Hatred vient de trouver sa date de sortie officielle: c’est donc à compter du 1er juin que vous pourrez poser les pattes sur le tout premier jeu classé Adults Only dans la librairie Steam. Cette classification n’est pas sans raison, puisque Hatred est aussi le premier jeu dont le massacre d’innocents constitue l’objectif principal. Vous incarnez en effet un tueur de masse, dont la haine envers le genre humain est, vous vous en doutez sûrement, particulièrement viscérale. A cette annonce, on a vu fleurir des articles ça et là sur divers sites d’information vidéoludique, plus ou moins réprobateurs voire même vipérins. Comme dirait mémé, toute cette histoire fait jaser et on en vient à se demander si tout cela n’irait pas un peu trop loin, en remettant au passage en cause des valeurs défendues de longue date par la communauté vidéoludique et ses journalistes.
De l’importance de savoir discerner les frontières
A la racine du problème, il y a bien entendu l’objectif du jeu, mais également le fait que certains des développeurs du studio polonais Destructive Creation flirteraient avec les milieux néo-nazis. Je suis bien d’accord pour dire que ce genre de parti infect devrait avoir disparu depuis bien longtemps et que leurs idées nauséabondes ne sont, au mieux, que fiente dans le déversoir de l’obscurantisme et de la bêtise humaine la plus primaire, mais doit-on détester la musique de Wagner sous prétexte qu’il était profondément antisémite et qu’Hitler l’écoutait en boucle, parsemant même ses oratoires de celle-ci? Je vous donne la réponse: ce n’est pas le cas. Des tas de gens écoutent Wagner, ce n’est pas pour autant qu’ils souhaitent l’anéantissement du peuple d’Israël. H.P. Lovecraft était certainement le raciste le plus éminent de Providence mais, étant moi-même fervent lecteur de l’auteur de science-fiction et de nouvelles fantastiques le plus influent du siècle, je puis vous assurer que la seule chose qui m’intéresse est la qualité de ses histoires et de son écriture, comme des millions d’autres lecteurs. Ainsi, même si les idéaux des développeurs de Hatred, qui au passage n’ont jamais été totalement avérés, sont, au mieux, regrettables, au pire, lamentables, cela ne signifie pas que Hatred est un jeu plus détestable pour cette raison. Le PDG de Destructive Creations s’est d’ailleurs fendu d’un communiqué en octobre dernier pour dire que les accusations de néo-nazisme envers ses développeurs et lui-même sont “fucking ridiculous”. Je me garderai bien de prendre une telle déclaration pour argent comptant, un voleur ne va pas clamer devant le juge et aux yeux du monde qu’il est bien responsable du braquage d’une douzaine de banques, mais il faut être en mesure de faire de même pour les rumeurs, qui peuvent tout à fait avoir été créées de toute pièce par des gens détestant particulièrement le concept du jeu ou par un bouche à oreille mal interprété. Au final, si on veut détester quelque chose, autant le faire pour les bonnes raisons, et j’y reviendrai.
Une hypocrisie plutôt voyante
Comprenez-moi bien: on peut détester Hatred pour son concept, mais je ne vois pas pourquoi il bénéficierait d’un traitement de faveur d’un niveau Bashing Menu Maxi Best Of. Pourquoi boycotter ce jeu-ci plutôt qu’un autre? Personne ne se rappelle de Postal, qui avait fait une polémique monstrueuse à l’époque et qui avait pourtant été défendu corps et âme par sa communauté sous prétexte que ce n’était qu’un jeu? Postal était fun, n’en déplaise aux détracteurs, et est resté dans les annales. Pour information, le but dans ce jeu était exactement le même, seule la charte graphique était moins sombre. Et la série GTA, alors? Qui d’ailleurs est encore parfois source de houleux débats puisqu’elle permet de dézinguer civils et innocents à tout va. Alors on va me répondre que l’objectif principal de GTA n’est pas de flinguer ces citoyens lambdas. Et alors? On peut quand même le faire, non? J’ai d’ailleurs moi-même passé des heures à parcourir les rues de GTA V à dégommer tous les passants qui croisaient mon champ de vision avec une mitraillette. Les développeurs ont pris le parti depuis longtemps d’offrir cette possibilité, et les joueurs s’en sont toujours réjoui, certains optant pour l’option “écraser des piétons avec sa voiture”. Dans GTA V, justement, on a d’ailleurs des missions prévues spécialement à cet effet, et oui! On vous propose d’assassiner le plus de rednecks, hipsters et autres en un temps donné. En quoi cela est-il différent de Hatred? Le fait que tuer des civils ne soit pas l’objectif principal n’empêche pas qu’il s’agit tout de même d’un principe fondamental et typique de la série GTA, qui a d’ailleurs été blâmée pour ça, mais que tout le monde défend acharnément. On a à faire à une hypocrisie presque palpable que l’on veut enrober du politiquement correct en se trompant malheureusement de combat.
Une légitimation des fausses assertions de la presse de masse
Car en mettant ces valeurs en avant, en qualifiant Hatred de jeu “immonde”, inspirant le “dégoût” et en confondant créateur et création, de tels articles légitiment les discours de la presse de masse visant à associer jeu-vidéo violent et violence réelle. Souvenez-vous, à peine l’abject Anders Breivik avait commis l’horreur, qu’on nous apprenait qu’il était joueur de Call of Duty et qu’il s’entraînait à tirer sur ce jeu. Sérieusement? C’est systématiquement la même rengaine mais heureusement, à chaque fois qu’une telle ineptie refait surface, des journalistes consciencieux se défendent d’une association aussi ridicule et parviennent peu à peu à faire évoluer les mentalités. Appeler au boycott de Hatred pour les raisons invoquées, c’est induire que l’idée selon laquelle le jeu-vidéo amène à devenir un meurtrier est bel et bien fondée. Ce jeu est peut-être malsain, mais il n’est certainement pas le premier et un tel “traitement de faveur” frise le ridicule, tant on rabâche depuis des années le fameux “ce n’est qu’un jeu”. Oui, ce n’est qu’un jeu, comme tous les autres, et des mesures ont déjà été prises pour qu’il tombe exclusivement dans les mains d’un public averti. Adults Only, en tant que classification, ne l’autorise même pas à être présent sur les étals des magasins, il faut le demander spécifiquement au vendeur. Le véritable problème ici, c’est sa parution sur Steam qui ne peut vérifier réellement l’âge des acheteurs et, vu la teneur du jeu, c’est clairement un problème. De là à dire qu’un malade mental sanguinaire a besoin d’un jeu pour passer à l’acte, il n’y a qu’un pas que certains s’empressent de franchir mais qui pourtant n’a même pas lieu d’exister.
Extension du domaine de la haine
En résumé, Hatred est peut-être un jeu minable, détestable ou même lamentable, mais il ne l’est pas davantage qu’un Postal ou un GTA! Arrêtons deux secondes cette hypocrisie latente qui était jusque-là le fait des mass médias. Si Hatred doit être détesté, que ça soit pour ses attributs de jeu qui ne sont effectivement pas très prometteurs. Il n’y a aucune histoire (et c’est sans doute mieux comme ça) et la répétitivité et l’ennui vont donc très certainement pointer le bout de leur nez assez rapidement. Il n’y aura apparemment pas de multijoueur non-plus, de quoi relativiser la durée de vie d’un tel titre. Voila pour l’instant les spéculations que l’on peut faire sur le jeu. Ce n’est pas la première fois qu’on nous demande de tuer à la chaîne dans un jeu vidéo, mais tous les Call of Duty, les GTA, les Red Dead Revolver, les Unreal (j’en passe et des meilleurs) ET les Hatred resteront ce qu’ils sont: des jeux-vidéo. Certains feraient mieux de ne pas oublier que détester le meurtre (comme 99,9% de la population terrienne, à peu près) n’empêche pas d’aimer des jeux qui en font leur sujet, sans quoi ils vont vite se retrouver à vider une grande partie de leur ludothèque.
esperons juste que ca va pas donner de mauvaises idées à des gens là où les armes sont en vente libre
Quelqu’un qui veut tuer des gens va tuer des gens, jeux-vidéos ou non. Alors ça marche peut-être au tribunal de blâmer les jeux-vidéos, mais ça a été prouvé que ça n’a aucune incidence. Et c’est vrai que si on se met a bannir toute violence gratuite, on peut supprimer un tas de jeux…
un tueur n’a pas besoin d’un jeu pour tuer une personne, bientôt il vont bannir aussi mortal kombat pour le fatality :D