“Je sacrifie”
Embracer, qui s’est récemment séparé de plus de 900 travailleurs, a accordé quelques mots à gamesindustry.biz pour dire en substance qu’en dépit d’une restructuration difficile, cette tragédie humaine était surtout nécessaire aux buts de la compagnie.
Il ne vous aura probablement pas échappé que depuis maintenant quelques mois Embracer, vit une situation financière pour le moins compliquée. Si comme nombre de ses petits camarades, la société s’était agrandie durant la pandémie de COVID, elle avait déjà commencé son expansion depuis près de 2017, absorbant sans distinction des développeurs tels que Gearbox, Deep Silver, THQ Nordic et même le duo Eidos Montréal–Crystal Dynamics, venus en pack dans ce qui reste sans doute l’un des plus beaux braquages du siècle.
Problème : en mai dernier, un deal de 2 milliards de dollars avec les Saoudiens de chez Savvy est tombé à l’eau à la dernière minute, laissant Embracer seul devant ses regrets et une dette d’un milliard et demi. Oups.
S’en est ainsi suivi un programme de restructuration massif, synonyme de quelques 900 employés mis à la porte et de studios internes fermés. Une stratégie qui aura permis à l’éditeur de faire passer sa dette à 1,4 milliards de dollars, achevant de le convaincre de la nécessité de sa démarche. A en croire les propos de Phil Rogers, responsable de la stratégie et PDG du groupe qui possède Crystal Dynamics, la question semble même se poser directement :
Comment pourrait-on devenir une compagnie plus solide, plus maigre, moins dispersée, et – surtout – auto-suffisante financièrement ?
Plus étonnant encore, Rogers continue de tenir des propos assez paradoxaux vis à vis de leurs futurs jeux, en particulier lorsqu’on sait qu’une quinzaine d’entre eux ont déjà été tués dans l’œuf :
Nous avons plus de 200 jeux en développement dans nos différents studios. […] Je n’ai jamais été fan de l’idée qu’il faudrait faire moins de jeu, pour qu’ils soient meilleurs et plus gros. Des plus gros jeux ce n’est pas toujours amusant. […] Aujourd’hui nous avons donc beaucoup d’équipes qui travaillent avec des budgets bien plus serrés.
Au-delà du blabla corporate de col blanc, il est tout de même important de noter qu’en vue de réduire encore la dette de 478.4 millions pour la prochaine année fiscale, Embracer ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : cette restructuration pénible n’en serait ainsi qu’à ses balbutiements. Pas dénué de cœur, le charmant monsieur a tout de même tenu à assurer : “ça a été un processus très douloureux de compter le nombre de tête qui tombaient”… Avant d’ajouter aussi sec : “mais nous savons que c’est une nécessité pour achever nos nouveaux objectifs. Donc, dans l’ensemble, je dirais que nous avons fait de bons progrès, on va continuer.“
Concernant l’avenir, Embracer semble néanmoins optimiste et assure que la vision à long terme de l’entreprise n’a pas changé, ajoutant même que ces sacrif-, hum, restructurations seraient la clef de la victoire. “C’est comme ça qu’on gagne“. Dans le fond, pourquoi pas ? N’empêche qu’à la vue des derniers échanges de l’interview, on souhaite bien du courage aux survivants :
Nous avons annoncé que nous attendons encore d’autres restructurations et d’autres annulations, potentiellement même d’autres fermetures ou d’autres rachats internes. C’est l’équilibre que nous devons trouver en interne… Parce que, comme on l’a dit, le coût humain est significatif, et significatif pour nous, et nous devons nous en charger avec respect et intégrité.
Une considération que les licenciés apprécieront, à n’en point douter.