Genre du jeu vidéo ayant connu un véritable âge d’or, nombreux sont les joueurs qui voient l’époque du MMO comme révolue, voire en passe de disparaître. En fin de compte, est-ce réellement le cas ?
Trop d’MMOTION
Tout d’abord, qu’est-ce qu’un MMO ? N’importe qui doté de ses 10 doigts est capable d’obtenir de Wikipédia “massively multiplayer online game » (MMOG pour les vieux de la vieille). Sans trop entrer dans les détails, il s’agit d’un jeu en ligne — Captain Obvious pour vous servir — dans lequel de nombreux joueurs interagissent entre eux afin d’évoluer dans un univers persistant, lui-même dans une évolution continuelle.
Le MMO dans la forme que nous lui connaissons naît à l’arrivée du Web. Son origine remonte à bien plus loin — presque aussi loin que le jeu vidéo en somme – mais dans la mesure où son aspect s’avérait bien différent de maintenant, ce n’est pas vraiment important ici. Bref, l’ère d’Internet devient très vite celle du MMO, et plus exactement du MMORPG, puisque c’est cette catégorie bien précise qui viendra assaillir ce nouveau marché ô combien prometteur.
Les premiers MMORPG voient le jour dans les années 1990, avec des noms aujourd’hui cultes comme Neverwinter Nights, Lineage, ou encore Ultima Online — ce dernier considéré par beaucoup comme le premier MMORPG populaire, et celui qui aura réellement donné ses lettres de noblesse au genre.
Depuis lors, le marché ne cesse d’accueillir des nouveaux venus, chacun allant de sa petite dose de créativité. Les joueurs découvrent un tout nouvel aspect du jeu vidéo, et les férus de jeux de rôles y voient là la quintessence de leur passion. Arrivent alors les années 2000, début de ce que l’on considère comme un véritable âge d’or pour le MMO.
On est tous un peu casu au fond
L’apogée du MMO est né grâce à une idée aussi simple (du moins maintenant) qu’excitante : établir une connexion entre des milliers de joueurs dans un même univers. Du côté des développeurs, il s’agit d’une nouvelle façon d’appréhender le jeu vidéo. Les possibilités paraissent infinies et une véritable mine d’or est a portée de main.
Néanmoins, il est difficile de parler “d’âge d’or” avant l’apparition d’un jeu, qui a eu l’effet d’un véritable raz-de-marée. Devenu le roi incontesté et incontestable du genre MMO (RPG ou non d’ailleurs) en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il est aussi celui qui l’a forcé à revoir sa formule, le transformant définitivement. Vous l’aurez deviné, il s’agit du mastodonte de Blizzard, j’ai nommé World of Warcraft.
Soyons clairs, WoW est un véritable chef-d’œuvre sous bien des aspects. Sorti en 2004, celui-ci portait l’univers de Warcraft sur la scène MMORPG et proposait une toute nouvelle approche, celle qui ouvrait le genre au grand public. Parce que oui, n’en déplaise à certains, World of Warcraft est depuis le départ une version « casualisée » du MMORPG. Ce dernier, certes jouissant d’une jolie popularité même avant l’arrivée de WoW, restait ce que l’on pouvait considérer un type de jeu de « niche ».
Celui-ci nécessitait un temps considérable et se voulait bien plus austère que les autres. La gestion d’un avatar était bien plus complexe : la mort du personnage engendrait de sévères pénalités, la régénération de santé/mana post-combat n’existait tout simplement pas, la montée de niveau s’avérait plus longue et plus exigeante, etc.
Sans oublier l’abonnement, système économique alors le plus répandu – bon là dessus, WoW n’aura rien révolutionné, il fait même aujourd’hui partie de ses derniers défenseurs. Bref, une expérience riche, mais pas à la portée de tout le monde.
N’en déplaise à certains, World of Warcraft est depuis le départ une version casualisée du MMORPG.
Aujourd’hui beaucoup de joueurs dénoncent la « casualisation » de World of Warcraft et l’affiche comme symbole de la perte imminente de son trône (imminente depuis plusieurs années…).
C’est pourtant cette même casualisation qui l’a fait devenir ce géant inopposable. Finies les lourdes pénalités à la mort de l’avatar, « l’expérience de repos » proposait aux joueurs une avancée plus sereine, les combats se voulaient bien plus nerveux et j’en passe.
Ce n’était évidemment pas là la seule raison de son énorme succès — on peut aussi citer la possibilité de voyager d’un bout à l’autre du monde d’Azeroth sans voir l’ombre d’un écran de chargement — mais il s’agissait bel et bien de sa force première ; la démocratisation d’un genre qui ne demandait qu’à l’être.
World of MMO
Beaucoup s’accordent à dire que WoW a signé le début de l’âge d’or — et on ne peut pas leur donner tort — mais en y regardant de plus près, le titre de Blizzard s’apparente en soit à une conséquence directe de celui-ci.
En effet, au début des années 2000 et de la démocratisation de l’ADSL, plusieurs MMORPG voient le jour et s’attirent les faveurs de nombreux joueurs. On peut notamment citer Everquest (c’est plus 1999, mais n’allons pas chipoter), le délicieusement complexe EVE Online (2003), le MMO gratuit en Java RuneScape (2001), la jolie touche frenchy Dofus (2004), et bien d’autres encore.
Outre ses idées révolutionnaires, World of Warcraft débarque dans cette même période de démocratisation du web. De plus, l’Heroic Fantasy a le vent en poupe entre autres grâce à la sublime adaptation cinématographique du Seigneur des anneaux. Autant dire qu’avec tous ces éléments, couplés à un univers possédant déjà une « fan base » importante, Blizzard possédait le parfait arsenal du MMO gargantuesque.
Si je serai tout de même d’avis de parler de WoW comme du déclencheur dudit âge d’or, je lui en attribuerai aussi sa fin. Celui-ci n’a pas seulement révolutionné le genre, il se l’est également approprié dans sa quasi-intégralité.
Bon nombre de titres délivrent une très bonne expérience MMORPG avant l’ère du mastodonte de Blizzard, mais cela s’avérera plus difficile pour ceux qui arriveront par la suite. La grande majorité des joueurs de l’époque ont connue cette période : celle des « WoW-killers » qui n’a eu de cesse de voir naître des titres voulant s’accaparer une part du gâteau. A partir de là, ceux qui n’étaient pas de vulgaires clones insipides devaient malheureusement subir l’ombre de World of Warcraft, sans jamais pouvoir s’en dégager.
Pendant de très nombreuses années, le jeu de Blizzard s’est ainsi bâti une véritable forteresse dans l’industrie du MMORPG, sur laquelle quantité de concurrents se sont cassé les dents.
WoW devient vite LA référence du genre et pour beaucoup la seule et unique. Et si aujourd’hui, il a sans aucun doute perdu de sa superbe, sa suprématie aura duré pendant plus d’une décennie (et il reste en première place à ce jour). Aucun autre ne peut se targuer d’une telle prouesse, et difficile de dire si un autre parviendra à en faire de même un jour.
Le MMORPG laisse place au MMO
Bon, World of Warcraft et autres joyeux lurons, c’est bien beau, mais la mort du MMO, elle est où dans tout ça ? Déjà, il faut bien comprendre que si le déclin du MMO est un sujet qui revient très souvent, il est au final plutôt question du MMORPG (que beaucoup voient comme sa forme fondamental). De ce constat, il semble nécessaire de faire la distinction : un jeu « massivement multijoueur » ne se veut pas nécessairement tourné vers le jeu de rôle, et c’est d’autant plus vrai de nos jours.
Aussi, c’est bien le MMORPG qui a envahi le web à ses débuts, et c’est ce genre qui a aujourd’hui tendance à ralentir. Pléthore de raisons peuvent expliquer cela, mais si je devais en choisir une il s’agirait de la diversification du genre MMO.
Une chose se veut certaine : le genre MMO dérive de la trajectoire qu’il empruntait depuis plus de deux décennies. Il faut plus y voir ici une conséquence de l’évolution du secteur vidéoludique dans sa globalité qu’un chamboulement du système par un événement précis. Sur le plan technique comme économique, dans le fond comme dans la forme, le jeu vidéo n’a cessé de subir des changements au fil des années et cela inclut les MMO.
Là où l’époque WoW cantonnait le genre MMO au RPG, la démocratisation toujours plus importante du jeu vidéo – de même que les avancées techniques — a plus ou moins brisé cette vision erronée. Sur ce point-là, le jeu de Blizzard a autant servi son propre intérêt que celui des autres. WoW a forcé l’industrie à tourner son regard dans d’autres directions. On voit ainsi fleurir MMOFPS, MMORTS, ou encore MOBA ; le MMORPG fait enfin de la place au MMO.
Le genre MMO dérive de la trajectoire qu’il empruntait depuis plus de deux décennies
Évidemment, beaucoup de ces autres catégories existaient auparavant. On avait par exemple le très bon Planetside (2003), l’un des premiers représentants populaires du MMOFPS.
Le MOBA, qui de nos jours se veut l’un des genres le plus joué au monde avec des titres comme League of Legends et DOTA II, tire son origine de DotA (Defence of the Ancients), un mod de Warcraft III (2003).
On assiste donc plus à un changement de main qu’à la naissance de genres nouveaux. Désormais, l’attention des joueurs se veut portée vers des titres plus « rapides » — que ce soit dans leur dynamique ou l’investissement qu’ils requièrent — mais aussi et surtout vers les jeux compétitifs.
Mange ton eSport
Si la compétition dans le jeu vidéo existe depuis des lustres, ce n’est que très récemment que celle-ci se retrouve sous les feux des projecteurs. Ce que nous appelons aujourd’hui « eSport » a connu un essor fulgurant à partir des années 2010, grâce a des titres comme Starcraft II, LoL ou encore Counter-Strike pour ne citer que ceux là . En peu de temps, nous sommes passés de tournois s’apparentant à de simples LAN entres potes à des championnats remplissant des stades de foot entier.
Que l’on voie d’un bon œil ou non ce nouveau (ou presque) aspect du jeu vidéo, on ne peut nier que cela a changé la donne sur bien des plans. Alors qu’il y a encore quelques années, le jeu vidéo se voulaient être le vilain petit canard des loisirs socioculturels, il est à ce jour plus reconnu que jamais. Certes l’appel du business n’y est pas pour rien, mais l’univers vidéoludique tend à s’extirper des idées reçues à qui l’on devait une réputation aussi mauvaise qu’erronée.
Avec l’eSport, les joueurs peuvent désormais pousser leur passion au rang supérieur
D’un certain point de vue, l’eSport a sorti le jeu vidéo de l’ombre en révélant au monde l’étendue de ses capacités, mais aussi la communauté massive qui l’entourait. De son côté le MMORPG souffrait — et souffre encore un peu d’ailleurs — des clichés du joueur reclus en ermite dans sa cave avec comme seule interaction sociale sa poupée gonflable (j’exagère à peine). Ces jeux-là étant par essence addictifs et chronophages, il paraît bien compliqué dans ce contexte de s’armer d’arguments pour contredire les détracteurs.
Sans parler de l’aspect social plus alléchant pour l’eSport, ce dernier propose un milieu potentiellement plus gratifiant. Les joueurs peuvent désormais pousser leur passion au rang supérieur : maîtriser un jeu sur le bout des doigts et s’élever parmi les hauts du classement donne aujourd’hui la possibilité d’intégrer une véritable structure compétitive.
Il en va de même avec les plateformes de streaming comme Twitch, qui permettent à des joueurs de cet acabit de créer une communauté grâce à leurs compétences. Bien entendu cela ne concerne qu’une infime partie des joueurs, mais la carotte est bien là, et ça marche du feu de dieu.
La mode est donc à l’eSport, et si les MMORPG ne sont pas exempts d’éléments compétitifs (bien au contraire), ils ne peuvent pas vraiment prétendre en faire partie. Perfectionner son avatar n’apporte au final que de la satisfaction personnelle dans un univers virtuel, opposé à un milieu empreint de rêves de gloire qui pourraient bien devenir réalité.
Nostalgie : ennemi numéro 1 du jeu vidéo
En soit, les MMORPG tendent à être délaissés du fait de leur difficulté à renouveler leur formule. Quand on y regarde de plus près, cette dernière n’a que très peu changé depuis l’arrivée de WoW (alors oui, nombreux éléments des jeux aujourd’hui ne sont pas dus à WoW, je parle bien ici de la formule de Base).
Avec l’eSport et la diversité grandissante du style MMO, cet état de fait se veut encore plus visible. Toutefois, ce n’est pas forcément dû à un laxisme des développeurs, et encore moins à un manque de créativité de leur part. Ces derniers font face à un problème bien plus épineux, dont nous (joueurs) sommes le noyau : la nostalgie.
La nostalgie joue le rôle d’un boulet dont l’industrie ne peut se défaire.
Il s’agit là d’un obstacle propre à tous les MMORPG ayant plusieurs années au compteur — et par extension, aux nouveaux arrivants. Vous savez, la fameuse musique du « c’était mieux avant » ; cette phrase en somme toute bête fait pourtant partie des pires ennemis de ce genre de jeu.
Des équipes de développement entières s’arrachent les cheveux lorsque confrontées à ce phénomène. Il faut dire que passer des années à améliorer un jeu pour atteindre comme point culminant « c’était mieux avant », il y a de quoi tirer la gueule.
Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Le genre MMORPG a sans nul doute fait des choix douteux au cours de son évolution, et beaucoup y ont même creusé leur propre tombe — la perte de l’interaction entre joueurs fait partie de ce constat probant. Mais la nostalgie joue un rôle majeur en ce qui concerne sa baisse de popularité. Le rôle d’un boulet dont l’industrie ne peut se défaire.
Et c’est malheureusement aussi irritant qu’inévitable. Dans sa définition même, un MMO propose un monde persistant. Par conséquent il est logique pour lui de proposer du nouveau contenu afin de conserver une certaine dynamique au sein de son univers. Mais cela se fait parfois — même souvent — au prix de la disparition d’anciens contenus, dans une forme ou dans une autre.
Parmi les exemples les plus explicites, on citera WoW et son extension « Cataclysm » qui vient intégrer une version d’Azeroth aux régions dévastées par Aile de Mort. Les joueurs voient ainsi disparaître la forme du monde qu’ils arpentaient depuis le début. On peut aussi mentionner Final Fantasy XIV, qui a juste fait table rase après un premier lancement désastreux (bon par contre, ce changement-là personne ne s’en est plaint).
Même si le nouveau contenu peut ne pas modifier le monde en soit, il vient en général rendre l’ancien obsolète. Sur ce dernier point, des jeux comme FF XIV et Guild Wars 2 ont cependant proposé une solution assez efficace — bien qu’imparfaite — en permettant aux joueurs d’aligner leur niveau sur celui des donjons, Boss et/ou raids.
C’est à partir de ce point que la nostalgie entre en jeu : qu’ils soient las ou non de la version actuelle de leur jeu, les joueurs souhaitent pouvoir revivre leurs premiers amours. Dans le pire des cas, ils sont persuadés d’avoir eu « mieux avant » et exprime avec ferveur leur besoin d’un retour aux sources.
C’est ce qui a poussé Blizzard à investir dans un WoW Classic prévu prochainement et à mettre en garde face à la nostalgie. Ankama a aussi connu le même schéma avec Dofus, dont la version 1.29 était fortement réclamée par la communauté, avant d’être finalement mise en place accompagnée d’un message d’une profonde justesse.
[…] Cela permettra aux plus acharnés de nos joueurs de se rendre compte que nous avons vraiment, VRAIMENT progressé depuis tout ce temps et que ce n’était pas mieux avant, mais que… c’était bien pour l’époque.
Le MMO est mort, vive le MMO ?
Quand on se tourne vers le MMORPG, il va sans dire que ce dernier ne fait plus autant frémir les foules. Son concept chronophage lui fait dorénavant bien trop défaut, dans un espace qui penche vers la rapidité. En revanche parler de “mort du MMO” , c’est un peu comme dire “le Battle Royale va enterrer le MOBA” – on entend League of Legends glousser au loin. Il n’est pas question ici d’une épreuve de force au sein de l’industrie vidéoludique, mais d’une diversification pure et simple d’un milieu en pleine expansion. Dans ce contexte, la fièvre du MMORPG est bel et bien passée, mais certifier la mort du genre reste pour le moins prématuré (et c’est le cas depuis déjà plusieurs années). Les adeptes de ce type de jeu se comptent encore en millions, et ceux pour qui le rêve s’est estompé continuent de jeter un regard plein d’espoir vers les projets ambitieux capables, peut-être, de raviver leur flamme.
Bonjour, et merci pour cet article qui me parle beaucoup, même si tu ne parles pas de mon premiers MMORPG T4C et pour ça j’ai envie de t’envoyer au pilori … :p
Tu vise juste dans l’évolution de MMO.
De mon Point de vu WoW (jeu que je n’ai pas vraiment joué ) à instauré des bases, et tous les autres se sont enfermé dedans, et ainsi la personnalisation de ton personnage ne se faisait qu’avec l’esthétique et l’équipement, la ou avant chaque niveau te permettait de construire un personnage unique (même si des build "opti" était le plus souvent suivit) donc pour moi l’âge d’or du MMORPG à tuer le RPG, du coup pas étonnant que le MMO passe a autre chose, ce qui n’est pas forcément plus mal.
Après l’univers vidéo-ludique et une roue en mouvement je ne serai pas étonné de voir le genre revenir sur le devant de la scène, même si comme tu l’as souligné la communauté par sur de l’action plus immédiate et moins de temps de jeu (ce qui peut être pas mal).
<a class=’bp-suggestions-mention’ href=’https://www.warlegend.net/members/valiguard/’ rel=’nofollow’>@valiguard</a> Haha désolé !
J’aurai pu parler de Dark age of Camelot également (qui je pense, parle à beaucoup de joueurs plus "anciens") :D
Mais bon, il y a tellement de MMORPG qu’on pourrait en faire une liste aussi longue voire plus que ce dossier x)
Merci d’avoir lu l’article en tout cas ;)