Dans la série des environnements de travail toxiques, un nouvel épisode pointe le bout de son nez en la personne de Min-Liang Tan.
Aucune limite à mon pouvoir !
2019 aura été l’année où les langues se sont déliées dans l’industrie du jeu vidéo… y compris du côté du hardware. Kotaku a pu discuter avec 14 anciens employés de Razer, le fabricant de périphériques gaming bien connu. Selon eux, les conditions de travail seraient délétères en raison du cofondateur et patron de la boîte.
Le style de son management, [c’était] diriger par la peur. Il se comportait incontestablement en dictateur. Voici une citation de lui : “Ce n’est pas une démocratie. C’est une dictature.” Puis il la nuançait pour dire : “Je suis aux commandes.” Il n’y avait rien de trop gros ou trop petit pour qu’il veuille avoir le contrôle. Tout passait par lui. Rien n’était fait sans son aval.
Les anciens employés de Tan préfèrent garder l’anonymat, ayant peur de “représailles”, mais tous rapportent des histoires sordides à grands coups de licenciements voire de menaces, y compris physiques – pas moins de 10 d’entre eux rapportent que Tan a hurlé ou jeté des objets sur ses employés.
Razer a l’air d’être cet endroit sympa pour travailler, mais lorsque vous y entrez, vous réalisez que vous devez vous battre pour votre vie tout le temps. Soit vous travaillez dur, soit on vous dit de dégager.
Si Tan nie d’avoir jeté quoi que ce soit à la tête d’un employé, il reconnaît volontiers être une personne au tempérament chaud, dirons-nous :
Si un produit ne satisfait pas mes critères, je peux exprimer mon mécontentement en élevant la voix. Il y a aussi eu des moments où un prototype n’a pas satisfait mes critères et, lors de réunions de design, j’ai jeté le prototype contre le mur ou au sol.
La raison serait toute trouvée : “pour démontrer mon insatisfaction vis-à-vis du design, de l’aspect technique ou de la qualité des prototypes.” Ah bah oui, dans ce cas ça va alors.
60 à 100h de travail par semaine
D’autres employés dénoncent des humiliations et menaces de renvoi publiques sur les 13 dernières années. Être convoqué dans le bureau de Tan serait rarement, pour ne pas dire jamais, de bon augure. Les gens pouvaient entendre le PDG hurler à la tête de sa victime à travers la porte fermée.
Il est aussi question d’une fois en particulier où Tan, incapable d’identifier un coupable pour quelque chose lui ayant déplu, a convoqué deux employés proches de l’équipe responsable pour les réprimander volume à fond, en prenant garde de laisser la porte ouverte pour que tous entendent. L’ex-employé rapportant cette histoire utilise sans équivoque le terme “humiliation publique“.
En plus de tout cela, Tan obligerait ses employés à travailler sous la culture du crunch. En effet, certains estiment qu’ils travaillaient plus de 60 heures par semaines, allant parfois jusqu’à la centaine quand il s’agissait de se préparer pour les événements. 2 employés rapportent avoir été contraints de dormir sur place à de nombreuses reprises. Selon les témoignages, le succès dans l’entreprise devait se faire au sacrifice de sa vie personnelle, y compris les liens avec sa famille.
Je n’ai pas renié ma famille de manière suffisamment évidente pour satisfaire Min. Ma carrière chez Razer s’est terminée le jour où je n’ai pas demandé la permission d’être un bon parent et un bon conjoint. Il exige que ses employés réservent ce genre de dévotion uniquement à lui et aux intérêts d’entreprise de sa famille.
Un autre employé explique qu’il a été rappelé au travail alors qu’il allait voir son fils, admis aux urgences après un accident de voiture. Pour un autre, ça a été durant sa lune de miel.
Pendant des années, Tan a mené tout le monde par le bout du nez en expliquant que lorsque l’entreprise entrerait en bourse, tout le monde conduirait des voitures de luxe. Sauf qu’en 2017, lorsque c’est arrivé, certains ont effectivement eu droit à de sacrés bonus – dont Tan lui-même, qui est à présent l’une des 50 plus grosses richesses de Singapour -, en revanche, des employés affirment que plutôt que des voitures de luxe, il serait plutôt question de “voitures d’occasion”.
Le seul point positif qui ressort de tout cela dans les témoignages, c’est la camaraderie et les opportunités qui ont pu en découler… mais à quel prix ?
J’ai vraiment eu beaucoup de bonnes opportunités chez Razer, au final ça a été positif, mais il y a eu beaucoup de défis. Je rapprochais le travail chez Razer au syndrome de Stockholm. On tissait des liens avec les gens avec qui on travaillait – nulle part ailleurs je ne me suis lié avec d’autres comme cela – mais nous nous rapprochions dans la peur de ce que le management allait nous faire subir. La raison de ce rapprochement, c’était la survie.
Bon, j’ai honte de le dire maintenant, mais je l’aimais bien. Sur les réseaux, il avait l’air d’être patron qui était réellement passionné par son business et les jeux vidéo.
À croire qu’être patron d’une grosse boîte peut rendre n’importe qui antipathique…
Oh mais je pense que la passion est précisément le problème ici.