Deuxième jeu exclusif à la PlayStation 5 compris dans le deal entre Sony et Bethesda avec Deathloop, l’éthéré Ghostwire: Tokyo se laisse à nouveau approcher… mais cette fois de façon bien tangible. Nous avons pu jouer une poignée d’heures au nouveau jeu de Tango Softworks (Evil Within), un open-world dont le fond semble convenu, mais dont la forme a un charme unique et indéniable.
Shibuya rien qu’à moi
Après un premier aperçu de Ghostwire: Tokyo, me voilà à nouveau plongé dans Shibuya, mais cette fois, je suis enfin aux commandes du héros : Akito. Enfin, apparemment, je ne suis pas tout seul dans la peau du jeune tokyoïte, puisqu’un certain K.K. a également élu domicile dans son corps, octroyant ses pouvoirs spirituels qui ne seront pas de trop pour tenter de sauver la ville en proie aux “Visiteurs” qui ont envahi les rues.
Après cette grosse session en compagnie de Ghostwire: Tokyo, le titre confirme qu’il est un open-world un peu bateau avec tout plein d’avant-postes à nettoyer, de quêtes secondaires ultra balisées à rayer sur un carnet et d’objets à collecter un peu partout.
Pour de vrai, il y a des trucs à ramasser en permanence, tout le temps, à commencer par les pauvres âmes des habitants de Shibuya qui ont été transformés par l’étrange brume qui a englouti la métropole, laissant derrière eux vêtements et véhicules accidentés. Cette narration environnementale omniprésente participe clairement à l’ambiance éthérée du titre, avec des animaux domestiques laissés à l’abandon et des panneaux publicitaires bruyants qui essaient de vendre des produits à des personnes qui se sont évanouies dans les airs.
Eh oui, vous allez devoir mettre la main sur les 240 000 habitants du quartier le plus actif de Tokyo par paquets de 100, également nécessaires pour améliorer les capacités d’Akito. Tous les indicateurs sont là pour signaler que le dernier Tango Softworks a toutes les chances de m’épuiser avant même que le titre n’ait eu le temps de décoller, avec sa concentration assez hallucinante de trucs en surbrillance quand on active “la vue spectrale”. Mais bizarrement, il n’en est rien.
En réalité, la vraie star de Ghostwire: Tokyo ne semble pas être le jeune héros générique et néophyte au monde des esprits tout droit tiré du folklore japonais, ni son colocataire mental qui se la joue vétéran poseur qui connaît toutes les ficelles du métier de chasseur de yōkais, et qui verrait Akito comme un moyen d’accomplir ses propres desseins… mais bel et bien la recréation assez bluffante de Shibuya.
La vue à la première personne est assez inattendue pour un jeu issu d’un studio japonais, même s’il a été fondé par Shinji Mikami, mais après m’être baladé dans les ruelles de la métropole pour y découvrir ses secrets, il est clair qu’il n’aurait pas pu en être autrement. Le level design adapté de la carte réelle de Shibuya fait clairement le job, et la caméra à hauteur d’homme permet clairement de s’immerger dans cette simulation d’urbex teinté de mythologie japonaise.
Et pourtant, le titre a clairement des charmes qui transforment la liste de corvée en exploration urbaine assez plaisante. Les déplacements d’Akito sont particulièrement rigides, ce qui peut donner une impression de mollesse assez désagréable au premier abord, mais l’ensemble est suffisamment pensé pour que cela ne soit pas un problème, un peu comme une invitation à flâner et profiter des lieux remarquables et les monuments célèbres de Shibuya, comme son célèbre carrefour et certains lieux de culte… particulièrement mis en avant par le système de progression.
Le titre souhaite qu’on prenne notre temps à s’imprégner de l’ambiance de la métropole soudainement devenue silencieuse, et c’est bien. Ghostwire: Tokyo n’est pas une révolution technique sur PS5, mais il offre quand même de très jolis panoramas, justifiant clairement l’existence d’un mode Photo.
L’introduction de notions de verticalité n’était forcément nécessaire pour apprécier cette recréation de Shibuya, mais on sent une volonté de la part du studio japonais de proposer l’exploration la plus libre possible, jusqu’à donner la possibilité de sauter de toit en toit afin d’aborder des puzzles environnementaux plutôt simples, mais engageants. Si seulement ces saletés de Tengus qui permettent d’accéder à la cime des immeubles ne cassaient pas les oreilles…
Je mettrais ma main à couper que Tango Softworks se soit inspiré d’autres studios de Bethesda, Arkane Lyon en tête. Bien que l’univers soit assez figé et qu’il n’est possible d’interagir qu’avec très peu de choses, je trouverais presque des airs d’immersive sim à Ghostwire: Tokyo.
DÔMU
Toutefois, Ghostwire: Tokyo n’est pas un jeu d’exploration avec des éléments d’horreur, mais bien un FPS en open-world qui essaye d’exploiter au mieux son contexte ésotérique. En effet, pas de shotguns à l’horizon, mais des pouvoirs élémentaires (relativement peu nombreux) qu’il faudra apprendre à apprendre maîtriser pour s’en sortir face à des combats plus tactiques qu’il n’y paraît.
Comme trop souvent dans les open-world qui sont livrés avec l’incontournable arbre de talents, les premières rencontres sont vraiment molles et sans intérêt : on court toujours après les munitions, et les Visiteurs encaissent comme des cochons avant d’exposer leur fameux cœur qu’il faudra arracher, laissant le joueur vulnérable pendant quelques instants.
Mais au bout de quelques heures et avec les améliorations qui vont bien, la situation se débloque : ça manque toujours aussi cruellement d’options de mobilité, mais on finit par apercevoir des subtilités qui rendent les combats assez engageants. Les Visiteurs ont des comportements simples que l’on identifie rapidement, mais la combinaison des différents types que l’on rencontre propose des scénarios de combat qui nécessitent de prendre de bonnes décisions, comme le choix des pouvoirs.
Le Vent fait des dégâts directs sur une cible unique, l’Eau inflige des dégâts à courte portée en arc de cercle, tandis que le feu provoquera de grosses explosions pouvant souffler plusieurs ennemis. Le but du jeu est alors d’infliger des dégâts de façon intelligente selon le positionnement des ennemis, avec la recherche constante de la satisfaction de pouvoir arracher plusieurs cœurs en un seul geste (les animations des mains sont d’ailleurs réussies).
Le résultat n’est pas parfait, car la rigidité des commandes et le manque récurrent de ressources frustrent souvent, mais avec un combat design aussi épuré, quand ça clique, ça clique. D’ailleurs, les fonctionnalités de la DualSense participent particulièrement bien à l’immersion, notamment via une utilisation assez maligne du haut-parleur, d’où l’on entendra régulièrement K.K. pour des échanges réguliers et plutôt naturel (un bon palliatif face à un Shibuya désolé).
Partout où Ghostwire: Tokyo peut paraître d’un classicisme mortel, il y a toujours un petit twist ou une subtilité qui fait que j’ai envie d’en découvrir davantage, comme chaque utilisation de soins en combat qui augmentent très légèrement le nombre de points de vie max, mettant en avant toutes sortes de systèmes de progression incrémentiels qui devraient éviter les sursauts de puissance du joueur au fil de son périple dans Shibuya.
Et puis, entre deux purifications de portail Tori et quelques phases de jeu redondantes, des missions secondaires simplissimes mais sympathiques permettent de rythmer l’aventure, avec une emphase sur les yōkais qui profitent de la disparition des humains pour se révéler au grand jour. Ces missions représentent souvent de belles occasions d’en apprendre plus sur le folklore local, qui a toujours une très grande influence sur la vie des Japonais du 21e siècle. C’est d’ailleurs dans ces moments-là qu’on retrouve volontiers la patte de Tango Softworks avec des scènes surréalistes qui jouent avec nos sens.
Persona 6
Tantôt terriblement classique, tantôt terriblement charmant, à l’image du folklore japonais qui s’entrechoque avec la métropole nippone, Ghostwire: Tokyo s’annonce comme un open-world immersif à défaut d’être particulièrement profond. Sa partie action peut être décrite de la même manière : à la fois ultra rigide mais aussi terriblement malin. Sa courbe de progression d’une douceur extrême pourrait faire la différence sur le long terme, alors il me tarde de savoir quels genres de secrets renferme cette représentation de Shibuya où il n’y a plus âmes qui vivent. Enfin, façon de parler.
Ghostwire: Tokyo sera disponible le 25 mars sur PC et PlayStation 5.