Conan Exiles – Entretien avec Oscar Lopez, lead designer chez Funcom
Cela fait maintenant quelques mois que Conan Exiles est paru en accès anticipé et il y a quelque temps, nous demandions une interview à Funcom afin qu’Oscar Lopez, lead designer sur le jeu, nous éclaire un peu plus sur les objectifs et plans du studio pour le futur du titre.
Il reste du chemin à parcourir
WL : Bonjour Oscar, vous avez promis que l’accès anticipé de Conan Exiles ne dépasserait pas une année. Comment comptez-vous réussir là où tous les autres jeux de survie ont échoué ?
OL : Tout le défi est de bien définir votre produit. Ce qui est bien plus facile à dire qu’à faire, car nous voulons toujours pousser les améliorations du jeu un peu plus loin, et nos propres critiques sont les plus sévères. Cela consiste aussi à prendre le modèle de l’accès anticipé au sérieux, s’engager sur ses promesses et respecter les clients. Au final, cela revient à choisir des fonctionnalités qui amélioreront le jeu et à faire le choix difficile d’en supprimer d’autres, qui ne fonctionnent pas si bien ou ont un impact très limité sur l’expérience.
WL : Récemment, une équipe d’anciens développeurs de WoW vanilla a annoncé Rend, un jeu de survie qui devrait à priori contourner le problème du end game inexistant en proposant des conditions de victoire, qui se traduisent par une remise à zéro du serveur concerné. Pensez-vous que ces remises à zéro (wipes) sont inévitables pour les jeux de survie ? Que prévoyez-vous pour Conan Exiles en ce qui concerne le end game ?
OL : Nous avons essayé de remettre à zéro nos serveurs tous les mois avec nos règles de Blitz, et il s’avère que ce mode est le moins populaire à l’heure actuelle. Le fait de proposer des conditions de victoire constitue une approche intéressante et nous l’avons envisagé pour Conan Exiles. Nous avons pensé à une façon de “gagner” la partie à un niveau personnel et mettre un terme à votre épopée héroïque. Dans cette optique, vous parviendriez à vous échapper des Terres des Exilés (Exiled Lands, la carte de Conan Exiles, ndlr).
Je ne pense pas que les wipes absolus soient une bonne solution (sauf si vous participez à un mode genre “course-à-la-maîtrise-des-systèmes-du-jeu”). La solution, c’est plutôt que vous ayez la sensation qu’absolument tout ce que vous faites en jeu est important et que les terres et vos constructions soient éphémères et reconstruisibles. Prendre possession de vos terres et vous exprimer dans le bac à sable devrait être fonction d’influence politique, d’interaction humaine et de liberté créative.
En interne, nous sommes en train de tester un certain nombre de changements pour faciliter la créativité et atténuer la peine engendrée par la perte des possessions matérielles. Par exemple, diminuer drastiquement les coûts en matériaux pour les constructions, rendre leur destruction plus accessible et donner les moyens aux joueurs de se rappeler ce qu’ils avaient construit pour le refaire assez facilement. Il faut que nous voyions si cela s’annonce bien, mais je crois que les sentiments d’attachement et de perte représentent l’un de principaux problèmes sous-jacents du genre.
WL : Les Avatars sont une super idée marquée par l’originalité, mais ceux-ci sont pour le moment beaucoup trop faciles à obtenir et des joueurs se sentent très frustrés à ce sujet, car ils passent des heures à bâtir des bases élaborées. Existe-t-il un moyen de contenter tout le monde ?
OL : Il existe quelques problèmes de capitalisation qui permettent d’obtenir les Avatars bien plus facilement que ce que nous avions prévu. Ceci étant dit, ils sont loin d’être faciles à récupérer. Une grande partie des Avatars existants ont été produits grâce à des bugs de duplication, ce qui biaise la perception des joueurs à ce sujet.
L’une des choses que nous faisons pour limiter le pouvoir des Avatars consiste à permettre aux joueurs de créer des défenses qui leur sont destinées. Les joueurs pourront aussi blesser les Avatars et la durée de l’invocation sera réduite en fonction de la quantité de dégâts infligée à un Avatar. Il sera aussi possible de créer des défenses qui demeureront actives même lorsque les joueurs seront déconnectés afin de limiter (et parfois annuler) les dégâts qu’un Avatar peut occasionner aux bases en l’absence de joueurs.
Nous sommes en train d’ajouter une mécanique supplémentaire : la possibilité de voir sur la carte les objets d’invocation d’Avatars et les autels en mesure de produire des Avatars. Lorsqu’un autel commence son amélioration depuis le tier 2 vers le tier 3 (nécessaire pour pouvoir créer un objet d’invocation d’Avatar), vous verrez un marqueur sur la carte. Si un joueur se balade avec un objet d’invocation d’Avatar, vous le verrez également sur la carte. Cela permet aux joueurs de gérer la situation de manière politique (ou par la force) tant qu’il s’agit d’une menace, au lieu de faire face aux conséquences de la destruction.
Nous sommes en train d’ajouter une mécanique supplémentaire : la possibilité de voir sur la carte les objets d’invocation d’Avatars et les autels en mesure de produire des Avatars.
Enfin, nous avons drastiquement réduit les taux de réapparition des Hauts Prêtres (eux aussi sont nécessaires pour produire les objets d’invocation) et nous considérons l’ajout de mécanismes de plages horaires pour leur réapparition. Pour le moment, il est très aisé de simplement balayer une zone avec un point d’apparition possible pour un Haut Prêtre, jusqu’à ce qu’il apparaisse. Ce gameplay est non seulement fastidieux mais cela fait du Haut Prêtre un non-facteur lorsqu’on considère le coût d’invocation des avatars.
Un autre aspect de ce problème est la douleur que l’on ressent lorsque notre incroyable base est détruite. On en revient ici aux sentiments d’attachement et de perte que j’ai décrits plus tôt.
WL : Vous prévoyez d’ajouter un nouveau biome à la fin de l’été. Avez-vous aujourd’hui une idée de la taille finale de la carte ?
OL : Le nouveau biome mesure deux tiers de la zone existante. Lorsqu’il paraîtra, l’espace jouable sera presque doublé par rapport à aujourd’hui.
WL : Bientôt, les joueurs auront la possibilité de lancer des corps en décomposition dans les bases ennemies. Quels excitants et macabres moyens de détruire une base voudriez-vous ajouter à l’avenir ?
OL : J’aime utiliser les Orbes de Feu Démoniaque pour couvrir mes besoins en destructions. Ce sont des grenades très instables que vous pouvez utiliser pour endommager les structures mais aussi des outils tactiques en combat !
WL : Le système de combat est, à l’heure de l’accès anticipé, plutôt simple. En tenant compte de l’histoire de Funcom en tant que développeur MMO, quels sont vos plans concernant cet important élément de gameplay ? Pouvons-nous nous attendre à un système plus développé comme ceux de Chivalry ou For Honor, par exemple ?
OL : Nous observons le système de combat et nous analysons dans quelle mesure nous devrions y ajouter de la complexité. Il est assez simple mais couvre aussi la plupart des besoins en termes de combat dans le jeu.
Nous souhaitons absolument améliorer les sensations du combat et peaufiner certaines des mécaniques déjà présentes qui, selon nous, ne fonctionnent pas comme nous l’avions prévu, mais il y a un grand fossé entre ça et les dynamiques de combat profondes et extrêmement élaborées de For Honor ou Dark Souls.
Par exemple, le blocage au bouclier semble inutile, les dagues et le poison sont rarement utilisés et les renversements au marteau paraissent extrêmement puissants. On trouve également peu de différences dans l’utilisation de différentes armes contre différents ennemis. Voilà tous les problèmes du système actuel sur lesquels nous pouvons travailler. Nous regardons aussi du côté de l’autre aspect du combat : ce que vos ennemis font. Nous avons le sentiment que les monstres ne représentent pas un vrai défi pour les joueurs, et c’est en grande partie pour cela que le combat n’est pas à la hauteur de ses ambitions. Il n’existe aucune façon de montrer son expertise et sa maîtrise du combat quand votre ennemi n’en a aucune.
De manière globale, nous cherchons à améliorer la sensation du combat, rendre les armes et armures plus spécifiques et améliorer les comportements des PNJ.
Nous souhaitons absolument améliorer les sensations du combat et peaufiner certaines des mécaniques déjà présentes qui, selon nous, ne fonctionnent pas comme nous l’avions prévu, mais il y a un grand fossé entre ça et les dynamiques de combat profondes et extrêmement élaborées de For Honor ou Dark Souls.
WL : En dehors de Conan Exiles, quels sont vos trois jeux favoris du moment et pourquoi ?
OL : NieR: Automata, Street Fighter et Terraria.
Automata constitue tout simplement un chef d’œuvre. J’adore son incroyable système de combat, sa narration et les mécaniques de gameplay novatrices que le jeu apporte au genre. Je lâche toujours un petit rire quand je pense à la façon dont les développeurs jouent avec la perspective et modifient le cœur du gameplay pour passer du hack’n slash au shmup (shoot’em up, ndlr) en passant par le jeu de plateforme.
Je suis un grand fan des jeux de baston, j’y joue et je les étudie depuis des années. Je choisis Street Fighter même si j’aime également beaucoup les air dashers (mais je ne fais pas preuve de suffisamment de dextérité pour y jouer convenablement, ce qui me frustre).
Terraria est mon choix de jeu bac à sable. Je ne me lasse jamais de créer des pompes et circuits et j’adore les projectiles et les armes magiques ainsi que la progression boss tier/tech.
La mention honorable est décernée à Diablo 3, qui représente la meilleure expérience hack ‘n’ slash à mon sens.
WL : Imaginons que nous vivons dans un monde parfait et que vous pouvez faire absolument tout ce que vous désirez. Quelle caractéristique fantastique voudriez-vous ajouter à Conan Exiles ? À quoi ressemble la version ultime de Conan Exiles selon vous ?
OL : J’ajouterais la possibilité de créer et contrôler des armées, les rallier sous ma bannière pour conquérir des terres et détruire mes ennemis jusqu’à ce que j’ai envahi le monde entier. La terraformation, aussi. J’aimerais tellement aplatir des montagnes, creuser des lacs et, de manière générale, faire pleurer les cartographes de désespoir.
WL : Dans les interviews de War Legend, il y a toujours une question étrange et incongrue qui apparaît sauvagement : en fin de compte, c’est quoi le but de survivre si c’est pour finir à manger du sable et faire copain-copain avec des behemoths ?
OL : Je pourrais citer Conan là-dessus. Mais je ne le ferai pas.
Le voyage, comme pour beaucoup d’autres choses dans la vie, constitue la récompense ; finir avec une bonne histoire dont vous vous rappellerez durant des années et que vous raconterez, empreint d’excitation et de nostalgie.
WL : Un mot pour conclure ?
OL : Merci d’avoir pris le temps de cette interview ! On se voit dans les Terres des Exilés !
WL : Merci Oscar et à bientôt !