Nathalie Lawhead, une développeuse indépendante, explique dans un long billet sur son blog que le célèbre compositeur Jeremy Soule l’aurait violé il y a 10 ans.
Pas d’intertitre rigolo, désolé
Tuez vos idoles comme on dit.
Hier, la créatrice de jeux indépendants Nathalie Lawhead a posté un très long billet sur son blog où elle explique qu’elle aurait été violée il y plus de 10 ans. L’agresseur ne serait nul autre que Jeremy Soule, le compositeur connu pour avoir accouché des thèmes marquants de The Elder Scrolls, Guild Wars 2 ou bien Star Wars: KOTOR.
Lawhead a fait la connaissance de Soule en travaillant sur un jeu en réalité alternée dont le studio basé à Vancouver en 2008 (les divers noms ont été gardés secrets). Ils ont fini par devenir amis, mais Soule était aussi très pote avec le PDG du studio.
À cette époque, Lawhead était dans une situation précaire et cette dernière explique le contexte avec beaucoup de précision :
J’ai désespérément besoin de ce travail. Il me fallait la note sur le CV, les opportunités ; tout me semblait incroyable. Ce travail devait être “ma grande percée”.
Jeremy le savait et connaissait la situation dans laquelle je me trouvais, et il a profité de sa position pour faire ce qu’il m’a fait.
En effet, Soule aurait profité de sa relation avec le PDG de sa boîte pour garder Lawhead sous contrôle, en l’assommant de travail (elle a fait deux burn-outs) et en mettant son visa canadien en péril.
J’avais peur de perdre mon travail et il savait à quel point j’étais désespéré parce que je lui avais dit que je ne savais pas ce que je ferais si cela ne fonctionnait pas. Je ne voulais pas compromettre ce travail, alors j’avais peur de le rejeter et j’ai essayé de garder une amitié. Au fil du temps, il devenait de plus en plus misogyne et sexiste.
Il m’a fait des avances et j’ai expliqué que je ne le voulais pas et que je voulais une simple amitié. Il était très menaçant et n’a pas écouté. Il a précisé que c’était “lui ou dégage”.
Il m’a violée.
Le passage le plus perturbant sera sûrement le moment où Lawhead explique que Soule a besoin de ce genre de relations pour être inspiré et créer. Vous n’écouterez plus le thème de Skyrim de la même manière :
Il a parlé de la manière dont la composition est quelque chose de sexuel, avec le sexe comme source d’inspiration pour sa musique. Il a expliqué à quel point jouer de la musique est très sexuel. Il a écrit des chansons sur les femmes avec lesquelles il avait des relations de cette manière.
Ce qu’il fait aux femmes, c’est ce qui inspire sa musique.
Depuis, Jeremy Soule n’a émis aucun commentaire ni même donné aucun signe de vie. Ses différents réseaux sociaux (comme Twitter) ont même été fermés par ce dernier.
D’autres membres de l’industrie ont commencé à prendre la parole à propos du compositeur, appuyant le témoignage de Lawhead. Certains ont côtoyé Soule et affirment qu’il se comportait souvent de manière très déplacée avec les femmes.
La chanteuse Aeralie Brighton qui a prêté sa voix dans Ori & The Blind Forest a partagé son expérience sur sa page Facebook :
J’aimerais pouvoir dire que je plaisante, mais j’ai personnellement été la proie de Jeremy Soule également en 2014. Je suis soulagée qu’il ne soit pas allé aussi loin avec moi, mais cela doit être rendu public afin que les autres puissent en être informé.es. aussi. Merci pour votre courage Nathalie.
Je voudrais préciser que je n’ai pas été violée physiquement, mais que j’ai été harcelée sexuellement et molestée à la fois émotionnellement et professionnellement.
D’autres compositeurs de renom ont même relayé le message de Nathalie, comme Jason Graves ou Neal Accree. Le milieu des compositeurs de jeu vidéo étant assez fermé, il n’est pas impossible que ces messieurs relaient le message en connaissant un peu le personnage.
Pas sûr que Soule soit à nouveau engagé pour composer la bande-son du prochain The Elder Scrolls. De toute façon, Bethesda ne l’avait pas recontacté.
Vers un #MeToo du jeu vidéo ?
Comme souvent, ce genre de témoignage donne assez de courage à d’autres victimes pour prendre la parole, comme la développeuse indé Zoë Quinn, connue pour avoir été victime d’un lynchage médiatique injustifié qui a conduit au fameux Gamegate de 2014.
2/2 pic.twitter.com/cbNLd84PSG
— zoë “the filth element” quinn (@UnburntWitch) August 27, 2019
Je suis restée silencieuse à ce sujet pendant presque toute ma carrière et je ne peux plus le faire. Désolé si cela est décousu et désordonné, j’ai peur de pointer du doigt une telle légende du secteur, mais je ne peux plus vivre avec le secret.
En effet, Quinn accuse Alec Holowka, le créateur de Night in the Woods, d’agression sexuelle et de violence physique envers elle. À l’époque, ils vivaient dans une coloc’ de développeurs indés réunis sous le même toit, mais Holowka a fini par abuser d’elle en contrôlant ses moindres faits et gestes. La situation a fini par se débloquer, mais elle avait tellement peur de lui qu’elle refusait d’aller à la GDC parce qu’elle savait qu’il y serait.
De la même manière, d’autres acteurs de l’industrie connaissaient son tempérament, mais personne n’osait rien dire. Cependant, Quinn déclare lui pardonner, parce qu’Holowka aurait fait un gros travail sur sa personne.
Rapportés par Numerama, d’autres témoignages commencent à se multiplier sur la toile. De nombreuses femmes issues de l’industrie, déjà souvent minoritaires, sont régulièrement victimes de harcèlement de toutes formes. On parle quand même de grands noms du milieu comme l’un des fondateurs d’Oculus, Michael Antonov.
Bien sûr, il faut qu’il y ait enquête pour qu’un suspect soit condamné coupable, mais la peur prend trop souvent le pas sur le besoin de dénoncer. Porter plainte peut détruire une carrière et une réputation alors que la personne est victime et parfaitement dans son droit.
Comme dirait le grand George Abitbol : “monde de merde”.
> Cependant, Quinn déclare lui pardonner, parce qu’Holowka aurait fait un gros travail sur sa personne.
Dans les tweets liés, Quinn déclare pardonner à Soule, non à Holowka, il me semble.
Sinon très bon article, c’est une bonne chose de voir de genre de sujets recevoir une certaine couverture et pas être planqué sous le tapis comme ça l’a été pendant tellement d’années.
J’approuve. C’est très bien que certaines paroles se libèrent. Il est temps que le JV se débarasse de ses travers misogynes et que le monde du travail dans son ensemble s’assainisse, boudiou !