Les jeux multijoueurs asymétriques horrifiques ont le vent en poupe, Dead By Daylight en tête. Comment s’insérer sur un marché qui semble déjà saturé ? En comptant sur une licence bien connue qui allie déjà fun, horreur et personnages iconiques. M’enfin, ça ne fait malheureusement pas tout. Attention, ce test contient beaucoup de répliques d’Evil Dead.
“Donne-moi du sucre, bébé”
Peu de licences de niches sont aussi adulées qu’Evil Dead. En dehors d’un premier opus qui n’est qu’un film d’horreur premier degré assez moyen, le concept s’est rapidement figé : un drôle de mélange entre le fun cartoonesque et le gore, accompagné d’un Bruce Campbell qui balance des répliques cultes dans un rythme aussi soutenu qu’un film de Michel Audiard.
Grâce à cela, Evil Dead: The Game arrive sans trop de problèmes à apporter une dimension confrontation à un genre qui prenait peut-être son concept du jeu du “chat et de la souris” un poil trop au sérieux. Avec son gameplay multijoueur asymétrique à 4 contre 1, le titre de Saber Interactive prend clairement un certain Dead By Daylight de front.
Les joueurs survivants naviguent entre les objectifs en défonçant du cadavéreux à tour de bras, et même si la prise en main est assez simpliste, plonger la prothèse-tronçonneuse d’Ash dans une cage thoracique a quelque chose d’assez jouissif, d’autant que le titre ne lésine pas sur les effets gore. Bien intégré comme arsenal à utiliser avec parcimonie, la partie shoot est également plutôt bonne, mais ce n’est pas une surprise avec Tim Willits (Quake) à la tête du développement.
À l’opposé, le joueur qui incarne le mal possède de nombreux outils pour tendre des pièges et épuiser les ressources des survivants au fil de la partie, et c’est clairement la facette la plus intéressante d’Evil Dead: The Game. Le système de ressource dispersé sur la carte est plutôt malin, et il y a moyen de faire monter la sauce entre deux phases d’action. On aura tôt fait de martyriser un joueur qui aura eu la mauvaise idée de se séparer du grouper, afin de pouvoir le posséder et décharger ses précieuses munitions sur ses camarades.
Et puis, quel plaisir d’invoquer un Ash Maléfique afin de se fondre dans la mêlée aux côtés de guerriers squelettes qui balancent des répliques idiotes tirées de l’Armée des Ténèbres. Sans conteste, c’est le joueur qui incarne le démon de Kandar qui s’amuse le plus, surtout avec cette caméra qui rase le sol, comme dans les films.
“Hélas, t’es devenue très laide”
Malheureusement, une fois passé l’effet de découverte et compris la structure des parties, les choses se gâtent assez rapidement : les combats d’objectifs sont bordéliques à souhait, désamorçant instantanément la profondeur de la partie action, la conduite des véhicules est catastrophique (ce qui est étonnant de la part du studio qui a pondu Snowrunner) et les personnages sont d’une rigidité déconcertante. Je me suis déjà retrouvé plusieurs fois coincé dans le décor parce que le jeu ne me donnait pas la possibilité d’escalader le petit rocher qui se trouvait entre moi et la liberté…
Pourtant, entre les personnages de la licence (rejoués par la plupart des acteurs d’origine !), l’atmosphère qui se dégage des environnements (comme la recréation de la “cabane dans les bois”), on perçoit un amour véritable pour les films et la série de Sam Raimi. Et vouloir transformer l’expérience Evil Dead en pseudo jeu multijoueur compétitif est peut-être le cœur du problème. J’ai beau me considérer un fan de la franchise, jouer dans un groupe de Ghostbeaters constitué de 3 Ash Williams a le don de gâcher légèrement mon immersion.
Bah, ouais, parce que quitte à singer la concurrence pour garder les joueurs engagés le plus longtemps possibles, autant mettre les deux pieds dedans : il faut des classes de personnages, des compétences à débloquer, mais surtout, des arbres de talents tentaculaires qui requièrent une quantité folle d’heures de jeu pour commencer à profiter des passifs que l’on peut considérer comme intéressants.
Mais même dans le cas éventuel où les survivants savent à peu près ce qu’ils font, et que le démon de Kandar arrive à mettre en place des stratagèmes qui met en avant les forces et faiblesses de ses deadites, un certain manque de feedback sur l’ensemble des mécaniques de jeu donne la sale sensation que l’on a aucun contrôle sur la situation, et qu’on subit très souvent les évènements plutôt que d’essayer de les provoquer. Cela délivre parfois des moments de tension plutôt chouettes où chaque équipe arrive à avoir le dessus à différents moments de la partie, mais c’est surtout lié au fait c’est très souvent le bordel.
Le rythme d’Evil Dead: The Game n’aide clairement pas à rendre l’expérience aussi carrée que le menton de Bruce Campbell : à cause d’un système de progression en cours de parties et du loot trié par niveau de rareté, les survivants passent beaucoup trop de temps à papillonner entre deux objectifs. Le titre a envie d’être beaucoup trop de choses à la fois, alors qu’il suffisait de se concentrer sur ce qui fonctionne : la coopération et la brutalité des combats.
Combien de parties ai-je gagnées en tant que survivant alors qu’il ne restait plus qu’une seule personne debout, à l’article de la mort ? Même les victoires ne sont pas très satisfaisantes, souvent remportées sur un malentendu ou un coup de bol. Et quand une partie est clairement dominée par un camp, c’est parce qu’il y a un écart net de niveaux. Certes, les différents personnages permettent de varier – légèrement – les plaisirs, mais devoir se farcir des missions solos ronflantes pour les débloquer, non merci.
Enfin, malgré quelques effets visuels qui sortent du lot et une atmosphère plutôt réussie, Evil Dead: The Game n’est vraiment pas une foudre de guerre : le manque d’interactivité avec le décor et les personnages atteints de paralysie faciale rendent le tout particulièrement inconsistant. Ce n’est pas toujours moche, mais on tire souvent la tronche face à certains éléments clairement ratés. Vous voyez quand Ash se fait aspirer par le Necronomicon ? Ouais, un peu comme ça.
Groovy ?
Evil Dead: The Game avait presque tout pour être à la fois un bon produit dérivé et un jeu multijoueur asymétrique plutôt malin, mais son manque de finition, ses soucis de rythme et d’équilibrage, ainsi que sa plastique inégale rendent le jeu difficilement recommandable pour les non-fans de la saga de Sam Raimi. Ce n’est pas si mauvais, on arrive même à s’amuser entre deux moments de tensions et répliques rigolotes, mais le résultat n’est clairement pas à la hauteur des surprenantes ambitions qu’a pu avoir Saber Interactive avec le genre.
Ce qu’on a aimé :
- Des références à l’univers Evil Dead, en veux-tu, en voilà
- Système de combat simple, mais très efficace…
- Quelques mécaniques de coopération intéressantes
- Jouer le démon de Kandar s’avère être assez jouissif
Ce qu’on n’a pas aimé :
- … quand ça ne se transforme pas en foutoir ingérable
- Système de progression qui rend rapidement les parties déséquilibrées
- À pied comme en voiture, que c’est rigide…
- Eh, ça tourne bien trop vite en rond
- Techniquement (très) inégal
- Modes solos inintéressants et presque obligatoires
- Une bande-son qui s’emballe un peu trop
Ce jeu est fait pour vous si :
Vous savez que les meilleures répliques de Duke Nukem sont tirées d’Evil Dead.
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
Vous cherchez une bonne alternative à Dead by Daylight.
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Configuration de test :
- GPU : NVIDIA RTX 2080 Ti
- CPU : Intel Core i9-9900k
- RAM : 32 Go DDR4
- Installé sur SSD
Evil Dead: The Game est disponible sur PC via l’Epic Games Store, consoles Xbox, PlayStation, et le sera sur Nintendo Switch à une date ultérieure.