Retranscrire l’expérience d’un jeu de plateau sur grand écran n’est jamais chose facile. C’est pourtant ce que Space Hulk: Tactics tente de proposer en reprenant les règles du jeu de stratégie Space Hulk et en y ajoutant quelques petites nouveautés.
Space Hulk, qu’est-ce que c’est ?
Si pour vous, Space Hulk vous évoque une grosse boule verte avec un scaphandre qui part dans l’espace, c’est que vous n’êtes pas très familier avec l’univers Warhammer 40,000. Sorti à la base en 1989, Space Hulk est un jeu de stratégie et de figurines sur plateau édité par Games Workshop. L’action se déroule dans l’univers de Warhammer 40K et est grandement inspiré du film “Aliens, le Retour” de James Cameron sorti 3 ans plus tôt.
Le terme “Space Hulk” est utilisé pour parler de gigantesques conglomérats de carcasses de vaisseaux et de roches à la dérive allant jusqu’à atteindre, pour certains, la taille d’une planète.
Sachant que ce genre de débris peut contenir des technologies perdues et des reliques anciennes, il n’est pas rare de voir l’Imperium envoyer des Space Marines fouiller les décombres pour s’emparer de ces précieux objets. Cependant, au milieu de toute cette rouille et cette crasse se cache une terrifiante menace : les Genestealers – sorte d’aliens rapides et mortels faisant partie de la race des Tyranides.
Jet de dés…espoir
Mais revenons à Space Hulk: Tactics. La première chose que l’on peut affirmer en débarquant sur le jeu, c’est qu’il s’agit bien d’un Space Hulk. Si vous êtes un amateur du jeu de plateau (ou du jeu mobile) vous ne serez pas déboussolé. On retrouve les fameux corridors en file indienne, les armes qui s’enrayent (un grand classique), les joueurs de Genestealers qui ricanent à chaque blip et ces saletés de dés truqués… mais je m’égare.
La première chose que l’on peut affirmer en débarquant sur le jeu, c’est qu’il s’agit bien d’un Space Hulk.
Cyanide nous livre ici une adaptation fidèle des règles de la 3ème édition (rééditée par Games Workshop en 2009) en y ajoutant un système de cartes afin de tempérer le côté aléatoire du titre. Toutefois, pour les deux du fond qui grincent des dents, il ne s’agit pas d’un drop aléatoire à base de lootboxes mais d’un système de deck assez simple, donc pas de panique.
Tout comme son homologue, le jeu oppose deux joueurs – les Space Marines d’un côté et les Genestealers de l’autre – dans un combat sans concessions où la moindre erreur se paye durement.
En effet, on est loin des jeux estampillés XCOM où vos unités possèdent des points de vie. Ici, lors d’un affrontement, si vous faites un mauvais jet de dés c’est la mort assurée. Et autant vous dire que vous n’avez pas le luxe de perdre une unité en tant que Space Marine.
Warhammeurs 40,000 fois
Et on touche à l’un des premiers “défauts” du jeu : Space Hulk: Tactics est dur.
Mais par dur, j’entends impitoyable. Impitoyable pour les néophytes qui voudraient découvrir cet univers. Le titre s’en tamponne et vous jette dans l’arène en vous regardant vous débattre dans la douleur.
Space Hulk: Tactics est impitoyable avec les néophytes.
Le jeu ne vous enseigne que les bases et c’est à vous d’aller comprendre le reste. Le problème, c’est que les bases ne sont pas suffisantes pour survivre dans les dédales crasseux d’un Space Hulk.
Lors des affrontements, vous devinez vaguement leur fonctionnement en apercevant des lancers de dés au milieu d’une interface immonde, et il n’y a que la carcasse encore fraîche de votre Space Marine gisant sur le sol qui vous indique clairement le dénouement du combat.
Beaucoup de gens vont acheter Space Hulk: Tactics pensant jouer à un énième XCOM version Warhammer 40k, grave erreur.
Cela vaut également pour les Genestealers. Même si l’erreur est moins punitive, le gameplay n’en ait pas moins complexe.
Alors je sais que tous les amateurs du Space Hulk d’origine me regarde avec un sourire sadique en coin, mais je pense que beaucoup de gens vont acheter Space Hulk: Tactics en pensant jouer à un énième XCOM version Warhammer 40k, grave erreur.
Terminator de faire ça
Ceci étant dit, on va pouvoir s’attaquer au cœur du jeu.
La grande nouveauté de ce Space Hulk: Tactics, c’est l’ajout d’un mode histoire qui vous permettra d’incarner les Blood Angels, mais également (et pour la première fois) ces saletés de Genestealers.
La grande nouveauté de ce Space Hulk: Tactics, c’est l’ajout d’un mode histoire.
En tant qu’ange de l’Empereur, votre mission consistera à détruire de l’intérieur un monstrueux Space Hulk : le Forsaken Doom, avant qu’il n’atteigne et ne percute le monde forge de Gorgonum. Seulement, une fois arrivé sur les lieux, vous découvrirez dans ces dédales suintant le Xenos les cadavres de Space Marines venant de différents chapitres, signe que vous n’êtes pas les premiers à avoir posé le pied sur cet amas de carcasses.
La campagne commence doucement par un tutoriel assez pauvre. Le jeu vous demande de sauver vos camarades tout en vous balançant des Xenos dans la tronche. Quelques coups de griffes plus tard, vous comprenez douloureusement qu’il vaut mieux éviter le corps-à-corps avec ces saloperies d’aliens.
La progression se déroule en deux phases. Lors de vos déplacements, vous vous retrouverez sur une carte (très sommaire) du Space Hulk où vous pourrez vous déplacer de point en point à la manière d’un Mario Bros. C’est également pendant cette phase que vous pourrez gérer votre escouade et ramasser des ressources sur le trajet. Lorsque la menace des Xenos se fera trop forte ou que vous serez arrivés à votre objectif, le jeu passera en phase de combat.
Le schéma est le même côté Genestealers, à l’exception près que vous revivez les événements des anciens Space Marines ayant foulé le Forsaken Doom.
On commande la carte
Concernant le gameplay, on reste sur du classique. Chacune de vos unités possède un certain nombre de points d’action par tour. Vous pouvez réaliser plusieurs actions : vous déplacer, ouvrir/fermer une porte, tirer sur un ennemi, etc. Chacune d’entre elles vous coûtera des points d’action, bref vous connaissez la chanson.
Vous pourrez également combattre à l’intérieur de plusieurs types de vaisseaux qui modifieront légèrement la façon de jouer, en ajoutant par exemple des portails pour les ruines Eldar et des barils explosifs/gaz toxique pour les carcasses Orc.
Les points de commandement laissent toutefois leur place au système de cartes. Elles permettent, une fois activées, de donner un bonus à vos unités (votre prochain tir sera un succès, par exemple) ou un malus aux unités adversaires : perte de points d’action, réduction du score de dés, etc. Le principe étant de limiter l’aspect aléatoire de certains affrontements.
À chaque tour vous pourrez choisir de jouer une ou plusieurs cartes (parmi 3 piochées aléatoirement) afin d’activer leurs effets, ou choisir de les convertir pour :
- Gagner autant de points d’action qu’indiqué sur la carte, côté Space Marine.
- Gagner deux blips avec, dans chacun d’entre eux, le nombre de Xenos affiché sur la carte, côté Genestealers.
Le système est plutôt bien pensé et donne un vent de fraîcheur à une formule vu et revu.
Le Xenos morfle
En dehors du mode histoire, vous aurez évidemment le loisir de faire des parties en multijoueur. Le jeu vous propose le classique mode partie rapide qui vous oppose à un inconnu et le mode escarmouche qui permet de créer ses propres missions.
Dans le mode partie rapide, vous avez le choix entre trois types de parties : classée, publique ou contre l’IA avec un système de matchmaking des plus classiques. Le mode escarmouche, quant à lui, vous permet de paramétrer vos propres parties (et évidemment de rejoindre des parties déjà existantes grâce à une liste de serveurs). Chaque joueur pourra choisir de jouer sur les cartes officielles, mais également sur les cartes créées par les joueurs via l’éditeur de niveaux. Un très bon moyen de renouveler l’expérience de jeu.
Toutefois, à l’heure actuelle, le multijoueur rencontre de gros problèmes et chaque partie se solde par une désynchronisation des joueurs ce qui rend l’expérience plutôt… inhabituelle. En gros, à partir d’un moment, chaque joueur ne voit plus la même chose que son adversaire et chacun continue sa partie dans son coin, comme deux dimensions parallèles. Le problème sera sûrement patché dans le futur, mais pour le moment c’est simplement injouable.
J’ai trop la crasse
Visuellement parlant, on sent que Cyanide a voulu mettre le paquet. L’ambiance du film Aliens, le retour de James Cameron est bien retranscrit et chaque morceau de ferraille de cet immense amas de carcasses suinte la rouille et le Xenos. L’atmosphère est pesante, étouffante (merci les couloirs étroits) et pour peu que vous jouiez en vue première personne, presque claustrophobe.
La modélisation des personnages, sans atteindre le charme des figurines peintes à l’arrache, est quant à elle plutôt réussie. Un soin particulier a été porté aux détails, aussi bien pour les Spaces Marines que les Tyranides.
L’atmosphère est pesante, étouffante […] presque claustrophobe.
Les cinématiques sont également bien réalisées avec des doublages convainquants et les cutscenes lors d’affrontement rajoutent une dose de dynamisme au jeu. Toutefois, ces dernières peuvent devenir très vite redondantes surtout lors de la révélation des blips.
Concernant la customisation, on est plutôt bien servi. Le jeu nous laisse personnaliser chaque membre de notre Space Marine (Non pas celui-ci, je vous vois venir) avec différents symboles, couleurs, ornements et j’en passe. Néanmoins côté Genestealers, c’est beaucoup plus décevant, et seule la couleur change réellement.
On regrettera toutefois une interface horrible et des contrôles atroces. Pour vous donner un ordre d’idée, en tant que Genestealers, lorsque vous voulez déplacer une unité, il vous faut la sélectionner soit avec la touche Tab soit en cliquant dessus (mais attention, pas sur les portraits à gauche, non ça serait trop simple, il faut cliquer directement sur l’unité), la déplacer, ensuite rester appuyé sur clic droit pour la désengager avant de pouvoir en sélectionner une nouvelle. Sachant qu’une fois qu’une unité est désengagée, impossible de revenir dessus. Et ça, pour chaque unité.
Du côté Space Marines, c’est le même foutoir. Si vous voulez par exemple connaître la capacité d’une unité, et bien il faut l’apprendre par cœur pendant la sélection de l’escouade, car durant la partie, c’est impossible. Il y a bien des icônes sur votre personnage, mais vous n’avez aucun moyen de savoir à quoi cela correspond, même en mettant la souris dessus, merci Cyanide.
Porter une armure, c’est lourd
Toujours dans les choses qui fâchent, le jeu est d’une lenteur surnaturelle. Du spawn des Genestealers aux déplacements des Space Marines, tout est lent.
Passé la découverte, cette lenteur deviendra votre pire cauchemar, elle s’infiltrera dans les moindres recoins de votre âme et ne vous lâchera plus. Lors d’un tour, vous aurez le temps de faire les actions de tous vos Space Marines avant que le premier n’ait fini de se déplacer. Et vous devrez attendre que chaque unité finisse ses actions l’une après l’autre avant de pouvoir passer votre tour, c’est atroce.
Le jeu est d’une lenteur surnaturelle. Du spawn des Genestealers aux déplacements des Space Marines, tout est lent.
Alors je sais que les armures Terminator sont balèzes et pèsent une tonne, mais même dans le jeu Space Hulk: Deathwing, sans sprinter, les Space Marines vont plus vite.
Du côté des Genestealers c’est encore pire, car vous devez gérer deux phases. La phase de conversion donne la possibilité de recycler les cartes afin de récupérer des blips. Il faudra ensuite placer chacuns de ces blips sur les points d’entrées des Tyranides et enfin passer votre tour afin d’arriver à la phase d’action. Cette dernière permet enfin de faire avancer et attaquer vos unités. Et c’est sans compter les contrôles infâmes et les cutscenes qui se lancent à chaque révélation de blips.
Un Space Hulk qui manque de punch
En définitive, on peut décemment questionner la pertinence d’une telle adaptation. Outre un visuel un peu plus sexy et la possibilité de pouvoir jouer à distance, le jeu ne propose finalement pas grand-chose de plus que l’original. Il se paie même le luxe d’être plus lent, contraignant et perd au passage le côté social propre aux jeux de société. L’éditeur de niveaux est une belle addition qui ravira les fanatiques de création, toutefois le multijoueur ne fonctionne simplement pas à l’heure actuelle. Cyanide Studio reprend le matériel de base avec brio, mais échoue à nous proposer un environnement de jeu agréable, à cause notamment d’une interface bordélique et des contrôles atroces.
► Points forts
- Respect des règles du jeu d’origine
- La customisation des Space Marines
- Une ambiance au top
- Les différents types de vaisseaux
- Le système de cartes
► Points faibles
- La lenteur du jeu
- L’interface horrible
- Les contrôles atroces sur PC
- Impitoyable avec les néophytes
- Le multijoueur ne fonctionne pas
- Quelques bugs
C’est Space Hulk mais en moins bien
War Legend a bénéficié d’une copie presse PC fournie par l’éditeur de ce jeu.
Space Hulk: Tactics sera disponible le 9 octobre sur PC, PlayStation 4 et Xbox One.