprouve de l’empathie pour eux ; quand on se rend compte que l’histoire principale est accrocheuse de bout en bout ; quand on se rappelle l’atmosphère très bien maîtrisée et raccord avec l’époque présentée.
► Points forts
- Superbe atmosphère, appuyée par la BO
- Un contexte que l’on voit peu, ça fait du bien
- Beaucoup de personnages intrigants
- L’histoire principale bien ficelée
- Bonne durée de vie
- Les effets des assassinats sur l’entourage de l’individu…
► Points faibles
- … même si certaines histoires semblent se répéter
- Manque d’influence réelle sur l’histoire principale
- Rendre Londres insalubre, c’est quand même pas mal balèze considérant le contexte
- Des incohérences scénaristiques et de gameplay (tuer un des rares médecins de Pembroke Hospital n’est pas plus grave que de tuer un patient, par exemple)
- Le système de combat est chiant
- Des tropes scénaristiques repris sans y ajouter quoi que ce soit
- Le fameux dilemme se nourrir vs le serment d’Hippocrate, il est où ?
- Expressions faciales inexistantes ou presque
Arythmie cardiaque
War Legend a bénéficié d’une copie offerte par Focus Home Interactive.
Vampyr est disponible sur PC, PS4 et XB1.
oui ? ils nous auraient vendu du reve ?
En tout cas moi je suis epaté par l’unanimité des avis "journalistiques". que tu prennent n’importe quel site, n’importe quelle epuipe editoriale, ils ont tous le meme avis. sur les meme jeux . Il est pas merveilleux ce monde d’esprits libres et independants pas du tout formatés ?
Moi du coup ça me donne quand même envie d’y jouer :)
<a class=’bp-suggestions-mention’ href=’https://www.warlegend.net/members/valiguard/’ rel=’nofollow’>@valiguard</a> et tu fais bien ! Cela reste une belle expérience de par ses qualités.