La bêta fermée de Valorant a déjà une semaine et un gameplay bien solide, à défaut d’être vraiment original. Pourtant, il se pourrait que le jeu de Riot puisse marcher sur les plats de bande de son illustre modèle.
Bunny et Hop
Riot Games compte bien justifier le “S” dans son nom et a annoncé une multitude de nouveaux jeux à venir lors de la célébration du 10e anniversaire de League of Legends. Si la majorité était basée sur l’univers de Runeterra, un des softs sortait du lot : Project A. Désormais appelé Valorant avec une sortie bien plus proche qu’on pouvait le penser, les premières images faisait penser à un clone de Counter-Strike avec des mécaniques de Hero Shooter. Ne nous voilons pas la face, c’est exactement ça.
Avec 1000h de Counter-Strike: Global Offensive au compteur (et une adolescence à fragger à la kqlqsh), je pense que j’étais de taille à me frotter au FPS de Riot Games. Après une bonne trentaine de parties au compteur dans cette bêta fermée, le verdict est sans appel : Valorant est presque une copie carbone du FPS de Valve. Après quelques rapides réglages, la mémoire musculaire prend le pas et certains réflexes interviennent naturellement : sortir son couteau pour courir, gestion du spray pattern, contre-strafe avant de tirer, marcher pour ne pas faire de bruit, énormément d’éléments du core gameplay sont très proches de CS:GO (quand elle ne sont pas identiques).
Des viseurs ont été ajoutés aux armes pour les joueurs qui ne seraient pas habitués au gameplay si particulier de Counter-Strike, mais leur utilisation ne servira que de support de confort à défaut d’apporter un avantage quelconque. Et cette volonté de s’assouplir le gameplay sans pitié de CS, on le retrouve un peu partout, avec de vraies bonnes idées : l’armure se contente de donner des points de vie en plus (plutôt qu’un calcul de réduction de dégâts obscure), le placement en début de round permet d’accélérer les parties, la gestion de l’économie a été simplifiée avec la possibilité de revoir son équipement à la volée et agir sur la bombe le Spike (armer/désamorcer) se fait sur la même touche.
Le verdict est sans appel : Valorant est presque une copie carbone du FPS de Valve.
Pour aller plus loin, de nombreuses aides plus subtiles permettent aux joueurs novices d’avoir un meilleur game sense, avec une minicarte très réactive, notamment sur la position des adversaires aperçus dans le champ de vision des coéquipiers. Même sans micro, il est possible de partager des infos utiles avec une roue de communication bien foutue (mais perfectible). On peut tout de même s’étonner de personnes déjà bien énervées, car les insultes sont déjà légion. “Boys will be boys”, comme on dit.
Round Eco+
Là où le jeu me perd un peu, c’est sur son arsenal. Les armes les plus populaires sont directement importées de CS:GO avec des doppelgängers de la M4A1 (la Phantom), de l’AK-47 (la Vandal) ou le redouté AWP (l’Operator). Ainsi, Valorant se traîne l’un des défauts du jeu de Valve : la majorité des armes ne servent quasiment jamais. De même, histoire de respecter le statut-quo, la Vandal et la Phantom coûtent exactement le même prix et ne sont pas réservées à un camp en particulier.
Pour moi, le succès insolent de Counter-Strike depuis sa bêta fin des années 90 est un heureux accident. Un alignement des planètes qui s’est fait sur le tas jusqu’au résultat qu’on connaît aujourd’hui, et le tout repose sur un équilibre très précaire, un peu comme si on avait joué à pile ou face pour que la pièce finisse par se reposer sur sa tranche. Valve s’est cassé les dents plus d’une fois sur l’équilibrage de son jeu et la moindre variation ou ajout peut tout faire s’effondrer.
De ce fait, vouloir lisser/simplifier un gameplay aussi précis pourrait avoir un effet néfaste sur le long terme. Le TTK est très très court et le tag (le ralentissement après avoir été touché) est très prononcé. Si un adversaire vous voit le premier, vous êtes mort à coup sûr sans presque aucun moyen de réagir. C’est la philosophie de Counter-Strike après tout, la tactique avant tout le reste, mais quand même. J’ai peur que cette volonté de rendre le frag facile soit pensée pour le spectacle (il y a Esport écrit partout dans le code source du jeu) avant l’intérêt du gameplay en lui-même. Il faudra sûrement encore pas mal de parties pour avoir un verdict définitif là-dessus.
Le gunplay est presque aussi agréable que celui de CS:GO, mais je ne sais pas. Il manque un truc.
Attention, le gunplay est presque aussi agréable que celui de CS:GO, mais je ne sais pas. Il manque un truc. Les armes ont du punch et le recul se ressent (avec une animation pour symboliser la direction du spray pattern), mais ça manque cruellement de personnalité alors que CS fait beaucoup avec très peu (le côté copie carbone n’aide pas). Heureusement, le titre brille sur d’autres aspects, et les bons.
Agent Shooter
Après qu’Overwatch ait repris la formule du FPS par équipe à objectif (pensez Team Fortress) en remplaçant les classes par des héros au caractère bien trempé et aux capacités ultraspécialisées, l’objectif de Riot avec Valorant est de faire de même avec un truc aussi immuable que Counter-Strike. Idée qui a fait grincer des dents au premier abord, je suis finalement agréablement surpris par l’intégration de composants liés Hero Shooter et comprends la confiance qu’a Riot dans son FPS expérimental.
Au lieu de recourir à des capacités à cooldown, les joueurs doivent acheter en plus de leurs armes des charges pour leurs capacités (qu’on pourrait plus assimiler à des gadgets). On peut sans problème les comparer aux équipements secondaires de Counter-Strike comme la grenade, la fumigène ou les GSS, bien qu’on se rapproche finalement plus d’un R6: Siege
La plupart de ces capacités proposent des effets comparables, avec des variations parfois assez subtiles d’un personnage à l’autre. Deux agents peuvent avoir la possibilité de déployer un fumigène, mais jamais de la même façon, avec chacun leur avantage et inconvénient.
Aller à la pêche aux informations, bloquer les lignes de vues ou gêner la progression de l’ennemi sont des actions qui reçoivent alors une profondeur surprenante, et la quantité limitée d’équipement par round évite que les joueurs en abusent pendant toute sa durée. Le plus intéressant c’est que leur utilisation demande parfois pas mal de doigté, comme la possibilité de courber leur trajectoire avec la souris ou bien jouer avec un ou deux rebonds sur les murs. À l’instar des armes et du wallbang, certaines capacités tirent même parti de la géométrie de l’environnement.
Les joueurs doivent acheter en plus de leurs armes des charges pour leurs capacités.
Grâce au fait qu’une partie soit découpée en rounds, mon principal reproche à Overwatch vis-à-vis de ses ultimes qui peuvent retourner une game n’a plus cours. Les pouvoirs ultimes de Valorant peuvent parfois faire la différence (quand bien utilisés), mais prennent du temps à se charger. La bonne idée de Riot pour dynamiser leur utilisation aura été l’introduction d’objectifs secondaires en terrain “neutre” qui offrent une charge au joueur qui s’en empare. Quoi qu’il arrive, il est impossible d’utiliser un ultime tous les rounds et une équipe a intérêt à les utiliser avec parcimonie pour ne pas se retrouver à sec à un moment d’opportunité.
Naturellement, les premières parties sont un peu chaotiques, le temps que tout le monde comprenne qui fait quoi et comment, mais on se prend rapidement au jeu et on assimile assez aisément le rôle de chacun afin de mieux jouer avec et comment contrer les capacités d’en face. Je vois cependant mal l’intérêt de capacités de soins, cependant, étant donné qu’on meurt beaucoup trop vite… mais soit.
Grâce au fait qu’une partie soit découpée en rounds, mon principal reproche à Overwatch vis-à-vis de ses ultimes qui peuvent retourner une game n’a plus cours. Les pouvoirs ultimes de Valorant peuvent parfois faire la différence (quand bien utilisés), mais prennent du temps à se charger. La bonne idée de Riot pour dynamiser leur utilisation aura été l’introduction d’objectifs secondaires en terrain “neutre” qui offrent une charge au joueur qui s’en empare. Quoi qu’il arrive, il est impossible d’utiliser un ultime tous les rounds et une équipe a intérêt à les utiliser avec parcimonie pour ne pas se retrouver à sec à un moment d’opportunité.
PeekaBOOM
Naturellement, les premières parties sont un peu chaotiques, le temps que tout le monde comprenne qui fait quoi et comment, mais on se prend rapidement au jeu et on assimile assez aisément le rôle de chacun afin de mieux jouer avec et comment contrer les capacités d’en face. Je vois cependant mal l’intérêt de capacités de soins, étant donné qu’on meurt beaucoup trop vite… mais soit.
La plupart de ces capacités proposent des effets communs, avec des variations assez subtiles d’un personnage à l’autre.
Bien sûr, les stars d’un jeu comme CS:GO et Valorant, ce sont les maps. Pour l’instant, les trois cartes disponibles sont d’excellente facture, bien qu’un brin complexes et rappellent énormément les architectures de la concurrence (jusqu’aux ambiances). Il y a beaucoup de cachettes et d’angles assez traîtres, sans parler du fait que deux d’entre elles possèdent TROIS sites bombes. La blague “go C” n’a donc plus raison d’être. Avec des outils d’entraînement déjà assez pratiques, les équipes compétitives ont déjà de quoi faire pour élaborer des stratégies intéressantes.
Et le netcode, alors ?
Riot Games n’avait pas menti quand il disait vouloir mettre les petits plats dans les grands à propos de l’aspect technique de Valorant. En une semaine de jeu, je n’ai connu aucun problème de latence ou autre lié à la connexion. Avec ma fibre VIDÉOFUTUR (ça existe), mon ping était compris entre 10 et 15ms, sans dégradation notable. D’ailleurs, le tickrate 128 se ressent (bien qu’invérifiable à l’heure actuelle). Je n’ai jamais senti de frustration liée au Peaker Advantage que je peux avoir parfois sur CS:GO, ce qui est vraiment un excellent point (au-delà de mon temps de réaction qui se dégrade au fur et à mesure que j’approche la trentaine).
Malgré le nombre de demandes qui fausse complètement les statistiques Twitch (seule manière d’intégrer la bêta pour l’instant), l’architecture du jeu tient le coup. Riot peut remercier son expérience réseau et ses nombreux points de présence grâce au succès populaire de LOL au fil des années.
Pour ce qui est de la lutte contre la triche, Riot annonce avoir déjà banni ses premiers tricheurs, mais se dit prêt à faire face à toutes les éventualités et garde ses armes secrètes sous le coude. On se rend compte en jeu que le Fog of War client fonctionne (en jouant avec les cadavres qui dépassent des murs), mais cette sécurité se joue au prix d’un programme lancé au démarrage du PC apparemment insidieux et intrusif (sans pour autant pouvoir parler de malware). À voir si la réponse de Riot Games sera satisfaisante à cet égard.
Je n’ai pas oublié de parler de l’éléphant dans la pièce : OUI, le jeu est cheum, les animations ont un côté très vif pas toujours agréable (tiré du style League of Legends qui se transpose mal à la première personne) et la direction artistique est globalement très quelconque (sans parler des agents au look de danseurs de K-pop). Attention, le talent artistique de Riot se voit, mais ne se ressent pas. Le parti pris a été de rendre le jeu le plus lisible possible avec l’aspect compétitif pensé avant toute chose, mais j’ai le même problème qu’avec Shootmania de Nadeo : à trop vouloir faire universel, le jeu manque de peu d’avoir une âme. Il semblerait que Riot cherche encore un directeur artistique pour apporter une meilleure cohérence artistique et visuelle à l’ensemble, et j’espère que ça s’améliorera à terme.
Bien sûr, Valorant sera Free-to-Play et Riot Games comptera sur des skins ou autres pour rentabiliser son bousin. 5 agents sont offerts aux nouveaux joueurs et ces derniers pourront en débloquer deux autres assez rapidement avec la possibilité de les choisir. Seulement, pour jouer ceux qui restent, il faudra farmer sec, car les contrats (à activer au préalable) sont assez longs à remplir. Comptez 10€ pour acheter directement un agent.
À trop vouloir faire universel, le jeu manque de peu d’avoir une âme.
Les armes auront également le droit à leurs propres skins, mais il sont pour l’instant à l’image de la direction artistique du jeu : c’est toujours cheum. Ajoutez à ça des pendentifs osef, et vous avez un modèle économique assez classique (oui, je déteste le cosmétique). Une des deux monnaies premium du jeu fait mention d’un Battle Pass, mais aucune trace pour l’instant.
Rush C
Difficile de savoir à quel point Valorant saura vampiriser la playerbase de Counter-Strike: Global Offensive, voire celle d’Overwatch (vu le turnover récent dans la scène Esport), mais on est forcé de constater que le mélange de personnages à capacités avec le gameplay tactique sans pitié de CS fonctionne plutôt bien. Cependant, son manque flagrant de personnalité risque de lui jouer des tours, en plus d’autres aspects qui ont du mal à rivaliser avec la précision chirurgicale du FPS de Valve (malgré une technique de haute-couture). Toutefois, cette bêta fermée est bel et bien une ébauche de quelque chose de bien plus grand qui pourrait tout à fait cohabiter avec CS:GO, chacun ayant finalement des subtilités assez différentes. Chacun voit midi à sa double-porte.
Ce qu’on a aimé :
- Un gunplay qui procure (presque) les même sensations qu’un CS
- Des moyens intéressants de lisser les lourdeurs de son modèle
- Des cartes complexes mais intéressantes
- Des capacités qui apportent beaucoup à la tactique
- Des ultimes très utiles, mais pas abusés
- Un netcode a priori exemplaire
- Les agents sont débloqués au fil du gameplay
Ce qu’on n’a pas aimé :
- “C’est très CS”™
- Une direction artistique digne d’un F2P chinois
- On n’utilise que 4 armes de l’arsenal (comme CS)
- On ne peut pas répliquer la plupart du temps
Ce jeu est fait pour vous si :
- Vous aimez Counter-Strike, les FPS compétitifs et avez envie de tester autre chose
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
- Vous avez une visée d’huître et aucune patience
Configuration de test :
- GPU : NVIDIA RTX 2080 Ti
- CPU : Intel Core i9-9900k
- RAM : 32 Go DDR4
- Installé sur SSD
Valorant est disponible sur PC dans le cadre d’une bêta fermée.