Parce que le premier film DOOM sorti en 2005 n’avait pas suffit, Warner Bros. signe une nouvelle adaptation cinématographique du papa des FPS. Mais cette fois, c’est direct sur DVD.
DVD-Rip & Tear
Ça pourrait vous avoir échappé : je suis un fan inconditionnel de DOOM. C’est sûrement l’un des tout premiers jeux auxquels j’ai joué et il a eu une influence magistrale sur ma culture vidéoludique… mais également sur l’industrie toute entière lors de sa sortie en 1993.
Si on peut parler de succès phénoménaux qui ont eu des répercussions sur la société comme Pokémon, Minecraft ou encore Fortnite, il ne faut pas oublier qu’à un moment donné dans l’histoire, il y avait plus de copies de DOOM installées sur les micro-ordinateurs que de Windows. Des boîtes d’informatique ont même fait fortune en créant des logiciels conçus dans le seul but d’empêcher les employés de bureau d’installer DOOM sur leur machine. La baisse de productivité dans le monde du travail à cause du jeu a même été quantifiable.
M’enfin bon, j’en parle longuement dans un dossier dédié à l’occasion des 25 ans de la série. Ne prêtez pas trop attention à mon fanatisme… mais lisez Masters of Doom, vous pourrez apprendre des trucs de dingue sur le développement du jeu et ses célèbres créateurs (et le secret de la chevelure de John Romero).
En 2005, quelque temps après le retour de la licence avec DOOM 3 est sorti un film… fascinant. Pas dans le sens du terme “incroyable chef-d’oeuvre”, mais dans le sens… intéressant. Je vous rassure, le film était nanardesque à souhait (c’était couru d’avance), mais il y avait vraiment des trucs intéressants, bien que l’action ne respecte absolument pas le jeu de base. Tout de même, il y avait Dwayne “The Rock” Johnson, Karl “Fucking” Urban (oui, j’adore Karl Urban) et quelques moyens pas trop dégueu’ à la réalisation. Un petit plaisir coupable, donc.
Je ne vais pas m’éterniser dessus, car Karim Debbache en parlera mieux que moi. Si vous avez 13 minutes à tuer, matez cet épisode de Crossed :
Évidemment, le film a été un échec commercial et ça a pas mal refroidi Universal de faire de nouvelles adaptations de jeux vidéo. C’est pour cela qu’en 2015, la production a refusé le pitch du réalisateur Tony Giglio pour un nouveau film. Cependant, l’année suivante, DOOM 2016 débarque et défonce absolument tout, remettant la vénérable licence sur le devant de la scène.
Giglio retente le coup pour surfer sur le succès du dernier jeu et… Universal accepte, mais pas super chaud de ouf. Le budget est une misère, la production est gérée par la filiale Universal 1440 et le film sera un direct-to-DVD. Pour couronner le tout, Bethesda a bien fait comprendre qu’il ne cautionne pas le film. L’éditeur sera alors très vigilant à ce qu’aucune référence directe à DOOM 2016 ne soit visible, et qu’aucune des musiques iconiques de Bobby Prince ou Mick Gordon ne pourront inspirer la bande originale.
Voulant être rassurant, Giglio affirme que le script soumis à Universal aura “plein d’éléments qui manquaient cruellement au premier film de 2005”, à savoir de véritables démons et un voyage en enfer.
Ah ça oui. On peut clairement dire que j’ai fait un aller-retour en enfer.
DOOM DANS LES CHIOTTES
Alors que le réalisateur a promis une adaptation plus fidèle des jeux vidéo, dès les premières minutes du film, on sent que quelque chose ne va pas. Niveau tropes et clichés des films de série B, on est à un niveau très très très élevé. On s’attendait forcément que ça arrive à un moment donné avec un budget pareil, mais pas aussi vite et aussi fort, quitte à pomper sur de nombreux films de genre que tout le monde connaît : Alien en premier lieu.
Le gars joue à Space Pirate trainer avec une manette. LE TURFU.
C’est simple, la première scène du film — après une introduction qui présente l’expérience sur la téléportation où tout part en cacahuète — nous montre une escouade de marines autour d’un petit déjeuner en sortant d’hypersommeil. Cette scène a forcément l’ambition de donner une personnalité et une psychologie aux différents personnages, puisqu’elle est calquée sur celle d’Alien. À part le gros black baraqué, aucun des personnages n’est vraiment stéréotypé, ce qui devrait être une force est plutôt une faiblesse, mais tous les membres de l’escouade sont finalement insipides et on se fout bien de ce qui pourra — et va — leur arriver. C’est difficile à argumenter parce que je n’ai vraiment rien à dire, tellement c’est plat. Mais genre, vraiment rien.
Eh oui, ceux qui voulaient l’histoire du Doomguy qui se bat seul contre une horde de démons vont devoir à nouveau se taper un groupe de bras cassés qui sera éliminé au compte goutte avant qu’il n’en reste plus qu’un. “Plus qu’une”, plutôt, puisqu’une héroïne sort du lot : Joan Dark. Non, ce n’est pas l’héroïne de Percfect Dark qui s’est retrouvé dans le scénario du film via un trou de ver qui a raté la sortie 666 vers les enfers, mais bien le personnage principal du film. On lui donne un passé pourtant raccord avec celui du Doomguy original qui la rend bien edgy et dark, ainsi qu’une vieille relation avec le nerd de l’équipe qui n’est jamais réellement exploitée.
Pour une œuvre cinématographique qui veut s’éloigner du film avec The Rock et Karl Urban, il en reprend pourtant toute la situation initiale et le même développement (Joan Dark = Reaper). On passe le premier tiers du film à voir des marines se déployer de manière TACTIQUE à travers des couloirs filmés d’angles différents (afin de recycler les deux décors qui se battent en duel) et on ressent ZÉRO tension. C’est le summum de l’ennui. Même DOOM 3 était moins lent.
Je sais que le film est low budget, mais ça n’arrange clairement pas son affaire : on ne sent pas vraiment l’envie de bien faire. Je ne sais pas si vous avez déjà participé à un laser game ou une escape room récemment, mais je peux vous assurer que les décors de Doom: Anihilation sont du même acabit. En ajoutant les accessoires et les costumes dans le tas, c’est MÉGACHEAP™.
Je peux vous dire que je sentais le PVC et la bombe de peinture depuis l’autre côté de ma télé. Sans mentir et je n’exagère pas : je fais bien mieux en repeignant mes blasters Nerf. On sent à des kilomètres qu’ils n’avaient qu’un seul costume d’Imp pour tout le film. Il n’y en a jamais deux à la fois dans le cadre. Le sacrilège ultime vient sûrement du BFG 9000 qui ne ressemble… à rien et qui n’a aucune patate. J’ai envie de pleurer quand j’y repense.
Et tout ça pour quoi ? Des scènes d’action méga-plates et pas une seule bonne idée de mise à scène. La séquence à la première personne du film de 2005 était hors sujet, mais avait tout de même un minimum d’intérêt. On n’est vraiment pas très loin d’un nanard des années 80/90. C’est limite digne d’un fan-film, putain. Même Uwe Boll — et j’ai du mal à réaliser que j’écris ça — aurait pu faire mieux avec l’argent des contribuables allemands.
“Shoot at it until it dies”
Le vrai souci que j’ai avec DOOM: Annihilation, c’est qu’il m’est impossible de savoir si le film a été fait pour de bonnes ou de mauvaises raisons.
Tenez, par exemple, il y a énormément de références aux jeux de la franchise destinés aux connoisseurs : l’héroïne a un background similaire au Doomguy, l’IA du vaisseau s’appelle Daisy, on rencontre un John Carmack et un William Blazkowicz, le chef d’escouade se balade avec un fusil à double canon (avec lequel il ne tire qu’une fois avant de crever), il y a une tronçonneuse et “I’m too young to die” et “Ultra-Nightmare” sont dans des répliques.
C’est sympa d’avoir des clins d’œil qui permettent de créer des liens avec le spectateur, mais ça ressemble plus à des appels de phare à ce niveau-là. À se demander s’il s’agit d’une envie de montrer que l’équipe est réellement passionnée par le jeu ou s’il s’agit en réalité d’une manœuvre cynique pour plaire aux fans facilement impressionnables qui s’émerveillent à chaque fois qu’ils comprennent une référence. Vous savez, ce pote relou que vous n’emmenez plus au cinéma pour voir des films Marvel sous peine de vous prendre des coups de coude toute la soirée.
C’est surtout le dernier quart d’heure qui me laisse perplexe. Fini les décors en carton-pâte de l’UAC, bonjour le CGI d’une qualité bien trop bonne pour être dans ce film. Attention, je ne dis pas que ça rattrape tout ce que le nanard nous a balancé à la gueule jusque là, mais cette réinterprétation des enfers de DOOM est vraiment intéressante. Bon, l’héroïne est découpée par un fond vert mal calibré et il ne s’y passe finalement pas grand-chose, mais on était à deux doigts d’avoir une scène qui justifie le fait qu’on se soit infligé cette purge. Sans parler de cette fin en eau de boudin qui rivalise avec celle de la série Mortal Kombat de 1998.
Le fait que la protagoniste soit une femme a fait jaser également et le marketing a beaucoup mis en avant cet aspect du film. Vous savez quoi ? J’adhère à 100% l’idée que le Doomguy soit une Doomgirl et je trouve que Amy Manson fait le taf dans son rôle d’héroïne badass (toute proportion gardée) et non-sexualisée (Dieu merci). Après tout, le fait que le héros du jeu original soit resté anonyme pendant si longtemps était un moyen assumé pour que le joueur puisse se projeter dans le personnage. L’autre moitié de la population terrestre y a droit aussi et ce n’est pas parce votre dernier chromosome n’est pas le même que cela devrait changer quelque chose. Toutefois, j’espère que la motivation derrière ce choix n’était pas de faire rager le fan primaire et générer du badbuzz intentionnel. Quand on a le budget d’un film d’auteur estonien, on cherche les moyens les plus osés pour se faire un peu de pub.
https://twitter.com/AmyMansonLondon/status/997813507713327105
Bref, DOOM: Annihilation est peut-être une meilleure adaptation que le film avec Karl Urban et The Rock, mais la qualité est au ras des pâquerettes. Ce n’est pas une surprise, mais on ne passe jamais de bons moments. C’est un pur film d’exploitation opportuniste qui ne fait aucun effort pour rendre hommage au matériel de base, malgré quelques fulgurances qui caressent les fans hardcores dans le sens du poil.
Après… est-ce que ça ne serait pas la faute de DOOM, justement ? Sérieusement, comment adapter sur petit/grand écran un jeu vidéo qui se vante de se concentrer sur l’action et non son histoire ? DOOM fait partie de ces licences qui justifient l’intérêt du média lui-même et toute tentative de le transposer sous une autre forme serait voué à l’échec. “Les jeux vidéo, c’est comme un porno, disait John Carmack. On s’attend à une histoire, mais ce n’est pas vraiment important”.
C’est ça, DOOM: Annihilation me fait penser à un porno : c’est cliché, mal branlé (façon de parler), et il n’y a aucune raison qu’on s’y attarde plus de 5 minutes.