Disponible cet été, nous avons pu mettre les mains sur une nouvelle version de Humankind, toujours plus proche du produit final. S’il n’a pas l’intention de révolutionner le genre, cette nouvelle mouture montre bien que les Parisiens d’Amplitude Studios ont confiance dans leurs innovations et mécaniques de jeu.
Bouillon de culture
Lorsque j’ai testé une version embryonnaire de Humankind l’année dernière, le nouveau 4X pas-du-tout-spatial d’Amplitude Studios m’a laissé plein d’espoir, mais aussi beaucoup d’interrogations.
Le studio semblait sûr de son approche avec OpenDev, son système assez unique de développement qui met à contribution la communauté du jeu, mais quasiment tout restait à faire de ce côté-là.
Au premier coup d’œil, le titre encore n’a pas beaucoup changé en un an, mais c’est dans intégration des mécaniques et et l’équilibrage que tout se joue.
J’ai enfin pu voir ce que Humankind avait à offrir jusqu’à la 5e ère sur un total de 6, avec des conditions réelles vis-à-vis de la diplomatie, qui était peut-être l’aspect le plus intéressant de cette démo.
La première chose qui frappe en lançant le jeu, et là où on se rend compte que la communauté a eu un énorme rôle dans son développement, c’est le nombre ahurissant d’options de confort et de personnalisation liés à l’interface.
On parle de paramètres que l’on retrouve généralement après plusieurs mises à jour majeures ou aux termes d’un accès anticipé, mais chez Amplitude Studios, le Diable toujours dans les petits détails, et le studio parisien a encore sur faire des merveilles de ce côté-là.
Mais même si vous n’êtes pas coutumiers aux 4X, Humankind sait se montrer plutôt didactique, avec des tutoriels peu invasifs qui expliquent les mécaniques au fur et à mesure dont vous en avez besoin.
Le moindre mot clé a toujours une infobulle associée, et il faut assez peu de clics pour trouver l’info dont on avait besoin. Certaines mécaniques demandent un peu plus d’efforts de compréhension que d’autres, mais la majorité des systèmes se répondent parfaitement ce qui fait qu’on n’est jamais vraiment perdu.
Je te donne
Pour rappel, Humankind nous met dans la peau d’une civilisation qui se transforme au fil des siècles, adoptant de nouvelles doctrines et traditions en fonction des besoins. Ainsi, les Babyloniens peuvent devenir des Romains, qui à leur tour peuvent se muter en Olmèques. Cela n’a pas beaucoup de sens d’un point de vue historique, mais d’un point de vue évolution, on a rarement vu plus organique.
Si la concurrence directe va pousser les participants à viser une condition de victoire particulière avant les autres, tout le monde a sa chance dans Humankind, avec son système de Fame (Renommée). Ne soyez pas la civilisation qui a le dernier mot, mais celle qui aura marqué le plus l’humanité de son empreinte.
Plutôt que de vous développer dans une direction particulière, le titre d’Amplitude vous poussera régulièrement à vous adapter en proposant des traits et des bonus divers en fonction des cultures que vous incarnez : une civilisation agraire peut s’orienter vers des tactiques plus belliqueuses l’âge suivant, avant de vouloir développer son influence encore celle d’après, parce que les conditions l’y invitent.
Tout le long de la partie, les civilisations sont récompensées en points de Fame pour quasiment chaque action marquante : rechercher X technologies, revendiquer X territoires, accroître sa population de X habitants, etc… mais le score obtenu sera bien plus élevé s’il est en adéquation avec la spécialité de la culture en cours.
Sur le papier, une civilisation qui règne sur le monde durant des millénaires avant d’êtres sous assistance respiratoire sur les dernières périodes peut totalement gagner une partie. Il est aussi possible de transcender une culture pour se retrouver avec des Celtes à l’époque de la Renaissance, ce qui offre un bonus de Fame important, mais attention au retard technologique que cela pourrait engendrer, surtout au niveau militaire.
Guerre et pet de travers
Cette démo m’a fait comprendre que la vie d’un peuple au fil des âges est tout sauf un long fleuve tranquille, et qu’à contrario d’une partie de Civilization qui stagne trop souvent une fois la partie bien entamée, les rapports de force peuvent changer du tout au tout d’une ère à l’autre, et que les autres participants — les IA — défendront leurs intérêts de manière féroce.
En effet, les mécaniques de diplomatie peuvent sembler assez simplistes au premier abord, mais la moindre action applique des modificateurs qui changent rapidement la dynamique des relations, notamment sur l’envie de chacun de faire la guerre.
Rentrer en guerre avec un voisin ne se fait pas en un claquement de doigts, mais une action que vous pensez anodine peut vite devenir un casus belli dans le petit calepin de vos concurrents, comme une religion ou une influence culturelle jugée comme bien trop dominantes. Les décisions de l’IA deviennent parfaitement compréhensibles, même si certains traits de caractère peuvent ajouter un mix imprévisible dans le tas (vous pouvez même créer vos propres avatars à la personnalité propre pour les faire jouer contre vos amis).
Ce qui est vraiment intéressant, c’est que tout le monde interagit avec les mêmes outils diplomatiques, et des réputations se forgent au fil de la partie en fonction des relations que vous entretenez, mais toujours via des mécaniques quantifiées et tangibles : rompez un pacte de non-agression et vous serez considéré comme peu fiable, avec un bonus de soutien de guerre à votre égard ; multipliez les accords commerciaux et les autres seront plus enclins à accepter vos offres d’échange.
Quand Amplitude nous ont exposé le système de diplomatie avant de commencer la partie, le studio a expliqué avoir simulé les conditions qui ont poussé l’éclatement de la première Guerre mondiale… avec succès. On testera ces dires au moment voulu, mais cela montre une volonté était d’intriquer étroitement mécaniques de jeu mathématiques avec une dimension relationnel entre les nations vraisemblable.
Si le système fonctionne plutôt avec des IA, j’espère surtout que cela pourrait aider à structurer des parties multijoueurs de façon plus organique, plutôt que de prendre des décisions importantes à la tête du client (on a tous ce copain relou qui aime bien attaquer à tout va).
La balance du destin
Comme dit plus haut, la dynamique entre les différentes nations passe pas mal par la guerre légitime, ce qui pousse évidemment à se pencher sur les combats.
En gros, vous mélangez les unités de Civilization avec les combats tactiques d’Endless Legends, et vous avez un mix à la fois facile à prendre en main et plutôt profond, avec une sacrée emphase sur la configuration du terrain. Une fois un combat engagé, ce dernier se déroule dans une sorte de plan parallèle à la partie globale, partageant la même topographie (Endless Legends, toujours). Au bout de 3 rounds joués chacun, la suite de la bataille se déroule au tour suivant.
Certaines unités peuvent avoir des bonus spéciaux selon certaines conditions, et il faudra absolument les prendre en compte pour espérer l’emporter. Il n’est pas rare qu’un combat gagné d’avance sur le papier trouve une tout autre tournure. Évitez les résolutions automatiques le plus possible, cependant.
Quel que soit le moment dans la partie, vous avez toujours quelque chose à faire, et encore une fois, on peut remercier la Fame pour ça. La compétition avec les autres civilisations ne s’arrête jamais vraiment, et si vous êtes à la traîne dans la course, vous risquez d’avoir moins de choix dans les cultures suivantes.
De ce fait, vous êtes constamment sous pression, et on est constamment poussé à peser la moindre décision. Ce n’est pas une pression du genre “intenable”, mais il est intéressant de faire attention au monde qui vous entoure de façon régulière, surtout que les autres peuvent avoir une influence non négligeable sur votre évolution.
Si vous êtes de la religion d’un autre joueur, vous profiterez de bonus qui vous seront peut-être inutiles, et l’influence culturelle de vos voisins vous poussera parfois à adopter des lois qui ne se marient pas trop aux idéologies que vous aspirez. Bien sûr, une civilisation qui est à son pinacle peut avoir une longueur d’avance sur les autres, mais les autres auront toujours un minimum d’influence sur leur évolution, bonne et mauvaise.
Tiraillés de toutes parts les empires se font et se défont, et un coup du sort peut déstabiliser votre ordre social et faire fondre votre nombre de territoires. En tout cas, cela semble être la volonté du studio, et met toujours la Fame au-dessus de tout : si vous êtes dans une bonne dynamique, engrangez un maximum de point tant que vous le pouvez.
Si les différentes époques offrent toujours plus de Fame au fil de la partie en fonction des hauts-faits des civilisations Amplitude indique avoir voulu donné une saveur particulière à l’ère industrielle, où les avancées technologiques ont modifié la société en profondeur, et ce de manière très rapide. Ainsi, ce stade du jeu devrait apporter une tout autre dynamique, pile au moment où les joueurs pouvaient commencer à trouver le temps long.
Pour les journalistes qui avaient déjà joué à Humankind, Amplitude nous a conseillé de ne pas hésiter à pousser la difficulté. Difficile à dire s’il reste du boulot sur l’équilibrage, le comportement des IA ou sur la configuration de la carte pré-générée qui me mettait au milieu de 3 autres participants, mais la concurrence a été rude… trop rude (j’ai perdu, en mode moyen+).
S’il est important de se spécialiser un minimum pour développer sa Fame, la moindre faiblesse sera exploitée par l’adversaire, et il semble alors important d’avoir un développement équilibré. C’est plutôt pour les joueurs qui aiment changer leurs tactiques en fonction de la situation, bien que j’avais vraiment eu la sensation désagréable de ne rien maîtriser pendant les 20-30 derniers tours (avant ma fin inéluctable).
Le studio est conscient qu’il reste encore pas mal de boulot avant la sortie du mois d’août, mais assure que la majorité des problèmes d’équilibrage ou d’ergonomie qui subsistent ont déjà été identifiés. On verra bien dans quel état de peaufinage Humankind sortira dans le courant du mois d’août.
Conquer me, i’m famous
Bien que le gameplay et le contenu semblent être assez classiques pour un 4X historique au premier abord, Humankind s’annonce comme un jeu de stratégie riche et finement brodé, avec des mécaniques qui se croisent et s’entrecroisent, sans pour autant être un monstre de complexité. Faire plus avec moins est clairement l’objectif d’Amplitude Studios qui s’affirme de plus en plus à un concurrent sérieux à Civilization. Le système de Fame pourrait clairement changer la façon dont on perçoit le genre et permettre aux parties de continuer à avoir un sens, même après le 350e tour ou après une raclée magistrale.
Avant de partir, n’hésitez pas à lire notre interview de Romain de Waubert et Jean-Maxime Moris, PDG et producteur exécutif de Humankind chez Amplitude Studios.
Humankind sera disponible le 17 août sur PC.