Annoncé en grande pompe lors de la Gamescom 2022, Atlas Fallen s’avançait comme un nouveau revirement pour Deck13, studio dont le nom s’est immanquablement associé à la formule Soulsborne, à travers Lords of the Fallen (co-développé avec CI Games) et la duologie The Surge. Fini les exosquelettes, les usines crasseuses du futur et la dark fantasy, place aux contrées désertiques, aux monstres des sables et aux collectibles en veux tu en voilas. Un revirement, certes, il l’est, mais Atlas Fallen témoigne d’une recette extirpée des vieux pots, ceux dont les saveurs d’antan se rappellent à nous tels d’anciens démons animés par le désir de faire des pâtés de sable.
Dieu dans la main, sable dans les yeux
Ça ne vous aura peut-être pas échappé, mais 2023 n’est pas une année particulièrement tendre avec les jeux aux ambitions et budgets plus modestes comparés aux mastodontes bien décidés à s’accaparer notre temps. Atlas Fallen en sait quelque chose, tant le petit dernier de Deck13 a du discrètement s’échapper du bulldozer Zelda, et vient désormais chercher une place dans la lumière d’un mois d’août engouffré dans l’ombre des portes de Baldur. Il n’empêche que le titre ensablé du studio allemand a de quoi attirer les regards, au-devant de ses bastonnades nerveuses face aux monstruosités accablant un monde en perdition.
Pour commencer par le commencement : non, Atlas Fallen n’est en rien un “Souls-like”, malgré le penchant du studio pour cette formule. Ici, on repart sur de l’action RPG plus classique dans son approche, au sein d’un monde ouvert. En somme, plus proche d’un Assassin’s Creed que d’un Dark Souls, avec cette petite touche qui n’est pas sans rappeler le travail de Joe Madureira sur Darksiders.
L’aventure débute dans un camp de sans-noms — des esclaves — dont on fait partie, dirigé par une milice peu scrupuleuse à l’idée de vous envoyer au casse-pipe. En effet, les terres désolées qui vous entourent regorgent de monstres des sables nommés les “Ombres”, et tardent rarement à zigouiller les humains dans leur champ de vision. Forte heureusement, nous prenons vite possession d’un étrange gantelet ; non seulement ce dernier nous confère de puissants pouvoirs, dont les armes permettant d’éliminer ces créatures, mais surtout celui-ci nous introduit à Nyaal, un Na’vi une entité mystérieuse vivant à l’intérieur dudit gantelet.
La narration dans son ensemble peine à faire valoir son récit, alors bien souvent peu disposé à capter l’attention
Une introduction dont on peut souligner le rythme soutenu, et l’efficacité à laquelle elle présente le cœur du gameplay ainsi que cet univers post-apocalyptique qui n’attend plus que nos glissades effrénées. Malheureusement, la narration dans son ensemble peine à faire valoir son récit, alors bien souvent peu disposé à capter l’attention. Dans les faits, l’histoire ne se montre pas dénuée d’intérêts ; elle octroie mêle quelques surprises ci et là, sans toutefois réellement se montrer marquante, et encore moins épique. L’absence quasi totale de personnages secondaires développés — même du côté des antagonistes — contribue à laisse ce goût fade, ce goût de trop peu. Pourtant, sa peinture post-apo désertique avait de quoi laisser présager une aventure palpitante.
Météo au beau fixe
Avec le désert comme seul véritable environnement occupant son tableau, on pouvait craindre qu’Atlas Fallen installe vite une certaine monotonie au fil de l’exploration. Bien au contraire, ce dernier exhibe une direction artistique maîtrisée, apprêtant chacun des éléments du décor avec justesse afin de composer de somptueux paysages qui n’en oublie pas d’animer ce sentiment de désolation. J’ai pris plaisir à découvrir les restes de civilisations, que ce soit dans les différentes villes – pour certaines somptueuses – et campement, mais aussi les souterrains où gisent les ruines d’un autre temps.
Atlas Fallen exhibe une direction artistique maîtrisée, apprêtant chacun des éléments du décor avec justesse afin de composer de somptueux paysages qui n’en oublie pas d’animer ce sentiment de désolation
Là où le bât blesse, c’est dans la structuration même du monde ouvert. Ce dernier se détache en plusieurs régions, qu’on découvre tout au long de la quête principale. Si j’ai su en apprécier les décors, ainsi que la taille modérée, j’ai en revanche vu mon exploration gangrenée par ce qui se fait de pire dans ce genre de jeu : le remplissage.
Qu’a cela tienne, on reste loin de ce qui peut être réalisé du côté du triple A tel qu’Assassin’s Creed ces dernières années (pour ne citer que lui). Néanmoins, une fois passée la contemplation, je me suis retrouvé à errer d’un objectif insipide à un autre : déterrer des coffres, suivre les rayons lumineux des « Totems de sceau » (pour dénicher des coffres), casser des statues, chercher les pierres d’observations, détruire des tours… le cocktail abouti d’un game design vieillissant — pas en bien — où l’on semble redouter par dessous tout l’ennui du joueur.
On passe bêtement d’un point d’intérêt à un autre, et rare sont les fois où les récompenses m’ont donné l’impression que ça en valait la peine. En dehors des quelques altérations du paysage liées à la destruction d’immenses tours, ou certaines pierres d’essences (capacités de combat), l’exploration manque d’apporter de la satisfaction. Un constat d’autant plus dommageable que cette dernière montre assez vite ses limites, à coup de murs invisibles et de passages aux allures tout à fait praticables – mais en fait non.
À cela s’ajoute une flopée de quêtes secondaires, générant en moi cette crainte de croiser le moindre pnj, tous susceptibles d’apporter leur pierre à l’édifice de points bleus et verts sur une carte à l’espace déjà amplement occupée. Les quêtes conservent cependant un semblant de mise en contexte, tout comme elles laissent approcher un peu plus le lore, et se montrent rarement chronophages. L’ensemble exprime un intérêt pour autant très limité, et ne sert finalement qu’à nous détourner un peu plus de l’histoire principale – déjà peu engageante.
Les pouvoirs liées au sable se révèlent être des gimmicks sous-exploitées, tout juste capable de sertir l’identité du titre
L’autre point noir que je viens accoler à l’exploration relève de ces fameux pouvoirs des sables, qui peut-être ont fait trop d’émules vis-à-vis de ce qu’ils apportent réellement en jeu. Parce que oui, il y a bien des capacités liées au sable, et oui, le surf sur sable rentre dans les cases “cool” du jeu…sauf que dans les faits, ce sont là des gimmicks sous-exploitées, tout juste capables de sertir l’identité du titre.
D’ailleurs, presque tout repose sur le pouvoir d’élévation, avec lequel il est possible de redresser des structures ensevelies, afin d’accéder la plupart du temps à des endroits surélevés ; c’est aussi un moyen de déterrer des coffres à tout va. Une mécanique de jeu alors ô combien surutilisée, qui ne laisse pas de place à un brin de folie.
Quant à la “glissade des sables”, aussi agréable puisse-t-elle rendre les déplacements, se contente d’être une simple alternative au sprint sans jamais vraiment s’intégrer au reste du gameplay. Elle n’en reste pas moins l’une des bonnes idées du titre, il est juste regrettable qu’elle ne soit pas plus que ça.
Sacs de sables mouvants
Outre ses glissades endiablées sur le sable chaud des terres désolées, Atlas Fallen peut tout de même se targuer d’un système de combat solide, reposant sur des mécaniques plutôt bien pensées. Notre personnage se munit de deux armes, une principale et une secondaire interchangeable à la volée, avec chacune leurs propres combos. Pas de panique, ces derniers s’avèrent simplistes et peu nombreux, justes de quoi rendre les interactions un tant soit peu variées.
A noter que le “niveau” du personnage est ici déterminé par son armure. Chaque armure présente 3 niveaux d’améliorations, et des caractéristiques qui leur sont propres. Améliorer son armure s’avère alors crucial au fil de la progression.
Atlas Fallen peut tout de même se targuer d’un système de combat solide, reposant sur des mécaniques plutôt bien pensée.
Mais ce n’est pas là l’essentiel. La castagne repose véritablement sur 3 composantes uniques : la jauge de ferveur, les pierres d’essences, ainsi que la “peau de sable”. La première consiste en une jauge fragmentée en 3 paliers, qui augmente à mesure que l’on tabasse les vilains monstres. Un pouvoir à double tranchant, puisqu’à mesure que ladite jauge se remplit, les dégâts qu’on inflige augmentent, tout comme ceux que l’on reçoit. En revanche, chaque palier octroie les effets des pierres d’essences, des capacités passives, mais aussi actives, qui constituent notre “build”. Celles-ci peuvent améliorer nos dégâts, renforcer nos défenses, provoquer le ralentissement des ennemis, déclencher des projectiles, etc. Il y en a un grand nombre à dénicher tout au long de l’aventure, de quoi varier les plaisirs.
En bonus, dès lors qu’un palier de la jauge est plein, il est possible d’utiliser une “super attaque” aux dégâts dévastateurs – dépendant du nombre de paliers rempli. Toutefois, en faire l’usage revient à perdre toute la ferveur accumulée, et donc tous les effets qui vont avec. On retrouve ainsi un véritable aspect de gestion – bien que liée à cette unique ressource – empêchant le gameplay de devenir un simple matraquage de boutons.
Enfin, le dernier ingrédient – peut-être le plus plus important – se veut être la peau de sable, une parade dont la maîtrise se montre vite essentielle. À l’instant où une ombre s’apprête à frapper (ce qui se symbolise par une vive lumière rouge), la peau de sable permet d’annuler le coup et de cristalliser l’adversaire l’espace de quelques secondes. Le véritable attrait de cette parade est qu’elle est utilisable à n’importe quel moment, même en plein combo – l’action est alors épargnée d’un rythme fissuré. Tout repose ainsi sur notre capacité à anticiper les attaques ennemies, et à adapter notre manière d’approcher les combats.
Cela étant dit, et malgré mon appréciation plutôt positive des combats, il faut bien reconnaître qu’ils souffrent d’imprécisions plus ou moins importantes, notamment en ce qui concerne la parade. Il est souvent très difficile de comprendre son timing d’utilisation, tant certains coups semblent nous toucher bien avant qu’ils “portent” sur notre personnage. De même, le ciblage tend à partir à veau l’eau dès lors qu’il y a plusieurs ennemis à l’écran – d’autant plus lorsque ces derniers ont plusieurs parties du corps à détruire.
Il est aussi regrettable que seules 3 armes régissent l’arsenal. Certes, le gros du gameplay passe par les pierres d’essences et la jauge de ferveur, mais il aurait été appréciable d’agrémenter le catalogue, surtout avec un système de combo établi sur la simplicité et leur nombre restreint.
Malgré mon appréciation plutôt positive des combats, il faut bien reconnaître qu’ils souffrent d’un manque de précision.
Par-dessus le marché, on ne peut que constater un bestiaire très pauvre. Les différents types de monstres se comptent sur les doigts d’une main, tandis qu’ils restent identiques peu importe la zone du jeu dans laquelle on se trouve. Même les élites parsemées un peu partout sur la carte ne sont pour ainsi dire que des versions plus puissantes des ennemis habituels. Et pour ne rien arranger, le design “tout de sable vêtu” qui constitue chacun d’eux décuple cet effet de redondance, ressentie même pour la plupart des boss.
Foutu mirage d’oasis
En dépit de ce que pourrait faire penser la DA et ses paysages charmant la rétine, Atlas Fallen souffre de lourdes lacunes techniques. Les animations des personnages – déjà peu servies par leur charac design – font peine à voir, au point où les cinématiques du jeu perdent tout leur attrait. De quoi davantage nous détacher du récit, d’ores et déjà dans les clous pour nous laisser sur le bas côté. De plus, difficile de faire main basse sur les affreuses textures disséminées un peu partout, même pour des éléments banals comme les coffres.
Pour finir sur une note moins hostile, il est de bon ton de préciser qu’Atlas Fallen dispose d’un mode coopération – et d’un JcJ, soit dit en passant. Vous pouvez donc faire l’entièreté du jeu avec un ou une camarade ; on y trouve même un matchmaking. Malheureusement, je n’ai pas été en mesure de tester cette fonctionnalité. Et si je n’irais pas jusqu’à parier sur une expérience foncièrement différente, cela pourrait bien permettre de mieux encaisser les nombreux défauts du titre.
Je n’aime pas le sable…
Pas vraiment grossier, ni agressif, peu être un peu irritant, il va sans dire qu’Atlas Fallen ne viendra probablement pas s’insinuer dans notre esprit. Il n’était pourtant pas si mal parti : la direction artistique sublime le contexte post-apocalyptique désertique, en évitant soigneusement tout sentiment de monotonie, là ou le gameplay fait mine d’une sympathique profondeur au détour d’un panache certain. Néanmoins, difficile de passer outre son game design extirpé d’un autre temps. Passées les première heures de jeu, après l’extase des premières séances de surf sur sable, il faut surmonter tous ces points d’intérêt futiles, ces (trop) nombreuses quêtes à l’intérêt limité, qui ne font que nous détourner de son histoire velléitaire, sa technique poussiéreuse, sans jamais réussir à démontrer que ça en vaut la peine.
Ce qu’on a aimé :
- Direction artistique maîtrisée
- Un monde ouvert de taille modérée qu’on apprécie parcourir…
- Système de combat solide…
- La possibilité de jouer en coop
- La fluidité des déplacements
Ce qu’on n’a pas aimé :
- …Truffé d’objectifs et de collectibles sans saveur
- …qui souffrent néanmoins de grosses imprécisions
- Le moindre pnj susceptible de donner une quête, à l’intérêt limité de surcroît
- Pouvoirs des sables sous-exploités
- Modèles et animations des personnages très vieillottes
- Presque aucun personnage marquant, ni même développé
- La narration qui dessert un récit déjà peu substantiel
- Un bestiaire extrêmement limité
Ce jeu est fait pour vous si :
Vous aimez surfez les dunes tout en exterminant du monstre des sables à coup de gantelet divin
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
Vous êtes devenu allergique aux jeux en monde ouvert de 2010
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Configuration de test :
- CG: Nvidia RTX 3080Ti
- CPU: AMD Ryzen 7 5800X
- RAM : 16Go DDR4
- Installé sur SSD
Atlas Fallen est disponible sur Playstation 5, Xbox Series X/S et PC.