Un rapport de Kotaku fait état de conditions de travail désastreuses chez Naughty Dog, à tel point que le studio aurait du mal à recruter des développeurs expérimentés.
Encore une victoire de Schreier
À quelques mois de la sortie de The Last of Us: Part II, Jason Schreier de Kotaku a révélé des informations préoccupantes concernant les conditions de travail chez Naughty Dog. Le studio a toujours eu la réputation de faire du crunch, mais la situation aurait grandement empiré depuis Uncharted 4: A Thief’s End, qui avait d’ailleurs connu des troubles lors de son développement, à commencer par le départ de la talentueuse Amy Hennig.
Schreier a pu parler avec de nombreux employés et ex-employés du studio, qui ont tous rapporté des heures de travail complètement indécentes. On se rappelle notamment au passage que Bruce Straley, co-director sur The Last of Us et Uncharted 4, avait quitté le studio suite à un burn-out. Toujours selon le papier du journaliste, les conditions de travail auraient poussé la plupart des développeurs expérimentés à quitter Naughty Dog, laissant l’équipe de design de The Last of Us: Part II avec 70% de gens relativement inexpérimentés.
Le crunch serait devenu une véritable politique d’entreprise que les employés se sentent obligés de suivre :
Vous vous sentez obligé de rester plus tard, parce que tout le monde le fait. Si une animation doit être implémentée et que vous n’êtes pas là pour aider l’animateur, vous le bloquez, et il pourrait vous faire sentir coupable. Ça ne sera peut-être même pas dit – ça peut juste être dans un regard. “Mec, tu m’as complètement baisé la nuit dernière en n’étant pas là à 23h.”
L’article mentionne également le report du titre de 3 mois, qui a signifié avant tout plus de crunch extrême pour l’équipe de développement.
Les gens qui pensent que le retard est en quelque sorte fait pour alléger le stress ou la charge de travail sur l’équipe ont tout faux. La première chose qu’ils voulaient repréciser, c’était que nous n’allions pas ralentir la cadence.
La réputation de Naughty Dog se serait à ce point dégradé qu’il lui serait pratiquement impossible de recruter parmi les vétérans de l’industrie, ceux-là qui seraient pourtant le plus à même d’accomplir le travail efficacement et avec la qualité attendue.
Le cooperet tombe
Un ancien animateur du studio, Jonathan Cooper, a expliqué sur Twitter que le studio avait menacé de ne pas lui donner son dernier salaire s’il ne signait pas des papiers dans lesquels il s’engageait à ne pas révéler les pratiques de Naughty Dog. Il a obtenu gain de cause en leur indiquant que c’était plutôt illégal. Il s’est donc exprimé librement sur Twitter suite à la parution de l’article de Schreier.
The reason I left is because I only want to work with the best. That is no longer Naughty Dog. Their reputation for crunch within LA is so bad it was near impossible to hire seasoned contract game animators to close out the project. As such we loaded up on film animators.
— Jonathan Cooper (@GameAnim) March 12, 2020
Pour la démo montrée en septembre dernier, les animateurs gameplay ont crunché plus que jamais et ont eu besoin de plusieurs semaines pour s’en remettre après coup. L’un de mes bons amis a été hospitalisé à ce moment en raison de la surcharge de travail. Il devait encore tirer 6 mois. Il y en a eu d’autres depuis.
La raison pour laquelle j’ai démissionné, c’est parce que je veux travailler seulement avec les meilleurs. Ce n’est plus Naughty Dog. Sa réputation pour le crunch à Los Angeles est si mauvaise qu’il lui a été presque impossible d’embaucher des game animators d’expérience pour boucler le projet. Alors on a engagé des film animators.
Cooper explique que bien que talentueux, ces gens n’ont pas les compétences techniques nécessaires à l’univers du jeu vidéo. Enfin, l’animateur va plus loin en affirmant que ce sont les délais de production qui sauvent les jeux Naughty Dog, et non le talent des développeurs.
Bien que talentueux, leurs succès est dû en grande partie aux poches profondes de Sony qui financent les délais plus que sur le talent seul. Une équipe plus expérimentée aurait sorti TLOU2 il y a 1 an.
De son côté, Neil Druckmann, director sur The Last of Us: Part II et bientôt embarqué dans un projet de série The Last of Us avec HBO, s’est exprimé sur Twitter. Bien qu’il ne mentionne pas directement ni Kotaku, ni Jonathan Cooper, il semble évident qu’il s’agisse d’une réponse au pétard qui vient de lui exploser au nez :
Even after years of working on it, I’m still blown away by the animation in Part II. We have one of — if not the — best animation team in the industry — both in raw animation skill and technical knowledge. Can’t wait for you to experience their incredible work.
— Neil Druckmann (@Neil_Druckmann) March 13, 2020
Même après des années à travailler dessus, je suis toujours époustouflé par l’animation de Part II. Nous avons l’une des meilleures – sinon la meilleure – équipes d’animation dans l’industrie – autant en termes de compétences d’animation pures qu’en connaissances techniques. Je suis impatient que vous puissiez voir leur travail incroyable.
C’est mignon de brosser les gens dans le sens du poil Neil, mais on attend surtout des faits et des réactions concrètes dans l’organisation du travail du studio.