Le jump scare est devenu au fil du temps une composante beaucoup trop récurrente, que ce soit pour les films ou les jeux vidéo. Une technique qui, pour ma part, me fait l’effet d’un gosse mal déguisé à Halloween, mais qui tente tant bien que mal de me faire sursauter en m’électrocutant le cul toutes les 10 minutes.
Le jump scare, qu’est-ce que c’est ?
Tout le monde l’a déjà expérimenté au moins une fois en regardant un film ou en jouant à un jeu vidéo d’horreur. Le jump scare (en français “saut de peur”) est une méthode qui consiste à faire sursauter le spectateur/joueur, le plus souvent dans un moment de tension. Pour un effet encore plus efficace, il est souvent accompagné d’un bruit fort et soudain, ou éventuellement d’un screamer (personne qui hurle).
Dans ma tête, le jump scare, c’est mon pote qui se prend pour un petit rigolo et qui vient furtivement se faufiler derrière moi, pour me crier un gros “BOUH” à l’oreille, et rigole pendant que mon cœur bat à 100 à l’heure. Personnellement, j’ai juste envie de lui foutre une grosse baffe, ben dans les jeux vidéo, c’est un peu pareil.
Ce n’est pas tant le jump scare en lui-même qui pose problème, mais c’est la façon dont il est fait — en témoigne l’excellente scène du chien dans Resident Evil. Faire sursauter le joueur juste pour le faire sursauter, ça n’a aucun sens. Ce n’est pas terrifiant, c’est juste agaçant.
Une terreur de parcours
Le premier exemple qui me vient à l’esprit est Layers of Fear 2 qui use et abuse des Jump Scares à un point que ça en devient contre-productif. En effet, l’ambiance du titre est très réussie, inquiétante, et dès le début de l’aventure j’ai été happé par cet univers. La tension était présente et j’avançais la peur au ventre au milieu des dédales crasseux de ce navire à l’abandon.
Cependant, l’utilisation abusive des Jump Scares — que ce soit les pantins qui bougent quand on s’approche ou les objets qui tombent devant nos yeux — m’a totalement sorti du titre. Lorsqu’un élément est trop présent à l’écran, ça le démystifie et on finit par s’y habituer. C’est la même chose pour les jump scares, le côté agaçant en plus.
Si l’on veut maintenir une tension constante, il ne faut surtout pas faire sursauter le joueur toutes les 10 minutes. Le principe de faire “exploser la bombe” comme dirait Hitchcock, c’est de rompre la tension, d’une manière parfois brutale. Cela permet au joueur d’évacuer le stress accumulé. Néanmoins, lorsque les jump scares sont trop présents, ils ne laissent pas le temps au joueur de se reposer, et il en résulte un ascenseur émotionnel des plus inutiles qui, pour les gens comme moi, va jusqu’à mettre notre corps en mode “j’en ai plus rien à battre”.
Il faut conserver un danger planant afin de maintenir le joueur dans la terreur, mais il faut le faire en instaurant progressivement une ambiance malsaine, emplie de mystère, de craintes et de questionnements, qui finira inévitablement par exploser.
L’une des solutions pour ça, c’est de jouer sur la peur de l’inconnu. Il n’y a rien de plus terrible que de ne pas savoir à quoi nous avons à faire. En effet, notre esprit ira toujours imaginer le pire scénario possible jusqu’à nous en donner des sueurs froides.
Certains auteurs de romans d’horreur (H.P. Lovecraft ou encore Stephen King pour ne citer qu’eux) utilisent cette peur de l’inconnu à différentes échelles : on sait que quelque chose arrive, mais on ne sait pas quoi, ni quand.
L’épouvante ses mérites
D’un autre côté, connaître la menace ne signifie pas forcément la fin de l’horreur, bien au contraire. Des titres comme Alien Isolation arrivent à nous faire ressentir une véritable terreur alors qu’on sait pertinemment à quoi on a affaire, et ce avant même de lancer le jeu. C’est d’ailleurs la menace planante de l’alien qui fout la trouille, car on sait très bien de quoi il est capable.
En revanche, tout comme dans Layers of Fear 2, j’ai fini, au fil du temps, par ne plus ressentir la moindre peur — et c’est précisément la raison pour laquelle je vous conseillerais de faire Alien: Isolation en difficulté facile.
Pas la peine de me regarder avec cet air ahuri, laissez-moi vous expliquer. En effet, dans Alien: Isolation, vous vous retrouvez coincé dans une station spatiale avec un xénomorphe à son bord. Le principe est simple : survivre en vous cachant. Or, au bout d’un moment, je me suis surpris à ne plus avoir peur de l’alien, qui est pourtant la menace principale. Au contraire, je le voyais comme une IA qu’il faut berner afin de progresser dans l’aventure. Ce n’était plus un jeu d’horreur, c’était un jeu de cache-cache.
L’ouïe de funeste
Je me suis alors demandé pourquoi ? qu’est-ce qui avait changé depuis le début de l’aventure où j’étais terrifié au moindre bruit ? Et bien, la réponse est simple : l’alien était trop présent. Je m’étais simplement habitué à ses apparitions — un peu comme avec les jump scares. Il y avait toujours des moments de stress intenses, certes, surtout quand l’alien est proche, mais ce n’était plus vraiment de la peur. Je n’avais juste pas envie de tout recommencer depuis le dernier point de sauvegarde.
J’ai finalement recommencé en changeant la difficulté, et ça a totalement chamboulé ma perception du titre. En mode facile, l’alien passe le plus clair de son temps dans les conduits d’aération et ne descend que très rarement. Et je trouve ça pire, car vous entendez ces gémissements en permanence autour de vous. Vous ne savez jamais quand il va se décider à descendre, ni par quels conduits. Alors certes, le jeu est plus facile, mais il est d’autant plus flippant — n’est-ce pas là l’objectif principal des jeux d’horreur après tout ?
De plus, il ne s’agit pas simplement d’une ambiance sonore, le xénomorphe est présent physiquement dans les conduits. Il suffit de faire un peu de bruit, comme sprinter par exemple, et vous allez l’entendre débouler derechef. C’est précisément cette menace latente qui fout une trouille monstre.
Cela prouve également que le son joue un rôle majeur dans l’action d’instaurer une peur durable, on a tendance à l’oublier. Si des titres comme Dead Space ont marqué les esprits, c’est principalement grâce à leur bande-son magistrale — que ce soit les bruits de cris au loin, les pas dans les ventilations, ou tout simplement la musique qui fait grimper la tension petit à petit. Le son, c’est déjà 70% du boulot de fait.
Avoir du talent, ce n’est pas donné à tout le monde
En définitive, les studios ont déjà tous les outils en leur possession pour effrayer les joueurs, alors pourquoi avoir sans cesse recours au jump scare ? C’est une question pertinente, merci de l’avoir posée. Eh bien, la peur est une émotion assez complexe, et chaque être y est sensible à différents degrés — cela demande des efforts et une bonne connaissance du sujet. Il est beaucoup plus simple de stimuler une réaction physique universelle, plutôt que d’avoir du talent. Même si je n’en suis pas friand, je conçois que les jump scares font partie des codes de l’horreur — certaines scènes marquantes en sont d’ailleurs souvent accompagnées. Néanmoins, ils ont besoin d’être préparés à l’avance, il faut les laisser mijoter pour ensuite les faire exploser. Comme je l’ai mentionné plus haut, il ne suffit pas de se glisser derrière une personne pour crier dans son oreille, ça n’a aucun sens. Il faut tout d’abord instaurer une atmosphère propice, une angoisse viscérale qui grossit au rythme de vos pas et des cris étouffés de pleurs lointains. Seul dans cette pénombre suffocante, vous commencez à le sentir : le murmure glacial d’un frisson tenace, celui-ci même qui s’insinue au plus profond de votre être. C’est ça, la vraie peur.
Bon blogging même si je ne suis pas d’accord avec le paragraphe sur la difficulté d’Alien Isolation.
Le jeu en difficulté maximale est horriblement stressant. L’IA de l’alien est assez imprévisible, tant et si bien que même caché, je ne me sentais pas en sécurité (l’alien allait parfois me chercher dans les conduits ou sous les bureaux alors que j’y étais caché comme un gros sac depuis 5 vraies minutes).
Mais sinon oui, l’utilisation abusive de jumpscares me fait avancer en mode "bats les couilles je sprinter comme ça le jumpscare arrive plus vite" plutôt que "je n’ose pas avancer j’ai peur", qui est pour moi la vraie essence de l’horreur :)
Justement, je précise bien que le jeu est stressant, mais il ne fait pas peur, une grosse nuance.