Apex Legends et Hunt: Showdown ont eu un enfant chelou
Voilà quelques années que l’ont aperçoit enfin des changements dans la sphère du Battle Royale, un genre qui s’est très vite imposé aux amateurs de shooters. Le terme “imposé” n’est pas utilisé ici à la légère, parce que pour toucher à des trucs à gros budget, il n’y a presque plus que ça à se mettre sous la dent. La mouvance est telle que chaque annonce d’un énième BR a la particularité de faire rouler très très fort des yeux de millions de joueurs.
Depuis la vague des projets qui sont nés du sillage du succès monstre de PUBG, on constate alors deux tendances : lisser la formule pour quelque chose plus fun et immédiat comme Apex Legends ou Warzone, quitte à perdre le côté viscéral du genre, ou bien apporter des innovations qui mènent à quelque chose de… légèrement différent.
Bienvenue dans l’ère des Extraction Shooters, où il est toujours question de survivre, mais si c’est avec les poches pleines, c’est encore mieux. Escape From Tarkov est un jeu bien trop bizarre pour être résumé à cet aspect (faudra qu’on aborde le sujet un jour), mais des titres comme Hunt: Showdown et The Cycle montrent bien qu’il faut se préparer mentalement à une nouvelle mode. On a déjà oublié le mode Hazard Zone de Battlefield 2042 qui s’est ramassé à vouloir proposer une expérience sans ambition, mais le mode DMZ du prochain Call of Duty devrait bel et bien être de ce bord-là.
Voilà que débarque alors Hyenas, développé depuis quelques années par l’équipe de The Creative Assembly responsable d’Alien: Isolation et qui compte bien ne pas louper le coche… avec des idées bien à eux. Et vu le budget marketing alloué par SEGA pour un jeu dont personne n’a encore vu d’images de gameplay, l’éditeur semble y croire dur comme fer.
Présent sur le stand de SEGA à la Gamescom 2022, j’ai pu voir une vidéo de présentation du FPS multijoueur, avec de vraies images de gameplay… bien que la présentatrice n’a pas arrêté de nous ressasser que le développement est encore loin d’être terminé, surtout au niveau du gunfeeling et des animations.
Dans Hyenas, l’action se déroule dans une continuité directe de l’été que l’on vient de passer : la planète est devenue invivable, et Elon Musk, Jeff Bezos et tous leurs potes ont réussi le pari de vivre sur Mars… mais sans vous. Résultats des courses : les restes de l’humanité sont cantonnés dans une énorme station spatiale qui n’est pas vraiment connue pour son confort.
Sur le papier, Hyenas pourrait être vu comme un jeu déprimant, mais c’est tout l’inverse. Même s’il est glacé, les milliardaires ont quand même un petit cœur qui bat, là, quelque part, et ces derniers sont nostalgiques de la Terre de jadis. Ils mettent alors en œuvre des ressources considérables pour rapatrier des vestiges qui leur rappellent l’époque où prendre un jet privé 5 fois par jour ou jouer au Golf sur un green bien vert était encore possible. Du genre… des figurines de Sonic ? Des Atari 2600 ? Les sneakers à la mode dans les années 90 ? Ouais, ils sont cons comme ça.
Toutefois, on croit encore à la théorie du ruissellement dans le futur. Les joueurs incarnent les… Hyenas, des pirates de l’espace qui prennent d’assaut les énormes vaisseaux cargo qui protègent et transportent le précieux butin juste avant qu’ils prennent le large vers Mars. Seulement, il y a de la concurrence.
Le principe est simple : des équipes de 3 joueurs pénètrent le vaisseau, forcent les coffres – grâce à une Megadrive perceuse de portes blindées, j’invente rien – jusqu’à atteindre un certain quota, et tentent d’atteindre un point d’extraction qui ne risque pas de les attendre éternellement. “Extraction shooter“, vous vous souvenez ? Naturellement, il n’y aura pas assez de butin pour contenter tout le monde, et étant donné que le nombre d’équipe en lice est aléatoire (jusqu’à 5), on devrait retrouver un certain côté paranoïaque lors de l’exploration des Plunderships.
Si le concept est déjà quelque chose de convenu, le gameplay semble déjà bien moins posé que Hunt: Showdown, s’inspirant bien plus volontiers d’un titre plus véloce tel que Apex Legends. Sa sélection de différents Hyenas hauts en couleurs aux capacités uniques et cette glissade ne trompent en effet personne, bien que les dédales d’un vaisseau spatial devraient proposer des combats bien plus rapprochés que n’importe quel île ou bayou.
Mais Hyenas a peut-être un atout majeur dans sa manche : de grandes salles ouvertes en zéro-g, et pour un type qui est nostalgique de Shattered Horizon et qui pleure la disparition de Lawbreakers presque tous les jours, voilà un truc qui me botte, apportant de sacrés changements de rythme et des variations de gameplay au cours de la même partie. D’autant qu’il sera même possible de couper ou inverser la gravité en tirant sur un panneau de contrôle, de quoi surprendre l’adversaire qui a intérêt à savoir s’adapter rapidement.
Comme tout bon Extraction Shooter, il est possible de croiser d’autres équipes au détour d’un couloir, mais également des MURF, des clones mercenaires qui veillent à ce que les milliardaires reçoivent le shoot de nostalgie. Si certains MURF sacs à PV requièrent un peu de teamplay pour être dézingués, ils ne représentent pas un grand danger, mais la pétarade pourrait bien attirer d’autres Hyenas qui pourraient en vouloir à la marchandise subtilisée un peu plus tôt. Passer une zone gardée sans se faire repérer serait de l’ordre du possible, d’autant que la moindre mise à terre signifie lâcher la marchandise sur le sol.
Comme dit plus haut, il est encore difficile de juger le gameplay qui semble encore se chercher, mais les bases sont là et donnent l’impression d’être solides. Quand les animations temporaires ne s’en mêlent pas trop, le gunplay est même engageant, bien qu’il faille redouter un TTK assez élevé pour le moment. Là aussi, Apex semble avoir été une inspiration : des combats rapides, mais qui prennent suffisamment leur temps pour proposer des options tactiques à la volée.
Malheureusement, la présentation n’a pas pris le temps de montrer une variété d’armes folle qui semble être assez classique, bien qu’on puisse noter la présence de grenades à mousse qui peuvent créer des protections temporaires ou entraver un MURF un peu trop costaud (l’un des personnages possède même un canon comme dans Prey), tandis que certains gadgets sont pensés surtout pour les combats en zéro-g, comme la “cat grenade” qui balance des lasers dans tous les sens, interdisant la zone.
C’est justement les mécaniques en zéro-g qui me posent pour l’instant le plus d’interrogations : à proximité d’un mur, il est possible de s’élancer vers n’importe quelle direction, la trajectoire pouvant être ajustée ensuite avec des réacteurs de poussée. Toutefois, un grappin gravitationnel permet de se rapprocher de n’importe quelle surface assez rapidement, donnant la possibilité de changer de vecteur de façon, de ce que j’en ai vu, parfois frénétique. The Creative Assembly a intérêt à être très prudent avec ces mécaniques, parce que cela risque de transformer le potentiel tactique de ces affrontements où le haut et le bas n’ont plus cours en des trucs assez chaotiques.
Reste aussi d’autres questions en suspend : l’attrait d’un Extraction Shooter, c’est également la peur d’investir dans son arsenal que l’on pourra éventuellement perdre en jeu. Est-ce que l’argent gagné au fil des casses pourra être dépensé pour s’assurer de meilleures chances de réussite dans la partie suivante ? Je suis pas sûr que la présentation a donné une réponse claire à ce sujet, mais je verrais bien le titre s’affranchir d’une telle contrainte pour éviter que les joueurs ait peur de perdre une once de progression et soient dégoûtés face à une défaite cuisante, à l’instar d’un Apex qui a lissé la phase de recherche d’équipement chère aux Battle Royale comparée à PUBG. Ça fait partie du sel du genre, mais si n’apporte rien dans le contexte, pourquoi s’embêter ?
C’est bien parce que le titre se cherche encore et que le studio britannique ne veut pas faire n’importe quoi avant de débarquer dans un marché déjà saturé que certains joueurs américains sont sélectionnés pour jouer régulièrement à un build alpha de Hyenas, dont les retours permettront à The Creative Assembly de donner une bonne direction au développement… qui est loin d’être terminé.
Sega ne sait même pas quel modèle économique il souhaite appliquer pour Hyenas. Encore une fois, je me demande s’il était bien sage d’annoncer le jeu en aussi grande pompe aussi tôt, d’autant que la direction artistique flashy et le ton satirique un poil trop léger n’a pas l’air d’enchanter tout le monde (ça marche plutôt bien sur moi). Même si les fuites ont été plutôt rares, certains joueurs sous clause de confidentialité n’ont d’ailleurs pas joué le jeu, et les vidéos de gameplay que j’ai pu consulter ne sont pas très flatteuses pour l’instant, ce qui pourrait avoir des conséquences assez désastreuses sur l’horizon des attentes du titre. Et ce malgré quelques retours positifs souris en main.
Bref, même si ce que j’ai vu me plaît assez, il va falloir encore être patient pour savoir si Hyenas pourra tenir toutes ses promesses et intéresser suffisamment les joueurs pour être un shooter multijoueur pérenne. C’est tout le mal que je lui souhaite.