Il était temps que le meilleur de tous les héros (si) ait droit à un jeu de plateau digne de ce nom. Vous en rêviez ? Monolith l’a fait.
Batou pas si fragile
Batman: Gotham City Chronicles a été lancé sur Kickstarter début 2018 et a récolté plus de 4 millions 400 mille dollars sur les 500k réclamés. Calqué sur le jeu de plateau Conan, également propulsé par Monolith, il peaufine néanmoins les règles afin d’améliorer le confort du joueur et pousse le bouchon un peu plus loin. Il s’agit d’une exclusivité Kickstarter, ce qui signifie qu’il n’est pas destiné à rejoindre les étals de votre boutique de jeux préférée. Toutefois, une saison 2 est programmée pour le 4 juin, toujours sur Kickstarter. Celle-ci proposera de racheter l’intégralité de la saison 1 en plus de la seconde ou indépendamment.
Nous avons affaire à un jeu à scénarios (24 dans la boîte de base) qui oppose systématiquement un Overlord (saint patron des vilains) à un ou plusieurs héros parmi les plus célèbres de la franchise Batman, et même plus puisqu’on retrouve notamment Green Arrow. Les scénarios ne sont pas liés entre eux, ce qui fait qu’il est tout-à-fait possible de démarrer par l’avant-dernier et de poursuivre avec un autre pris au milieu du bouquin. Pour chaque scénario, un objectif pour les héros et le vilain et un certain nombre de tours pour le remplir.
2 plateaux recto-verso nous donnent accès à 4 cartes sur lesquelles se dérouleront les dits scénarios. Tout le matériel est de très bonne qualité, à commencer par les boîtes, très solides et proposant quelques reliefs bien sympathiques, en plus des superbes dessins représentant héros et vilains, chacun ayant leur boîte dédiée. En effet, Monolith n’a pas fait les choses à moitié et a décidé de proposer 1 boîte par camp. Le mieux, c’est que vous pouvez les placer l’une à côté de l’autre pour composer une fresque opposant héros et vilains, parfait pour la déco.
Le design sur les autres éléments de jeu (cartes de héros, tuiles…) est également au rendez-vous, pour un ensemble très qualitatif, fidèle à ce que Monolith est en mesure de nous proposer (j’ai également une boîte de base de Conan pour comparaison).
Les figurines entrent facilement au panthéon des meilleures minis.
Bien entendu, impossible de faire l’impasse sur les figurines, qui entrent facilement au panthéon des meilleures minis sur le marché. Les détails sont bien marqués et la finesse de certains éléments m’a fait halluciner : le fil de l’arme de Killer Moth, la canne de l’Homme Mystère… toutes ces figurines pourraient finir en vitrine sans problème. Et on retrouve aussi un lot de grosses figs composé entre autres de Man-Bat, Tusk et Bane sous venin. Pour les peintres, c’est l’éclate.
Et là, c’est la Bat-Tuile
Pour chaque scénario, les joueurs devront sélectionner de 1 à 3 héros parmi une liste prédéfinie. Par exemple, “La Ruine de Gotham City” vous propose de choisir entre Batman et Renee Montoya pour le 1er héros, Catwoman, Bluebird et Catwoman “Un Long Halloween” pour le second, etc. Cela vous évite de vous perdre parmi la foule de héros disponibles (30, extensions comprises) et d’avoir d’emblée une équipe appropriée pour la mission. Les vilains sont quant à eux prédéterminés par le scénario, aucune variation proposée.
Le camp des héros offre une bonne variété, avec beaucoup de capacités différentes.
Le camp des héros offre une bonne variété, avec beaucoup de capacités différentes, toutes détaillées à la fin du livret de règles. Il conviendra d’imprimer une aide de jeu pour pouvoir s’y référer assez rapidement, car j’y reviendrai, il y a beaucoup d’éléments à mémoriser et maîtriser pour profiter comme il se doit de BGCC. Pour en revenir aux héros en eux-mêmes, on retrouve des personnages emblématiques de l’univers Batman, dont certains personnages sont déclinés en plusieurs versions. Il existe par exemple 2 versions de Catwoman, mais plus encore de Batman (Zero Year, Year 100, The Dark Knight Returns…). À chaque version correspond des capacités particulières, ce qui fait qu’on ne se retrouve pas simplement avec des modifications d’apparence. Bien appréciable et en même temps frustrant pour ceux qui préfèrent jouer telle ou telle version d’un héros (ceci dit personne ne vous punira si vous prenez la fiche de Robin Tim Drake et que vous y associez la figurine Robin Damian Wayne).
Les tuiles de vilains présentent des informations similaires, mais organisées de manière différente pour pouvoir être logées sur une tuile qui viendra s’insérer directement dans ce que Monolith appelle la “Rivière” : les tuiles sont rangées les unes à la suite des autres et le coût pour en activer une dépend de sa position – activer la tuile n°4 coûte 4 gemmes d’énergie, la tuile n°1 n’en réclamera qu’une seule, etc.
Afin de compléter leur objectifs, héros comme vilain n’auront qu’un nombre limité de tours, tout en sachant que chaque tour ne se termine que lorsque le ou les joueurs ne peuvent ou ne veulent plus dépenser de cubes d’énergie. Lorsque vient le tour de l’adversaire, il est bon d’avoir quelques cubes en réserve au cas où pour se défendre et relancer ses dés si l’on n’est pas satisfait. Au début de son prochain tour, on récupère un certain montant d’énergie (variable pour les héros selon qu’ils choisissent d’être actif ou de se reposer) et c’est reparti. Notons que les héros peuvent jouer dans n’importe quel ordre et même “entremêler” leurs actions, du moment qu’ils ont des cubes d’énergie pour le faire.
DC’s Gotham
Les scénarios en eux-mêmes offrent des textes d’ambiance assez sympathiques sans qu’ils constituent pour autant un point fort du jeu. Les héros eux-mêmes proposent au dos de leur carte des éléments de contextualisation afin de les découvrir ou de se rafraîchir la mémoire, c’est selon.
Batman: Gotham City Chronicles est un jeu à la dimension stratégique forte, bien plus que Conan qui se concentrait davantage sur l’action et la décapitation. Ici, le choix des personnages et, plus globalement la constitution des équipes a son importance. De même, les héros étant équipés d’une bat-ceinture pourront choisir dès le départ parmi de très nombreux bat-gadgets, plus ou moins appropriés en fonction de la stratégie adoptée ou du scénario en lui-même.
Durant les premières parties, on se retrouve à farfouiller le livret de règles en permanence.
Là où la situation devient épineuse, c’est lorsque l’on se rend compte de la quantité d’informations à maîtriser pour bien profiter du jeu. Dans le même livret, on trouve une foule de symboles à mémoriser pour bien comprendre ce dont notre héros est capable ainsi qu’une explication schématisée des contraintes de la carte de jeu (niveau d’escalade ou de saut, passage interdit, etc.). Le résultat est une période d’adaptation assez importante le temps que ça rentre, et mine de rien les premières parties sont assez frustrantes à cause de cela ; d’autant que contrairement à Conan, Monolith n’a pas jugé bon ici de fournir des petits cartons d’aide de jeu permettant de retrouver rapidement le symbole que l’on ne comprend pas (du moins, pas dans la boîte, mais vous pouvez vous rendre sur le site officiel pour en imprimer vous-même). Durant les premières parties, on se retrouve à farfouiller le livret de règles en permanence pour alterner entre symboles et contraintes du terrain de jeu. Un ou deux scénarios très guidés auraient été appréciés pour faire office de tutoriel pour les nouveaux.
Une fois passée cette période d’adaptation, force est de constater que le jeu est jouissif. Tout le sel de Batman: Gotham City Chronicles se trouve dans le fait de bien connaître son héros et d’utiliser ses capacités et ses équipements au maximum afin de mener à bien la mission. Pour le vilain, le titre se révèle encore plus stratégique puisqu’il est seul à contrôler une “armée”. Selon le camp que l’on incarne, la partie est donc assez différente.
Je mentionnais les contraintes de terrain. Certes, comme pour les symboles, apprendre à les connaître constitue la période relou de la découverte du jeu, mais comme pour les symboles, une fois apprises elles permettent de décupler les possibilités stratégiques à travers la verticalité. D’un coup on comprend que les vilains de tel scénario on très peu la possibilité de grimper en hauteur, donc on sort un bat-grappin et on leur balance un batarang explosif, ou bien on choisit de les contourner pour rejoindre rapidement un objectif et coiffer le vilain au poteau… Vous l’aurez compris, ça déboîte quand même pas mal une fois qu’on a appris à jouer correctement. Les nouveaux joueurs ne doivent pas se laisser rebuter.
Chauve-pourrie deviendra chauve-souris
Malgré tout, force est de constater que l’équilibrage n’est pas toujours complètement au rendez-vous. Certains scénario paraissent insurmontable pour les héros, d’autres pour le vilain, tandis que d’autres encore se révèlent bien moins tranchés sur les possibilités de victoire.
En soi, je ne considère pas cela comme un vrai problème, puisque cela revient à passer du mode normal au mode difficile. Certains scénarios sont simplement plus difficiles que d’autres pour un camp. Cela peut aussi renforcer le côté épique et c’est dans ces situations que les actions les plus mémorables ont lieu. Toutefois, je n’ai pu m’empêcher de constater le découragement de certaines personnes de mon groupe de jeu après avoir essuyé 4 échecs à la suite. Donc tant qu’à faire des scénarios plus balèzes, ça serait pas mal d’indiquer un niveau (facile, normal, difficile). Si vous voulez vous faire une idée, un groupe de fans anglophones a mis en place un sondage permanent sur les résultats des parties de Batman: Gotham City Chronicles.
Dans l’ensemble toutefois, tout est question de choix des personnages et synergie entre eux ainsi que de choix des équipements et gestion de l’énergie. Si des scénarios sont beaucoup plus difficiles que d’autres pour un camp ou pour l’autre, il faut le mettre de côté et y revenir plus tard avec des joueurs plus experts.
La complexité n’est pas gratuite. Elle est au contraire permissive.
Ce que j’apprécie beaucoup chez Monolith, c’est que la complexité n’est pas gratuite. Elle est au contraire permissive. Par exemple, Batman: Gotham City Chronicles prend en compte une foule de paramètres comme les parois que l’on peut briser, les sauts, l’escalade, les chutes, les terrains dangereux, le phénomène de gène, etc. Autant d’éléments à prendre en compte pour profiter un maximum du jeu. Je peux empêcher Batman d’entrer dans mon laboratoire secret en lui éclatant la tête, mais je peux aussi me contenter d’amasser des sbires sur lui pour qu’il lui soit impossible d’avancer. L’ennemi a regroupé beaucoup de sbires sur la case qui me donne accès à la suite du niveau ? Je peux exploser un mur pour la contourner. Des exemples comme ça, il y en a des tas et on ne se rend compte de nouvelles possibilités qu’en essuyant des défaites parfois lourdes.
“Le Facteur Sonne Toujours Deux Fois” m’a pris la tête, car deux héros semblent insuffisants devant la pléthore d’ennemis, mais une fois que j’ai compris que je pouvais embarquer un bat-grappin et un batarang explosif, j’ai pu mettre Batman hors d’atteinte et éliminer des cases entières pour dégager le passage à Azraël.
Monolith a sorti le Joker
Batman: Gotham City Chronicles reprend et perfectionne les principes de jeu d’un Conan en mettant en avant la dimension stratégique, ce qui donne lieu à des situations et actions assez épiques dans un univers adoré de nombreux fans. La qualité du matériel et du design font du titre de Monolith un véritable objet de collection qu’on ne peut toutefois pas s’empêcher de sortir de l’armoire pour lancer une nouvelle partie. Je mentionne rapidement la Batmobile ici plutôt que d’en faire un test à part entière : elle est pour l’instant assez inutile combinée seulement avec la boîte de base, qui ne propose qu’un seul scénario. En revanche, d’autres arrivent, que ça soit par la communauté très active ou le magazine Overlord.
► Points forts
- Qualité du matériel exemplaire
- Finition des figurines
- Beaucoup de contenu, rien que pour le jeu de base
- Une communauté qui offre ses propres scénarios, et un magazine officiel qui en propose davantage
- Dimension stratégique poussée
- Complexe, mais à juste titre
- 24 scénarios rien que pour le jeu de base
► Points faibles
- Certains scénarios paraissent déséquilibrés, ce qui peut rebuter certains
- La Batmobile est pour l’instant assez inutile
- Les titres des cartes équipement exclusivement en anglais
Batou est dit
Batman: Gotham City Chronicles est disponible sur bat-table de la taille de 3 chauve-souris ailes déployées.