Je reprends PLAYERUNKNOWN’S BATTLEGROUNDS après une très longue période de pause, et je dois avouer que je ne retrouve pas les mêmes sensations sur les autres jeux du genre.
Pendant ce temps, à Erangel, au large de l’Ukraine
Le soleil est haut dans le ciel et les herbes de la plaine sont caressées par le vent à un rythme hypnotique. Il n’y a aucun bruit aux alentours. C’est comme si le temps s’était arrêté. Soudain, une silhouette émerge d’une touffe d’herbe et fonce vers un arbre au loin. Vous l’observez à travers votre lunette et commencez à jauger la distance. Vous retenez votre souffle et après un bref instant, vous appuyez sur la détente. La forme s’effondre et disparaît sous le tapis herbeux.
Le bruit pourtant étouffé de votre détonation n’était pas particulièrement discret, et vous voilà sous une pluie de balles sifflantes. Pas le temps de réarmer votre fusil, vous foncez vers l’abri le plus proche et tentez avec difficulté de repérer la source du danger. En sécurité, vous prenez en main votre automatique et attendez de voir comment la situation évolue.
Quelque chose de la taille d’un poing vient de tomber à côté de vous, il faut agir. Vous vous faites violence et plongez hors de l’abri avant de recevoir une averse de terre sur la tête sous un bruit assourdissant. La surprise fonctionne et une rafale heureuse guidée par la main du destin frappe votre ultime adversaire en pleine poitrine. Vous avez l’impression que votre cœur va s’échapper de votre cage thoracique, mais vous pouvez souffler : vous êtes le dernier survivant.
Honnêtement, c’est un peu comme ça que je ressens chacune des parties de PLAYERUNKNOWN’S BATTLEGROUNDS (PUBG pour les intimes). Le jeu qui a lancé la mode du Battle Royale est celui qui — à mon sens — a toujours ce truc en plus que les autres n’ont pas : un jeu où la survie prime sur tout, quels que soient les moyens et les méthodes. Savoir manier une arme reste important, mais affiner ses connaissances et son instinct le sont encore plus. Tuez vos adversaires avant même qu’ils sachent que vous existez, et n’intervenez que pour donner le coup de grâce.
Scopa tu manaa
Je ne dis pas que PUBG est un meilleur jeu que H1Z1, Apex Legends ou Fortnite (les goûts et les couleurs), mais simplement qu’il est celui qui cerne le mieux le côté survie qu’on devrait ressentir dans un Battle Royale. Quand on veut comparer le genre avec le film du même nom réalisé par Kinji Fukasaku, il faut qu’on ait toujours cette sensation lancinante de danger, et que tout peut déraper à n’importe quel moment. Cette tension permanente ne demande qu’à être domptée et devenir un moteur aux actions du joueur. En clair : j’ai les foies quand je joue à PUBG.
Cela faisait longtemps que j’avais lâché le jeu. Tellement longtemps que je ne me souviens plus de la dernière fois où j’ai pu faire le tour de l’horloge dans les plaines d’Erangel ou la pampa de Miramar. Après 800h, je m’étais dit qu’il était temps de passer à autre chose, voir ce qui existait à côté.
À l’occasion de la quatrième saison de PUBG et après déjà bien trop d’heures sur Apex Legends, je me suis dit qu’il serait intéressant de voir comment se porte mon vieux doudou. On est loin des 3 millions de joueurs en simultané de la sortie du jeu, et je me suis demandé si le titre avait perdu de sa superbe, ou si les râleurs réguliers des forums Steam avaient fini par lâcher l’affaire à force de répéter “optimisation” à tue-tête au point d’en oublier le sens.
Vous savez quoi ? En lançant le jeu le weekend dernier, j’ai été agréablement surpris. Même si Brendan Greene n’est plus sur le projet pour le superviser, le titre continue d’être enrichi via du contenu consistant, et même avec de nouvelles mécaniques de jeu. C’est surtout les apports de fonctionnalités de qualité de vie qui changent absolument tout, rendant PUBG bien moins rugueux qu’il avait pu être à l’époque, devenant quelque chose de plus profond et maîtrisé. Il y a tellement de paramètres, de fonctions et de commandes à retenir que je plains les joueurs consoles.
Il en va de même pour le côté technique : le jeu n’a jamais été aussi fluide et stable. Ceux qui disent le contraire sont de mauvaise foi… ou jouent sur un PC acheté à l’époque de la sortie de Left 4 Dead 2 (au pif).
Le meurtre, c’est comme le vélo
Il faut avouer que les premières parties de reprise en compagnie du chef Hexen ont été… douloureuses. Trop habitué à Apex Legends qui nous sert un menu Maxi Best Of du Battle Royale, j’avais quasiment tout oublié : de la gestion de l’inventaire au maniement des armes, très surpris par le recul d’une simple AKM en automatique.
L’autre différence majeure avec le jeu de Respawn Entertainement est que PUBG est plus lent, mais vraiment lent. Alors que Fortnite ou Apex Legends ont drastiquement accéléré le genre pour avoir quelque chose de fun et immédiat, PUBG a campé sur ses positions pour offrir une expérience immersive, étouffante, alternant de façon brutale les longues phases de randonnées ennuyeuses et de chaos. Tel que Brendan “PLAYERUNKNOWN’ Greene le voulait.
Bon, il y a eu des concessions sur certains aspects du gameplay qui l’ont légèrement accéléré et des simplifications dans certaines règles, comme pour les accessoires d’armes qui sont devenus bien moins spécialisés ou le nouveau ping qui gâche un peu le côté teamplay cérébral du titre, mais le tout reste assez intimidant. J’aurais toujours un gros respect pour le monsieur qui a réussi à transmettre sa vision globale d’un jeu aussi complexe à des développeurs coréens qui n’avaient jamais codé de shooter de leur vie ; seulement des MMO avec des elfettes à grosses poitrines.
Justement, on sent toujours l’influence d’Arma sur PUBG. On garde l’essentiel de la partie action, mais on veut de la tactique avant tout. Les personnages ont un peu d’inertie et on ne peut pas s’amuser à vider un chargeur comme une M4 dans Call of Duty. Il faut de la maîtrise, de la discipline et du doigté… et ne pas mélanger ses touches dans un moment de panique. Pour une expérience grisante et immersive, privilégiez les parties à la première personnece qui empêche de tricher comme un saguoin en regardant par dessus un mur.
Il y a aussi cette réflexion grisante où l’on se rend compte du chemin parcouru dans une énième tuerie à Erangel. Du moment où vous sautez de l’avion jusqu’au fameux Chicken Dinner, on a du mal à saisir la quantité de microévénements aux quatre coins de la carte qui ont permis d’aboutir à une telle conclusion. Les longs moments de calme sont aussi importants que les moments de stress intenses entre deux feux. Beaucoup trouvent ça chiant, moi je pense que c’est une belle métaphore de la vie.
Je trouve le jeu en escouade sympathique, mais sans plus. Même s’il y a toujours des conneries à faire avec des potes, les situations deviennent rapidement ingérables à une échelle individuelle. Pour le teamplay, je préférerai toujours Apex Legends qui fait graviter son gameplay autour de cet aspect, mais jouer seul à PUBG est sûrement le truc le plus grisant qui soit.
Je me souviens avoir perdu cette excitation de fin de partie au fur et à mesure que je ponçais le jeu, mais avec la rééducation de ces derniers jours, je me suis surpris à retrouver cette sensation de stress étouffante, où le moindre stimulus peut résulter sur un moment de panique avec le cœur qui bat à 200 pulsations/minute. Je n’avais jamais ressenti ça dans un jeu vidéo avant PUBG.
Il m’arrive souvent de terminer une partie sans même m’en rendre compte dans Apex Legends, tellement le rythme y est effréné. Mais quand le compteur de survivants descend en dessous de deux chiffres dans PUBG, on sait que tous les compétiteurs encore en lice ont changé de mode de pensée. Les fins de parties se jouent comme un jeu d’échecs où le premier faux pas signifie une mort instantanée et sans appel, casque Spetsnaz ou non.
Tant que tu n’es pas mort, tu es en train de gagner
J’ai beau toujours apprécier le jeu malgré des appréhensions, je me rends aussi compte que PUBG a énormément changé sur la forme. Parce qu’il faut bien rentabiliser un jeu que tout le monde a déjà acheté, Bluehole a cédé aux sirènes de la microtransaction, tout en abandonnant le marché bancal de Steam. Personnellement, c’est vraiment un truc qui me dépasse. J’ai toujours mon look de Punk-à-Chien des premiers jours et je ne compte pas en changer. J’ai acheté l’incroyable t-shirt du cul de Mister MV, mais je me suis arrêté là.
Pourtant, je comprends pourquoi ça plaît. En s’inspirant du système de Battle Pass de Fortnite (qui l’avait lui-même piqué à DOTA 2), PUBG veut absolument que vous trouviez des raisons de rester. Le fun que procure un jeu devrait suffire, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Entre les impressionnants replays, les statistiques détaillées, le système de classement, les maîtrises par arme et les différentes missions, il y a de quoi faire, sans mentionner les skins à débloquer ou autres babioles qui pendouillent au bout de votre canon. On est assailli de menus et des sous-menus dans tous les sens. Si ça vous fait plaisir, tant mieux, mais le gars d’en face qui s’apprête à transpercer votre beau casque à 20 000BP s’en fout royalement.
J’ai toujours eu un problème avec les missions parce qu’elles détournent l’attention du joueur sur ce qui compte réellement : tenter de survivre. Quand on m’impose de tuer quelqu’un au Uzi dans les 30 premières secondes de la partie, j’ai l’impression qu’on m’empêche de jouer au vrai jeu. Il est toujours possible de faire les choses normalement et de terminer les missions de manière naturelle, mais le temps limité n’aide pas vraiment ce mode de pensée.
Avec la saison 4, PUBG Corp. en a surtout profité pour ravaler la façade d’Erangel, la mythique île du jeu. C’est un peu son Dust_2, quoi. Quelques points d’intérêts ont été implémentés, et d’autres ont été revus et corrigés, la transformation étant surtout d’ordre cosmétique. On se rend alors compte de tout ce chemin parcouru depuis le lancement de l’accès anticipé en 2017.
Toutes les textures ont été retravaillées, certains bâtiments grossiers ont été remodélisés tout en gardant leur géométrie et les bleds ont enfin ce truc organique et crédible qui manquait terriblement. Même la colorimétrie du sol a été revue pour donner une identité visuelle plus propre.
L’équipe s’est même autorisée à introduire du lore dans le jeu, via une nouvelle cinématique, même si je trouve ça plus ridicule qu’autre chose. De nombreux détails sont disséminés sur l’île pour faire comprendre qu’il se passe des choses dans l’ombre, avec des affiches de propagande, des idoles du fameux PLAYERUNKNOWN (qui n’est plus Brendan Greene au premier degré) et des caméras de sécurité un peu partout.
J’ai l’impression que le titre me dépossède un petit peu de la projection que je m’étais faite dessus. J’ai toujours pris le contexte de PUBG pour un blood sport où des ultra-riches s’entretuaient pour vivre l’ultime frisson, quitte à porter des fringues loufoques. Mais soit, ce n’est plus le cas. C’est comme ça. C’est une autre manière de vouloir singer la concurrence sur du storytelling qui n’est utilisé qu’à des fins de rétention — à la Fortnite —, et de vouloir faire des vues sur YouTube sur le dos de vidéastes avec un peu trop d’imagination. Mais bon, ce n’est pas vraiment méchant…
Heureusement, cela prouve que PUBG a quand même un gros avantage par rapport à sa concurrence : le choix de la carte qui va définir le type d’expérience que vous allez avoir. Vous voulez un jeu équilibré ? Allez à Erangel. Vous voulez de la planification et des combats à longue distance ? Jouez à Miramar. Vous voulez enchaîner des parties brutales le temps de la pause midi ? Jouez sur Sanhok. Vous voulez un level design tordu et de la neige qui peut trahir vos faits et gestes ? Sautez sur Vikendi.
Un jeu prenant et exigeant où chaque joueur peut y trouver son compte… à condition qu’il soit le dernier debout.
PUBG est disponible sur PC, Xbox One et PS4.