Il fallait oser. Réécrire l’histoire de l’un des vilains les plus emblématiques du monde et lui trouver un nouvel acteur après Heath Ledger. Non vraiment, il FALLAIT le faire.
Good morning Gotham!
Je suis ravi que DC ait osé. Avec la récente “marvelisation” du géniteur de Batman, il y avait pourtant de quoi être inquiet, mais après les 1e bandes-annonces et les garanties que le Joker aurait le droit à un traitement inédit, ça sentait bon pour le film de Todd Phillips (dont on risque fort d’entendre parler dans les temps à venir).
Joker nous fait plonger dans le quotidien d’Arthur Fleck et relate la descente aux enfers de ce dernier dans une Gotham City plus impitoyable que jamais.
Dès les premiers instants on est charmé, transporté par l’ambiance de Joker, que l’on sent déjà si particulière. Au milieu des gratte-ciels, les couleurs délavées traduisent déjà un quotidien bien triste et morne.
Entre Joaquin Phoenix dans le rôle d’un clown de rue payé à appâter le chaland et, très rapidement, nous est présenté le quotidien féroce d’une personne qui n’y a aucune place, mais pas forcément pour les raisons que vous pourriez imaginer. Je vais m’en tenir la pour ce qui est du pitch pour la partie sans spoil.
Étouffer la flamme
Ce qu’il y a de très intéressant avec Joker, c’est qu’il se concentre sur la personne avant le personnage. Arthur Fleck avant le Joker. “Normal, c’est le plan depuis le départ, t’as pas suivi ou quoi ?” allez-vous me dire. Certes, mais Todd Phillips s’éloigne des stéréotypes pour nous présenter un Arthur Fleck travaillé, inspiré de certains comics de DC et à la personnalité très fouillée.
On comprend véritablement les rouages de celle-ci, alors qu’à la base le Joker n’est pas toujours le vilain le plus crédible de l’Histoire. On l’accepte en tant que personnage de comics. Ici, on l’accepte en tant que personne et (mieux !) on éprouve de l’empathie pour lui.
Car Joker raconte avant tout l’histoire d’une victime. Arthur Fleck n’a pas les germes du mal en lui, c’est bien son environnement qui les plante au plus profond de son âme.
Fleck est ce qu’on pourrait appelé un raté, avec toute la dureté et l’injustice que recouvre ce mot. Ce n’est que sous le regard d’une société que l’on est un raté. Le propos de Joker est éminemment social et nous renvoie à la réalité dans laquelle nous vivons à plusieurs reprises. Bien entendu les traits sont grossis (et encore, pas toujours tant que ça), mais on comprend bien que Phillips veut nous présenter un contexte auquel on peut s’identifier, un contexte aussi crédible que son anti-héros.
Et attiser les Enfers
En plus de la superbe photo, on relève un très gros penchant de Phillips pour le symbolisme, sans que cela soit amené avec des gros sabots.
C’est en fait l’une des choses les plus marquantes pour moi dans Joker : tout est fait avec justesse. Exit le mauvais goût et la lourdeur que l’on retrouve à tous les instants d’un Avengers: Endgame (ce n’est qu’un exemple parmi d’autre, pas besoin de faire un film de super-héros pour sortir les gros sabots, regardez Ad Astra…).
Les plans de caméra sont toujours autant au service de l’anti-héros que de la narration, et le tout est rehaussé par une superbe BO mêlant titres populaires (Frank Sinatra, Gary Glitter, The Guess Who…) et créations par Hildur Guðnadóttir (j’avoue je l’ai copié collé ce nom), musicienne islandaise de talent qui a aussi composé la BO de la mini-série Chernobyl. Les musiques de cette dernière tranchent résolument avec le reste et crient la mélancolie, suintent la douleur, toujours plongées dans un équilibre intemporel.
Bien évidemment, la performance de Joaquin Phoeonix s’insère parfaitement dans ce cadre sombre mais génial. L’acteur rappelle qu’il est l’un des plus grands (pitié matez Walk The Line, et puis toute sa filmographie en fait) en incarnant à merveille un être humain dans sa descente aux Enfers.
Indélébile
Joker a plus de messages à faire passer que ce que l’on pourrait croire de prime abord. Ce n’est pas un banal film relatant la genèse d’un vilain emblématique. C’est aussi une critique de nos sociétés, une chronique du chaos et de ce qui peut en naître. C’est le broyage systématique d’un homme qui ne peut plus croire en la bonté. C’est l’amour, le rejet et la perversion. Tout ça à la fois. Allez voir Joker.