Que feriez-vous échoué sur une île déserte ? Sans eau, sans vivres et sans technologie moderne ? Bon, vous vous organiseriez sûrement pour combler vos manques primaires et espérer survivre le temps que les secours arrivent. Et sur une planète déserte ? Sûrement la même chose.
L’alien, c’est vous
Sorti en 2018, Surviving Mars ne s’est pas vraiment révélé être le jeu de gestion de colonie ultime, mais il a tout de même su exploiter jusqu’au bout sa meilleure mécanique de jeu : la logistique. Voir ses entrepôts se remplir de matériaux, ressources et merdier en tout genre est particulièrement satisfaisant, surtout quand tout est utilisé, classé et tout bien rangé comme il le faut. De quoi donner un peu d’illusion de contrôle dans notre vie morose et chaotique.
Il n’est donc pas étonnant que Haemimont Games veuille réitérer l’expérience avec un autre jeu de gestion de colonie, mais s’il est toujours question de débarquer sur une autre planète, cette fois, ce n’est plus vraiment volontaire. Le studio bulgare souhaite de nouveau exploiter ce qu’il sait faire de mieux – la gestion de ressources nombreuses et variées – mais s’inspire également de la concurrence pour proposer quelque chose de plus intimiste et profond.
Vous voilà à la tête de 4 naufragés de l’espace qui viennent de se crasher sur une planète inconnue. Après une petite crise de larme à l’idée d’être coincé ici pour toujours, il est temps de se mettre au boulot et de s’organiser. Ce n’est pas une allégorie pour poser un contexte, mais une réalité : s’il faut penser à l’intégrité physique de vos survivants, il faut également songer à préserver leur santé mentale.
L’enthousiasme des premiers jours permettra de tenir un temps, mais sans signes de progression régulières, vos survivants commenceront à déprimer doucement, jusqu’à l’inévitable “mental breakdown” qui peut se manifester de bien des manières… et rarement des bonnes. C’est là qu’on ressent tout de suite l’influence d’un certain Rimworld, qui apporte une certaine couche d’imprévisibilité au comportement des survivants, dont l’emploi du temps et les priorités peuvent être pourtant réglés comme du papier à musique.
Si l’idée part pourtant d’une bonne intention avec des exemples qui ont déjà fait leur preuves, les mécaniques liées à l’humeur manquent clairement de profondeur pour l’instant, avec des conséquences négatives qui n’ont plus aucun impact la minute suivante. Un des survivants fait une crise de boulimie ? Bon, ce n’est pas trois plats en moins qui mettent la base en péril. Un autre décharge sa rage sur les panneaux solaires ? Il les réparera dès que la crise sera passée, il n’y a pas mort d’homme.
Avec le confort lié au développement de la base qui s’améliore, les baisses d’humeur sont de moins en moins fréquentes, jusqu’au point où l’on peut presque décider d’ignorer complètement cette mécanique, même au niveau de difficulté normal. Ayant mal anticipé l’hiver, mes survivants ont passé toute la saison pied nus et torse-poil, alors qu’ils avaient de la neige jusqu’aux genous. Les batailles de boules et la confection de bonhommes de neige me font dire que cela ne les dérangeaient pas trop, tant qu’ils mangent bien et dorment à proximité d’une chaleur confortable.
Malgré une trentaine de survivants uniques que l’on peut choisir avant le début de la partie en fonction de leurs compétences, talents spéciaux et même relations, ces différences ont finalement peu d’impact sur leur long terme, avec des liens sociaux créent à la volée qui n’ont pas beaucoup de sens. On repassera donc pour l’aspect organique des caractères de chacun, où la narration par le gameplay tant attendu ne décolle jamais vraiment. Et c’est peut-être le plus grand crime de Stranded: Alien Dawn.
Thermodynamie
C’est un peu le problème récurrent du titre d’Haemimont Games : pour chaque idée chouette qui permet de se sentir impliqué dans le bien être des survivants et qui donne envie de s’appliquer, il y a un potentiel qui n’est pas exploité jusqu’au bout. On suppose aisément que cela peut se corriger au fil de l’accès anticipé, mais on fait rapidement le contenu que le jeu a à proposer, parce que les parties sont finalement terriblement prévisibles.
Cela s’explique pourtant par des notes positives : les survivants sont suffisamment débrouillards pour se répartir les tâches de façon assez efficace grâce à un planning d’activités et de priorités vraiment bien fichu, et il y a une vraie satisfaction à les voir s’activer pour faire évoluer le camp qui se transforme peu à peu en véritable base permanente. Mais les aléas et autres événements aléatoires sont vraiment trop rares et peu impactantes pour que cela ait une vraie influence sur l’orientation de la progression.
Entre deux tambouilles et sessions de récolte, les survivants peuvent faire des recherches et observer les nombreux éléments qui les entoure, allongeant davantage la liste des nombreux matériaux utilisables. Il faut quelques heures pour comprendre l’intérêt de chaque élément et la façon de les exploiter au mieux, mais l’interface fait un boulot fantastique pour arriver à inculquer les subtilités et rappeler les liens entre différents objets et ressources que l’on aurait pu rater.
Mais là encore, on sent qu’il manque un je-ne-sais-quoi pour combler la boucle : Stranded souhaite simuler énormément de choses, comme le raffinement des matières premières en ressources de meilleures qualité via de multiple procédures à maîtriser. Mais parfois, on s’étonne que certaines technologies pourtant bien pratiques requièrent si peu de ressources à transformer. Je veux dire, d’où sort le verre utilisé sur cette fenêtre à l’encadrure en alliage métallique ?
De la même manière, si les survivants donnent énormément d’importance à la qualité de leur nourriture et de leur habitat, jusqu’à particulièrement apprécier la possibilité d’avoir des chambres individuelles et des loisirs, il n’y a aucune gestion de l’eau à déplorer… ce qui est pourtant le premier truc à laquelle on peut s’attendre dans un jeu de survie qui se veut un minimum vraisemblable, même dans le cadre de l’agriculture. C’est peut-être prévu à postériori, mais une fois qu’on s’en rend compte, le manque de dilemme dans la priorité des tâches fait vite sens.
C’est vraiment dommage, parce qu’une fois de plus, arriver à anticiper les divers stocks de ressources comme la nourriture en fonction de leur consommation régulière est un processus agréable à maîtriser. Cela passe aussi par l’aspect simulation de Stranded, comme la nourriture qui peut être réfrigéré ou congelé en fonction de la météo, en les mettant tout simplement dans une réserve à l’extérieur.
Ainsi débarque tout un système de simulation de la température plutôt bien fichu qui prend en compte la qualité de l’isolation thermique des constructions, avec tout un système d’éléments qui permettent de contrôler les échanges thermiques entre les différentes pièces et l’extérieur, d’une ventilation bien placée à une simple fenêtre ouverte. Si vous voulez convaincre le gouvernement d’accélérer les rénovations thermiques des habitats français pour faire des économies d’énergie, faites-lui jouer à Stranded: Alien Dawn.
La chaleur permet bien entendu d’apporter une dose de confort supplémentaire aux survivants, mais sa gestion peut devenir parfois tendu pour pas grand-chose, obligeant à micro-manager les radiateurs, fenêtres et gardes-robes de vêtements chauds plus qu’on ne l’aurait voulu. C’est un système très intéressant sur le papier, mais les survivants sont finalement assez tolérant de nature. Comme dit plus haut, les voir crapahuter à poil dans la neige ne les dérange pas plus que ça, alors que l’anticipation de l’hiver est présenté comme un élément central de Stranded.
De fait, on s’amuse davantage à concevoir sa base en fonction de ses goûts pour l’ordre, plutôt que de façon réellement optimisée.
Zerg rush
Et par dessus tout ça, Haemimont s’est dit qu’il serait cool d’ajouter un système de hordes qui attaquent la base de façon régulière. Il faut donc penser la configuration de son camp en fonction des productions, mais aussi en fonction de ses défenses.
Si on peut s’amuser à poser des pièges, tourelles, projecteurs ou des tours de guets, le système de combat se révèle finalement assez basique, surtout qu’il y a mille et une façon d’abuser l’IA des ennemis pour les emmener exactement où l’on souhaite. Bien sûr, vous n’aurez pas forcément toutes les ressources nécessaires pour couvrir tous les flancs, mais dès qu’on entre en phase tactique, on se retrouve à faire du hit’n’run comme sur Starcraf, à attirer les aliens dans des pièges grossiers qui assurent très souvent une victoire totale.
Certes, des recherches en armement sont encouragés pour faciliter les phases de défense afin que les conséquences n’épuisent pas vos réservent de soins (Les survivants blessés mettent beaucoup de temps à récupérer), mais ces assauts ne rythment pas autant la partie qu’elles devraient. Il aurait peut-être été plus intéressant de préparer des schémas de défense à l’avance et de laisser les survivants se débrouiller. Mais bon, peut-être que j’en attendais trop du côté de la narration par le gameplay…
Mais le truc le plus probant que révèle la faune locale qui vous attaque, c’est de voir à quel point le titre peut se montrer visuellement et artistiquement fade. Je veux dire, en dehors de quelques plantes et champignons un peu chelous, l’environnement de cette planète inconnue semble terriblement familier, à commencer par de vastes plaines et des bosquets tout ce qu’il y a de plus terrien, quoi.
C’est surtout avec les créatures hostiles que le bât blesse : ce sont de vulgaires insectes géants, points barre. Difficile de se sentir réellement dépaysé quand le camp se fait attaquer par des scarabées, des mantes religieuses, des scorpions ou autres coléoptères.
Et il en va de même pour tout le reste du titre, à commencer par la base elle-même, dont les éléments atteignent visuellement une qualité industrielle bien trop rapidement, et ce même avec des technologies considérées comme basiques. Certes, on ressent mécaniquement que tous les outils qui servent à la survie des naufragés a été faites à la main, mais visuellement, on se croirait dans des maisons témoins Domexpo.
Certes, il est possible de récupérer des plans et autres technologies avancées en explorant les débris qui ont été répartis lors du crash, mais certaines réalisation ne sont tout simplement pas vraisemblables pour un titre qui se veut être une simulation de survie poussée. J’assume un point de vue purement subjectif de ce côté-ci, mais c’est difficile de s’immerger dans un contexte finalement assez propre.
Bienvenue chez les Robison
Malgré une gestion engageante de la logistique et de l’emploi du temps des survivants, ainsi qu’un aspect simulation assez poussée sur certains points, Stranded: Alien Dawn a encore beaucoup à prouver lors de son accès anticipé. Le caractère des survivants a finalement peu d’impact sur le déroulé de ce séjour impromptu sur une planète pas si étrangère, desservie par une direction artistique plus que convenue. Tout est terriblement prévisible et les aléas ne suffisent pas à rythmer correctement les parties qui se ressemblent bien trop. De nouvelles mécaniques et de nouveaux biomes pourraient faire l’affaire, mais c’est peut-être trop tôt pour crier victoire.
Ce qu’on a aimé :
- Interface à la fois poussée et didactique
- Système logistique profond
- Campement modulaire à souhait
- Simulation de la température intéressante…
- Fondation technique solide (peu de bugs)
Ce qu’on n’a pas aimé :
- Pour le dépaysement, c’est un peu raté
- Phases de défense sans saveur
- Influence du caractère et de l’humeur des personnages minime
- Celle des aléas aussi
- … mais qui requiert un peu trop de micro-management
Ce jeu est fait pour vous si :
La notion de survie passe avant tout par une bonne organisation
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
Vous aimez la narration par le gameplay
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Configuration de test :
- GPU : NVIDIA RTX 2080 Ti
- CPU : Intel Core i9-9900k
- RAM : 32 Go DDR4
- Installé sur SSD
L’accès anticipé de Stranded: Alien Dawn est disponible sur PC (en anglais uniquement)