On savait déjà qu’Activision souhaitait manipuler insidieusement les joueurs, ça ne sera une surprise que pour peu de monde, mais EA désire emprunter la même voie, toujours dans l’objectif de vous faire dépenser davantage en jeu. Un brevet déposé aux États-Unis fait état d’un algorithme de matchmaking pouvant être utilisé à ce dessin.
EA et Activision sont dans un bateau yacht paquebot de croisière vaisseau spatial en or muni de sièges en cuir de loutre
Le futur du jeu vidéo est là, et il pue de la gueule. Le YouTuber YongYea a mis au jour un document déposé par EA auprès du US Patent & Trademark Office (Bureau Américain des Brevets et des Marques Déposées). Intitulé Engagement Optimised Matchmaking (Matchmaking Optimisé pour l’Engagement) ou EOMM pour les intimes, ce brevet paraît à première vue inoffensif. À première vue, de loin, dans le noir et avec un état oculaire proche de la cécité.
L’EOMM est censé relever des informations sur vous lorsque vous jouez à un jeu EA en ligne (cela pourrait être, disons au hasard, Star Wars Battlefront II) afin d’établir un profil – votre niveau, la façon dont vous jouez, dans quelle situation, etc. Le principe de base est, dans le fond, le même que pour l’algorithme d’Activision : admettons que vous vous fassiez latter la tronche à la chaîne, le système aura tendance à préférer vous placer contre des adversaires moins forts. Équilibrage fever, donc… ?
Electro-nique Arts
À priori, tout cela semble honnête, pas vrai ? C’est bien l’objectif d’un matchmaking que d’équilibrer les parties. Oui mais voilà, il suffit de jeter un œil à la synthèse de recherche de l’équipe en charge de la création de l’EOMM pour qu’on comprenne qu’EA risque fort de nous demander de ramasser notre savonnette dans les douches. Voyez plutôt ce que renferme la conclusion du précieux document :
Dans le cadre de l’EOMM, […] nous pouvons même changer la fonction objective en faveur d’autres indicateurs de jeu centraux tels que le temps de jeu, la rétention ou les dépenses. L’EOMM permet d’adopter facilement différents types de modèles prédictifs pour parvenir à l’optimisation.
Il s’agit là d’une façon light de propulser exactement le même principe qu’Activision. Car si EA peut le faire, n’ayez aucun doute qu’il le fera. Activision a beau affirmer que sa technologie n’a pas encore été mise en place, soyez bien certain.es que ça ne va pas durer. On ne développe pas des technologies sans raison, surtout pas quand ça coûte.
Les parties équitables, c’est so yesterday
Pour étayer ce propos, voici ce que dit le résumé de l’EOMM publié sur l’ACM Digital Library :
Les systèmes de matchmaking actuels dépendent d’une seule et unique stratégie centrale : toujours créer des parties équilibrées. Ces systèmes apparient des joueurs aux niveaux similaires suivant l’hypothèse qu’une partie équilibrée constitue la meilleure expérience de jeu. Nous allons cependant démontrer que cette supposition intuitive échoue parfois et que le matchmaking basé sur l’équilibre n’est pas optimal pour l’engagement.
On remarque bien ici la distinction entre “meilleure expérience de jeu” et “engagement”. Par engagement, comprenez la propension du joueur à ne pas quitter le jeu. Le but ici n’est donc pas de vous fournir la meilleure expérience possible mais bien de tout faire pour que vous gardiez le titre allumé, ce qui constitue une visée sensiblement différente.
En gros, ce qu’on vous dit là, c’est que les parties équilibrées, c’est bien beau mais ça ne scotche pas assez les joueurs devant leur PC/Console.
Utilisant les données d’un “jeu PvP populaire réalisé par EA“, les développeurs de l’algorithme rangent les résultats de séries de trois parties en fonction des risques de décrochage du joueur. Ainsi, si un joueur a aligné trois défaites, il a 5,1% de chance de mettre les voiles, tandis qu’après deux défaites et une victoire, ce chiffre passe à 2,7%.
Si vous ne jouez pas, vous n’achetez pas, et ça EA l’a bien compris
Ainsi, insidieusement (car bien entendu tout cela se passerait sans que vous en soyez notifié), l’EOMM prévoit de rompre l’équitable pour viser la complaisance et orienter vos parties. Si vous avez remporté trois victoires, vous avez 3,7% de chance de quitter le jeu. Vous avez remarqué ? Ce chiffre est plus élevé que le combo deux défaites suivies d’une victoire !
Vous croyiez que ça ne marchait que dans un sens ? Pas du tout ! On ne vise pas ici la “meilleure expérience de jeu“, rappelez-vous. Le but est de vous faire rester, mieux vaut donc orienter le matchmaking pour que vous vous mangiez deux défaites cuisantes avant de complètement changer la donne pour assurer une victoire éclatante. L’envie de continuer à jouer est alors plus forte que jamais, les joueurs de PUBG sauront de quoi je parle ici.
Et bien entendu, comme précisé plus haut, “l’EOMM permet d’adopter facilement différents types de modèles prédictifs pour parvenir à l’optimisation“, d’autant qu’il est précisé dans la synthèse de recherche que les différents paramètres sont aisément modifiables à l’unité ! En gros, on peut supposer sans trop prendre de risque que, comme pour Activision, il devrait être envisageable d’orienter les parties pour provoquer sciemment l’envie chez le joueur d’acheter l’équipement d’un joueur particulièrement fort en mettant ce dernier dans sa partie… et avec toutes les données récoltées, croyez-bien que c’est très facile.
Voici donc venir un univers vidéoludique dans lequel les algorithmes ne visent plus le confort du joueur mais bien le confort financier des éditeurs.
Premier rappel : lorsque vous achetez un jeu, vous êtes en droit d’attendre qu’il vous amuse, qu’il soit paramétré dans cette perspective et non pour qu’un algorithme vienne interférer directement avec votre expérience de jeu pour provoquer la frustration (qui encourage la main à attraper le portefeuille). Second rappel : nous avons de très sérieux doutes quant aux motivations des gros éditeurs à vouloir imposer la suprématie des microtransactions (ceci est un euphémisme).
Merci de partager ce genre de sujet, plutôt scandaleux :)
J’espère qu’il va y avoir des réactions de la part de toutes les commus!