La semaine dernière, GOG a annoncé vouloir permettre aux consommateurs de se faire rembourser leurs jeux, sans condition et sous 30 jours. Les développeurs l’ont assez mal pris.
Mais tu préviens pas toi aussi, là
Jeudi dernier, GOG a annoncé une nouveauté sur sa plateforme de vente qui va totalement dans le sens du consommateur, renforçant l’idée que cette alternative dématérialisée à quand même beaucoup de bon fond. Il est désormais possible de se faire rembourser un jeu sous 30 jours, que vous y ai joué, ou pas. Le souci, c’est que les développeurs n’étaient pas du tout au courant de ces changements dans la CGU.
Et comme le rapporte Eurogamer, cela inquiète pas mal de petits studios indépendants qui compte sur la bienveillance des consommateurs de GOG pour rentrer dans leurs frais. Déjà que proposer un titre dépourvu de DRM est considéré comme un saut de l’ange dans un milieu où le piratage sévit, mais si les joueurs peuvent abuser du système pour jouer à l’œil, cela peut créer des soucis sans précédent.
Developers (at least most of us) are never consulted when Steam or GOG make fundamental changes to their services. They sell OUR games. They make money from OUR games. Why do we not get a say in how OUR games are sold? https://t.co/wWF4OLEKEV
— Ragnar Tørnquist (@ragso) February 27, 2020
Mike Rose (No More Robots) : Mon avis sur la nouvelle politique de remboursement est que GOG n’a pas averti les développeurs avant de l’appliquer. C’est vraiment merdique, que vous pensiez que c’est une bonne idée ou non.
Ragnar Tørnquist (Red Thread Games) : Les développeurs (au moins la plupart d’entre nous) ne sont jamais consultés lorsque Steam ou GOG apportent des modifications fondamentales à leurs services. Ils vendent NOS jeux. Ils font de l’argent avec NOS jeux. Pourquoi n’avons-nous pas notre mot à dire sur la façon dont NOS jeux sont vendus?
C’était en effet mon interrogation lorsque j’ai traité le sujet la semaine dernière. En cas de remboursement, qui paye ? GOG ou le développeur ? Et bien il semblerait que j’ai ma réponse. Dans l’ensemble, les développeurs sont tout de même d’accord qu’un jeu soit remboursé dans le cas qu’il ne fonctionne pas ou en cas d’erreur d’achat,
Cela peut engendrer énormément de problèmes en cascade. Quelqu’un peut télécharger un jeu, se le faire rembourser et garder l’exécutable, ni vu ni connu. De plus, ce dernier peut le faire tourner à ses potes ou sur une plateforme de téléchargement illégale. Le crime parfait, quoi. Et encore, si quelqu’un termine un jeu sous 30 jours (c’est long), il serait bien tenté de se faire rembourser, même sans arrière-pensée.
Interrogé par Eurogamer, Tørnquist est le profil typique du développeur contre lequel cette nouvelle politique peut avoir des effets désastreux. Il ne cache pas sa crainte :
Je ne sais pas quel sera l’impact de cette politique. Cela pourrait ne pas avoir un impact tangible sur notre entreprise, bien que nous créons les types de jeux qui sont les plus touchés par les politiques de remboursement : de courts jeux solo qui peuvent être terminés en quelques jours, et une fois qu’ils sont terminés, il n’y a pas vraiment de raison d’y revenir.
Lorsque Steam a modifié sa politique de retour, nous avons constaté une énorme augmentation des remboursements : jusqu’à trois fois ce que nous avons vu auparavant. C’est quelque chose que nous devons intégrer à nos budgets, et nos budgets sont serrés tels quels. Cela rend le tout encore pire.
Il ne fait aucun doute que cette politique affecte plus les petits studios que les plus grands. Nos marges sont très serrées. Nous créons des jeux qui peuvent être terminés plus rapidement. Nous n’avons pas la richesse du contenu qui maintient les joueurs engagés pendant des mois comme le dernier jeu à la Assassin’s Creeds. Si vous avez joué à Draugen, notre dernier jeu, et l’avez terminé en quelques soirées, et que vous avez eu l’impression que le jeu était un peu court ou que vous n’aimiez pas la fin, qu’est-ce qui vous empêche de simplement demander un remboursement ?
Si les marchés s’ouvrent pour cela, sans poser de questions, cela peut profiter aux consommateurs, mais cela ne profite pas aux gens qui font des jeux pour gagner leur vie.
Bien sûr, GOG a affirmé lors de ce changement de politique que des systèmes anti-abus sont mis en place, mais il pourrait y avoir beaucoup d’abus avant qu’un fraudeur récidiviste soit épinglé (comme pour Amazon), et il existe sûrement plein de moyens de contourner le système.
Le contrat de confiance
Si GOG a une si bonne image, c’est grâce à sa politique qui va dans le sens du client à 100%, avec sa maxime FCK DRM en fer-de-lance. Même si les failles du système poussent à tous les vices, d’autres développeurs ne voient pas vraiment le mal qu’il y a là-dedans. Pire, ces derniers sont même optimistes. C’est le cas de David Szymanski, le one man dev derrière le (génial) retro-shooter DUSK :
Surprisingly that didn't end up being the case. The refund rates for my games have remained pretty low. I think actually The Moon Sliver has a lower refund rate than Dusk, which is kind of insane.
— David Szymanski (@DUSKdev) February 26, 2020
Lorsque Steam a institué sa politique de remboursement il y a quelques années, j’étais vraiment paniqué, car toutes mes sorties étaient des walking simulators centrés sur la narration qui pouvaient facilement être terminés en moins de 2 heures. J’ai supposé que la plupart des gens joueraient simplement aux jeux, puis les rembourseraient.
Étonnamment, cela n’a pas été le cas. Les taux de remboursement de mes jeux sont restés assez bas. Je pense qu’en fait, The Moon Sliver a un taux de remboursement inférieur à DUSK, ce qui est un peu fou.
La chose que j’ai observée depuis, c’est que beaucoup de joueurs veulent vraiment soutenir les jeux et les créateurs qu’ils aiment, même si l’option de tromper le système est disponible, ou même s’ils ont DÉJÀ triché le système via le piratage.
En dehors de [l’industrie] AAA, nous fonctionnons tous en faisant confiance à la bonne volonté et à l’honnêteté. Ce qui choque le plus, c’est que cela semble fonctionner la plupart du temps.
Et vous ? Vous seriez tenté d’abuser le système ou bien récompenser l’effort de guerre des développeurs est un acte important citoyen important ? Perso, je suis dans le deuxième cas.