D’après les lois européennes, c’est illégal
Quand l’Europe sanctionne les entreprises qui violent des lois antitrust, elle le fait savoir, même si cela concerne exclusivement le marché du jeu vidéo sur PC. En effet, la Commission européenne a publié le compte rendu (en français) d’une longue enquête qui visent 5 éditeurs en association avec Valve (Steam), tous ayant écopé d’une amende dont le total atteint les 7,8 millions d’euros. Quand même.
En effet, Bandai Namco, Capcom, Focus Home Interactive, Koch Media, ZeniMax (Bethesda) ont été reconnus coupables d’avoir collaboré avec Steam pour empêcher l’activation d’une clé d’un état européen à un autre.
La Commission a constaté qu’en convenant bilatéralement de pratiquer le blocage géographique de certains jeux vidéo sur PC en dehors d’un territoire spécifique, Valve et chacun des éditeurs ont cloisonné le marché de l’EEE en violation des règles de l’UE en matière de pratiques anticoncurrentielles.
Cette pratique n’a plus court aujourd’hui, mais de septembre 2010 et octobre 2015, les clés de licence achetées en Tchéquie, Pologne, Hongrie, Roumanie, Slovaquie, Estonie, Lettonie et Lituanie destinées à être soumises sur Steam n’ont pas pu quitter leur pays respectif.
Dans ce contexte, le geo-blocking est un moyen pour les éditeurs de contrer le marché gris de revente de clés, où les revendeurs profitent de la disparité des niveaux de vie en Europe centrale/de l’Est pour acquérir des stocks de licence à bas coût.
Cependant, bloquer l’utilisation d’un bien également acquis au sein de l’Union européenne reste une pratique illégale qui peut toucher négativement les consommateurs européens, comme l’explique Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence. Eh oui, c’est sérieux :
Plus de 50 % des Européens âgés de 6 à 64 ans jouent à des jeux vidéo. L’industrie européenne des jeux vidéo a le vent en poupe et pèse actuellement plus de 17 milliards d’euros. Les sanctions adoptées aujourd’hui contre les pratiques de «blocage géographique» de Valve et de cinq éditeurs de jeux vidéo sur PC rappellent qu’en vertu du droit de la concurrence de l’UE, il est interdit aux entreprises de restreindre contractuellement les ventes transfrontières. De telles pratiques privent les consommateurs européens des avantages du marché unique numérique de l’UE et de la possibilité de comparer les prix afin de trouver l’offre qui leur convient le mieux dans l’UE.
Si Steam a arrêté de geo-bloquer les clés au sein de l’UE en 2015, Bandai, Focus Home, Koch Media et ZeniMax sont également coupables d’avoir continué cette pratique avec d’autres plateformes de téléchargements de mars 2007 à novembre 2018. Ceci explique également leur amende particulièrement salée.
Durant l’enquête, la Commission a reconnu que les différentes entreprises ont pleinement coopéré sur le montage du dossier. De ce fait, les différents éditeurs ont profité d’une ristourne sur leurs amendes qui peuvent aller jusqu’à 2,88 millions d’euros dans le cas Focus Home. Capcom aurait été particulièrement conciliant et s’en tire avec 15% de réduc’.
De son côté, Valve a été condamné à verser une amende de 1,6 million d’euros et ne bénéficie pas de réduction pour coopération.
Valve a choisi de ne pas coopérer avec la Commission. Cette dernière a donc adopté une décision d’interdiction contre Valve dans le cadre de la procédure ordinaire en matière de pratiques anticoncurrentielles et lui a infligé une amende totale de € 1 624 000 euros.
Toutefois, Valve réfute ce verdict et indique chez PC Gamer avoir pleinement coopéré avec les chargés d’enquête, sans parler du fait que Steam de ne profite pas particulièrement de la pratique du geo-bloking :
- Au cours de l’enquête de 7 ans, Valve a largement coopéré avec la Commission européenne («CE»), fournissant des preuves et des informations comme demandé. Cependant, Valve a refusé d’admettre avoir enfreint la loi, comme le demandaient les CE. Valve n’est pas d’accord avec les conclusions des CE et l’amende infligée à Valve.
- Les charges de la CE ne concernent pas la vente de jeux PC sur Steam — le service de jeux PC de Valve. Au lieu de cela, la CE allègue que Valve a activé le blocage géographique en fournissant des clés d’activation Steam et — à la demande des éditeurs — en verrouillant ces clés sur des territoires particuliers au sein de l'[Espace Economique Européen]. Ces clés permettent à un client d’activer et de jouer à un jeu sur Steam lorsque l’utilisateur l’a acheté auprès d’un revendeur tiers. Valve fournit des clés d’activation Steam gratuitement et ne reçoit aucune part du prix d’achat lorsqu’un jeu est vendu par des revendeurs tiers (tels qu’un détaillant ou une autre boutique en ligne).
- Les verrous régionaux ne s’appliquaient qu’à un petit nombre de titres de jeu. Environ 3% seulement de tous les jeux utilisant Steam (et aucun des propres jeux de Valve) à l’époque étaient soumis aux verrous régionaux contestés dans l’EEE. Valve estime que l’extension de la responsabilité de la CE à un fournisseur de plateforme dans ces circonstances n’est pas prise en charge par la loi applicable. Néanmoins, en raison des préoccupations de la CE, Valve a bien désactivé les verrous régionaux dans l’EEE à partir de 2015, à moins que ces verrous régionaux ne soient nécessaires pour des exigences légales locales (telles que les lois allemandes sur le contenu) ou des limites géographiques sur les lieux où le partenaire Steam est autorisé à distribuer un jeu.
Considérant que l’affaire est plus complexe qu’il n’y paraît et avec une sanction a priori bien lourde, Valve compte bien faire appel.