“C’est fait, on ne peut plus faire demi-tour. Nous avons essayé, et nous avons échoué.” démarre un message bourré d’émotions, d’amertume et de regrets de la part de Wim Wouters, fondateur du studio indépendant Grin, qui entonne ici son chant du cygne alors que la faillite a frappé à la porte suite à une longue période de disette entourant Woolfe : The Red Hood Diaries, l’infortuné projet du studio qui n’a pas su engranger suffisamment d’engouement et surtout d’argent pour continuer l’aventure.
Pourtant, le jeu n’était pas si mal parti puisqu’il a démarré avec 72.000$ sur Kickstarter et avait été renforcé par une early access sur Steam en janvier dernier. C’est malheureusement ce qui a très certainement sonné le glas pour Woolfe : The Red Hood Diaries puisque, sur la plateforme de Valve, les utilisateurs peuvent donner leur avis en attribuant notes et commentaires. Une moyenne en est ensuite tirée pour afficher, directement sur la page du jeu, un avis “général” des joueurs oscillant entre “négatif à une écrasante majorité” et “positif à une écrasante majorité“. Le problème étant que dès qu’on arrive sur une critique globale correspondant au terme “variable“, inscrit en rouge (qui, il faut bien le dire, connote le négatif), on est tout de suite plus méfiant quand il s’agit de passer à la caisse.
Et bien figurez-vous que c’est la même chose pour les investisseurs qui ont ainsi été plus que frileux à l’idée de soutenir le jeu de Grin, ce qui en définitive, associé aux ventes médiocres du titre, à conduit au naufrage du studio indépendant. Il semble tout à fait dommage qu’on en arrive là pour un projet original prenant appui sur une “badassisation” (j’aime les barbarismes) d’un personnage de conte de fées qui n’a pour autant à l’origine aucune prétention de ce côté-là. Étonnamment, une sorte de fascination pour la petite fille imaginaire semble même avoir éclot. Peut-être est-ce dû à la parution du célèbre American McGee’s Alice qui a durablement marqué les esprits.
Ce qui est le plus dommage dans tout cela, c’est que la totalité de l’équipe de Grin “est maintenant au chômage et nous avons fait une demande de mise en faillite, étant incapables de payer des factures faramineuses.” quand le talent et le potentiel étaient manifestes au sein de l’entreprise. Wouters n’a d’autre choix que de proposer la licence Woolfe ainsi que tout le travail réalisé jusqu’ici sur le jeu à la vente pour que quelqu’un puisse poursuivre ce que son studio n’a pas été en mesure d’achever, une décision qu’il prend “le cœur gros“.
Concernant les joueurs ayant supporté le projet sur Kickstarter, une mauvaise nouvelle en plus de celle-ci les attend au tournant puisqu’ils ne verront jamais les récompenses promises, ceci allant jusqu’aux artbooks et DVD du jeu, cela va sans dire. Même si certaines contreparties ont déjà été produites, telles que des stickers et des posters, l’équipe de Woolfe se retrouve dans une telle situation qu’elle n’est même plus en mesure d’avancer l’argent nécessaire procéder à l’envoi de celles-ci : “Nous n’avons littéralement plus d’argent du tout pour payer des timbres, et je ne parle même pas des artbooks et boîtiers DVD.“.
Une situation qui soulève une fois encore la question de la fiabilité du financement Kickstarter mais surtout du retour promis aux joueurs. Cela rappelle, s’il était nécessaire, qu’un financement via cette plateforme est toujours risqué et que le retour promis n’est en aucun cas garanti. Est-ce à dire qu’il faut arrêter de participer à cela? Certainement pas quand on voit l’avènement de projets majeurs tels Pillars of Eternity et Wasteland 2, mais une remise en question de certains aspects est nécessaire afin de protéger le consommateur.
Quant à savoir les raisons pour lesquelles Woolfe n’a pas su attirer le public, le fondateur de Grin en parle en toute sincérité :
D’abord, nous n’arrivions pas à croire que notre bébé n’avait pas plus de succès, influencés par nos émotions, nous avons commencé à chercher des explications indépendantes du jeu. Peut-être que les joueurs étaient simplement des morveux pourris gâtés, enfonçant tout ce qui dépassait, peut-être y avait-il une saturation excessive du marché indépendant, ou peut-être encore était-ce la pléthore de jeux free-to-play par des gros studios qui donnaient aux joueurs à sens erroné de la valeur des choses. Comment est-ce qu’un prix inférieur à 10$ pouvait être cher pour un jeu aussi beau que le nôtre? Comment cela pouvait-il être de notre faute?
Bien entendu, aucune des excuses pensées sous le coup de l’émotion ci-dessus n’est la raison de notre notation “Variable” sur Steam. Nous sommes les seuls responsables.
Une humilité touchante dont nous pouvons tous tirer des leçons.
La totalité du post est très instructive et s’attache à détailler les événements ayant impacté le développement du jeu et, bien sûr, sa funeste conclusion. War Legend manifeste son soutien aux développeurs dans cette période de troubles et leur souhait une résolution de leurs problèmes au plus vite ainsi qu’un nouveau contrat pour chacun d’eux.