Interview – Le manager CS: GO des EnVyUs répond à nos questions
Figure emblématique de la structure EnVyUs, Jordan “Next” Savelli a accepté de nous accorder une interview. L’occasion pour nous d’en apprendre davantage sur le métier de manager qui reste encore méconnu du grand public aujourd’hui. Cette interview va également nous permettre d’avoir le ressenti de Jordan sur les changements considérables que la scène française vient de subir.
Un métier nécessitant une grande polyvalence
- Bonjour Jordan ! Peux-tu dans un premier temps te présenter et nous exposer le parcours qui t’a emmené jusqu’ici ?
Bonjour ! Je suis Jordan « Next » Savelli, Manager de Team ENVYUS CSGO, précédemment Manager depuis quelques années et sur plusieurs jeux (majoritairement CS) notamment chez 3DMAX, Crystal Serv, imG, Antec… Parcours assez classique, j’ai commencé joueur puis je me suis rendu compte que je préférais la gestion humaine à la partie « jeu » et j’ai donc très vite pris cette voie. Malgré le chemin long et compliqué j’ai été « récompensé » en rejoignant, il y a deux ans, ENVYUS.
- La gestion hors-game des équipes Counter Strike reste assez méconnue de la plupart des spectateurs/joueurs, notamment le poste de manager dont nous en savons peu sur les tâches qui incombent à celui-ci. Peux-tu nous en dire plus sur ton rôle ?
Le manager actuellement est l’homme à tout faire de l’équipe. En effet, il est le responsable logistique (voyage, hôtels, etc.), le psychologue, le communicant, le négociateur, le média planner, l’encyclopédie des joueurs ; et même des fois il devient le grand frère ou le Papa… Cette question est toujours assez incomplète, en vérité on pourrait faire une interview juste là-dessus. Mais ce qu’il faut retenir c’est qu’un manager, c’est celui qui fait tout ce que personne ne voit, mais sans lui rien ne se passe. C’est un peu ce qu’est le vent pour un voilier.
- Peux-tu nous décrire le déroulement d’une journée type du manager d’EnVyUs ?
La journée type hors tournoi est assez complète, prêt à bosser à 9h, petit café (très important), je traite les mails reçus dans la nuit venant des US. Ça prend déjà pas mal de temps, ensuite je fais une petite todo liste pour les joueurs, je reste toujours avec les réseaux sociaux en background, très important d’avoir une veille constante. Ensuite je traite les mails que j’ai reçus entre temps d’Europe et vers 12h je fais un point sur le planning et sur les axes de travail du jour avec le Coach.
Autour de 13h on lance la journée de Practice (je ne suis pas toujours là pour le lancement). Ensuite je pars du côté de la boite postale, récupère le courrier, le traite. Je fais la comptabilité pour les sociétés des joueurs et la mienne. Puis plus ou moins 2/3 jours par semaine je passe à la banque / comptable / avocat. Après ça j’essaye de venir pour la fin des practices. Petit débrief. Et en général la partie US se réveille et donc je dois continuer à traiter cette partie là.
La journée se finit vers 23h quand c’est calme. Mais les joueurs m’écrivent à n’importe quelle heure. Ils savent que je suis présent pour eux.
- Peux-tu nous expliquer si tu es souvent amené à te déplacer aux États-Unis, même sans l’équipe, pour des tâches que tu dois réaliser conjointement avec la structure ? Est-il complexe de trouver un bon équilibre entre vie professionnelle, soutien des joueurs, et vie familiale ?
Effectivement, je vais être de plus en plus amené à me déplacer aux États-Unis sans les joueurs, l’explication est simple : l’eSport devient de plus en plus pro, donc qui dit pro dit plus de boulot à réaliser avec la structure, la réalisation des contrats, les nouvelles collections des maillots, la rencontre de certains sponsors / investisseurs. Et puis Envy c’est une grande famille, donc il est important de garder des liens avec le staff selon moi. La partie la plus complexe du boulot est là, vous l’aurez compris.
L’équilibre parfait n’existe pas, et il est impossible à mettre en place seul pour ma part. Je suis quelqu’un doté d’un amour du travail, et d’une conscience professionnelle très forte, donc la partie familiale en pâtit. J’ai de la chance d’avoir une famille, copine et amis qui savent prendre du recul et qui comprennent que mon travail fait partie intégrante de ma vie et me soutiennent. Même si parfois c’est compliqué, je pense que mon équilibre est presque parfait.
Le soutien des joueurs ne rentre pas dans la même case pour moi. J’ai eu la chance d’avoir des joueurs tous différents et qui m’ont donc permis d’apprendre à appréhender des situations totalement différentes chaque jour. Le soutien des joueurs est très dur à avoir, et d’autant plus à garder… Même si on se tue à la tâche…
- Bien évidemment, nous allons parler des récents changements sur la scène française qui ont eu un impact considérable. Peux-tu nous exprimer ton ressenti global sur la situation ?
Je pense que l’impact est effectivement considérable, maintenant je pense qu’il faut qu’on se focalise sur la bonne partie de ces mouvements, tout ce qui a été fait pour moi fait maintenant partie du passé. Des joueurs ont voulu faire une équipe monstrueuse, une équipe qui est faite pour gagner de grands titres, ils vont y arriver. De l’autre côté une line up moins impressionnante sur le papier, du moins plus discrète, mais qui ne compte pas juste rester là à se tourner les pouces et qui mise sur des valeurs humaines. Il y a de la place pour tous, 2017 est devant nous, et tout le monde attend beaucoup de la scène française CS.
- À la base “xms” et “devoduvek” rejoignent le rang de l’équipe EnVyUs accompagnés de joueurs déjà connus sur la scène internationale : “Happy”, “SIXER” et “RpK”. Puis, “Scream” est supposé pick-up durant quelques games en raison de l’indisponibilité de certains. Finalement il signe un contrat chez EnVyUs et devient joueur à part entière de l’équipe (alors que “devoduvek” devient remplaçant). Peux-tu nous donner de plus amples détails sur ce processus ? Peux-tu également nous préciser le rôle de “devoduvek” au sein de la structure ?
Malheureusement je vais être assez succinct sur le sujet, effectivement devoduvek et xms devaient faire partie de l’aventure, mais ScreaM a dépanné et pris du plaisir à jouer avec nous. Il a donc fallu faire un choix, et croyez moi que même si sur le papier le choix est facile, il l’est beaucoup moins quand vous venez d’annoncer à un jeune joueur talentueux : « tu vas jouer avec Envy » et que 3 jours après tu lui dis « en fait non… ». Mais devoduvek est un bon joueur, humainement et ingame, et même si je pense que ça lui a fait mal, il l’a compris. Actuellement devoduvek est notre 6e joueur, mais vous en saurez plus dans les semaines à venir. Notre but n’est pas de lui couper les ailes, bien au contraire.
- Dans de précédentes interview, tu as souvent évoqué un certain manque de réflexion et recul lors du choix de “DEVIL” (à l’époque), penses-tu que ces erreurs de l’époque ont permis aujourd’hui de réaliser de meilleurs choix pour cette nouvelle line up ?
Le cas DEVIL, nous a beaucoup appris (m’a beaucoup appris) sur la manière de faire des choix, bien évidemment que sur le nouveau line up ça nous a aidé. On a prit le temps avec Vincent et Damien de regarder des démos, de bien regarder les rôles et les habitudes de certains joueurs, et c’est pour ça que devoduvek et xms sont ressortis comme les valeurs parfaites, au bon rôle. Nous n’étions pas vraiment pressés par le temps et pour le coup, on a vraiment utilisé le temps à notre avantage !
- En tant que manager, il est vrai que tu disposes d’une proximité indéniable avec les joueurs. De ce fait, comment vis-tu ce changement d’équipe et donc de joueurs ?
Ce changement a été assez brutal pour moi, parce que je me suis séparé du joueur qui m’a tendu la main et qui m’a fait venir chez Envy, qui a cru en moi. Mais après c’est le jeu aussi, je savais que ça allait arriver un jour. Mais d’un autre côté j’ai rapidement été enthousiaste de connaître de nouveaux joueurs, de me cultiver un peu plus avec des personnes et des caractères encore complètement différents de ce que j’avais pu connaître précédemment ! Je l’ai pas trop mal vécu dans l’ensemble et une fois de plus, j’ai vite essayé de me focaliser sur le futur !
- En ce qui concerne les joueurs, peux-tu nous en dire plus sur leur état d’esprit actuel ? Est-ce qu’il existe une certaine animosité entre les deux line up françaises? On a pu voir du “taunt” bon enfant sur le twitter d’EnVyUs, mais qu’en est-il réellement entre les joueurs ?
En réalité, je pense qu’aussi bizarre que cela puisse vous sembler, de notre côté, je ne sens pas d’animosité ou de haine de mes joueurs envers G2, je me trompe peut-être. L’état d’esprit est au travail, à l’envie de se prouver à nous même qu’on est capable de faire partie des meilleures équipes, pas juste de se le dire. On est tous dans le bon « mood », excités, motivés et plein de bonne volonté. J’ai beaucoup aimé le tweet, c’est le jeu, il faut pas le prendre mal et plutôt rentrer dans le délire.
Superteam they said. RIP EnVyUs they said. GGEZPZ LEMON SQUEAZY.
35 for @G2ScreaM pic.twitter.com/lB95BV5IY1
— Envy (@Envy) February 9, 2017
- Quels sont les objectifs de l’équipe pour cette année ?
Les objectifs, gagner, peu importe quoi, mais gagner et devenir une équipe du top 10 minimum. L’objectif supérieur est de s’ancrer dans un top 5 monde, mais actuellement les places sont chères ! La route est longue, mais on a le temps !
- Tu as déjà évoqué le fait que la gaming house (sur Nice) avait été un échec total en raison de multiples éléments. En revanche, tu avais émis une possibilité qui pour toi était “parfaite” : il s’agirait d’une grande ville où les joueurs auraient tous leurs appartements et se retrouveraient pour les pracc dans des locaux appropriés. Est-ce que ce projet est d’actualité ?
En effet, la Gaming house n’est pas appropriée à notre rythme de déplacement. Le projet Bureau + appartements tous dans la même ville est toujours d’actualité, mais va mettre du temps à se mettre en place, et en réalité ce n’est pas encore la priorité absolue. On le garde en objectif en vue du développement d’ENVYUS, et de CS en France, mais ne vous attendez pas à voir cela dans les 6 mois prochains.
- Dans de nombreux Vlogs réalisés par les joueurs, ou reportages, nous voyons que le sport prend une place de plus en plus importante dans l’entrainement des joueurs. Est-ce que c’est réellement le cas et est-ce que cela devient une composante importante pour leur forger un mental d’acier ?
Selon moi le sport est très important dans l’eSport et encore plus pour un jeu comme CS, où tes nerfs sont mis à rude épreuve, tu as besoin d’extérioriser, de te défouler physiquement. Après ce n’est pas encore une constante. En 2016 chez ENVY, personne n’allait au sport, sauf les 3 derniers mois en gros. Et seulement 2 joueurs max. Ce n’est pas encore dans la culture des joueurs de faire du sport (en général) mais je suis sûr que cela va devenir quelque chose de préconisé.
- Quel est ton meilleur souvenir en tant que manager ?
En réalité j’en ai beaucoup, je suis assez heureux d’être où je suis, mais je vais en donner trois…
- ESWC 2014, victoire avec 3DMAX.fe, à ce moment là, l’ESWC c’est le Graal de la scène féminine !
- Gfinity Champion of Champions 2015, après deux long BO5 contre VP et Fnatic, la victoire avait un goût particulier,
- Mon premier MAJOR, DH CLUJ 2015, juste la consécration, vraiment la sensation est juste… Indescriptible !
- Nous avons une tradition dans nos interviews : caler une question absurde. Doit-on boire ou subir la pression ?
La pression, ne JAMAIS la subir ! On doit la boire bien évidemment ! (avec modération, si on la trouve).
- Pour conclure, ton mot de la fin ?
Un long mot de la fin, merci WarLegend pour cette interview. UN IMMENSE MERCI à toutes les personnes qui nous soutiennent quoi qu’il arrive ! Merci à nos sponsors et à ENVYUS de nous soutenir pour une nouvelle aventure. Petite dédicace à AllStaff : ma petite famille eSport/gamer/blagueur/september. Et bien sûr, ma devise : #NeverGiveUp
Un grand merci à Jordan pour cette interview. Cela nous a permis d’en apprendre davantage sur le métier de manager. Un rôle qui est souvent dans l’ombre des joueurs mais qui a pourtant un impact inestimable. Comme “Shox” le rappelle souvent (et très justement), le terme de “super team” n’est qu’une étiquette donnée par la presse ou les spectateurs. En pratique, les joueurs ont seulement opté pour des solutions leur permettant de réaliser les meilleures performances possibles. Vous pouvez suivre Jordan “Next” Savelli sur Twitter si vous souhaitez rester informés des actualités concernant l’équipe.
Sympa cette petite interview :)
J’espère pour eux qu’ils vont réussir leur objectif top10… Y’a largement la place pour eux :)
Très intéressant, ty pour cette itw !