Le noyau dur de la pourriture
Plus le temps avance et plus la toxicité de l’environnement de travail de la maison Activision Blizzard se révèle au grand jour. Une enquête réalisée par le très réputé Wall Street Journal montre qu’on a pourtant pas touché le fond du puits de fiel : le patron d’Activision Blizzard lui-même, Bobby Kotick, était apparemment au courant de faits de harcèlement sexuel et de viol et aurait sciemment choisi de les ignorer. Pire, il aurait couvert les auteurs des faits en s’assurant qu’ils conservent leurs postes.
Depuis quelque temps, Activision Blizzard fait face à de lourdes accusations qui lui valent plusieurs procès. Le premier, intenté par l’État de Californie, concerne justement des faits de harcèlement sexuel, mais aussi de discrimination, tandis que le second vient directement des investisseurs, qui reprochent à Activision Blizzard de leur avoir caché ces éléments déterminants. En plus de cela, la société fait l’objet d’une enquête par la Securities and Exchange Commission (SEC), l’organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers.
Cette nouvelle fait l’effet d’une bombe, notamment en raison des affaires qui secouent déjà la plus grosse entreprise de l’industrie du jeu vidéo, mais aussi car elle implique directement l’homme à sa tête, dont on peut sans problème affirmer qu’il est quelqu’un de particulièrement puissant et influent.
L’enquête du Wall Street Journal montre que Kotick était au courant de faits de harcèlement, de harcèlement sexuel et de discrimination au sein de l’entreprise. Le patron d’Activision Blizzard a choisi de protéger les auteurs des faits, parfois en cachant carrément les délits au comité de direction. Le journal affirme que les documents internes de l’entreprise le prouvent, tout autant que des entretiens réalisés avec d’anciens employés.
Kotick aurait menacé de mort une femme le poursuivant en justice pour agression sexuelle
Concernant les faits connus de Kotick, des exemples précis sont donnés. Le premier concerne une employée de Sledgehammer Games (l’un des studios derrière Call of Duty) qui a déclaré avoir été violée par un supérieur en 2016. Une autre affaire a été rapportée l’année suivante, un harcèlement sexuel cette fois-ci. Dans les 2 cas, l’accusé est le même : Javier Panameno.
Vous voulez savoir ce qu’a fait Kotick ? Il a tenu sa langue. Le comité de direction n’a pas été mis au courant et Panameno a pu rester tranquillement en poste jusqu’à ce que la menace d’une action en justice ne se fasse trop concrète. Les choses ont alors été réglées en dehors d’une cours de justice, probablement par un règlement à l’amiable.
L’homme ci-dessus s’appelle Dan Bunting, et il est également lié à des histoires de harcèlement sexuel. En 2017, il était responsable du studio Treyarch, également derrière Call of Duty. Lorsqu’une employée a révélé avoir été harcelée sexuellement par Bunting, le département des ressources humaines d’Activision Blizzard a enquêté et a émis un avis officiel : licencier Bunting. Kotick ne s’est pas contenté de garder le silence cette fois-ci, il est carrément intervenu pour empêcher le licenciement de Bunting et a préféré le punir, mais pas trop fort.
Bunting était encore en poste il y a 2 mois. C’est alors qu’il a décidé de démissionner. C’est marrant, parce que c’est au moment où le Wall Street Journal a commencé à enquêter sur ces faits.
Mais tout cela va encore plus loin. Bobby Kotick lui-même aurait maltraité des employées. En 2006, il aurait menacé de mort l’une de ses assistantes dans un message vocal. Un représentant d’Activision a déclaré sur ce sujet :
M. Kotick s’est rapidement excusé il y a 16 ans pour ce message vocal à l’évidence hyperbolique et inapproprié, et il regrette profondément l’exagération et le ton de ce message encore aujourd’hui.
Ben oui, il a l’air d’être quelqu’un rongé par le remord tiens. C’est sûrement pour ça qu’il a choisi de couvrir toutes ces horreurs au fil des ans.
Sûrement qu’il regrette aussi d’avoir menacé une femme de la “détruire” en 2007, alors qu’elle le poursuivait pour agression sexuelle envers la pilote d’un jet privé dont il était copropriétaire.
Le comité de direction d’Evil Corp Activision Blizzard défend Bobby Kotick
Peut-être vous souvenez-vous du mail qui a été envoyé aux employés d’Activision Blizzard en juillet, après que l’État de Californie a déclaré poursuivre l’entreprise en justice. Ce mail était signé de la main de Fran Townsend, Chief Compliance Officer (quelqu’un chargé de s’assurer que l’entreprise suit la réglementation). Son contenu a largement été décrié par les employés, considéré comme “abject et insultant“. Il prétendait que l’affaire était largement exagérée.
Le Wall Street Journal révèle que ce mail a en réalité été rédigé par Bobby Kotick lui-même pour qu’il soit envoyé sous le nom de Townsend afin de bénéficier de son genre, tout simplement. Forcément, ça fait bien une femme qui défend les pratiques internes de l’entreprise et clame l’exagération. Sur ce sujet, Activision déclare que Kotick “prend l’entière responsabilité de cet incident et le regrette” et ne veut pas que Townsend “soit blâmée pour cette erreur”.
Et avec tout ça, on se dit que le comité de direction ne pouvait prendre qu’une seule décision : dégager Kotick. Non, bien sûr que non. Il le soutient au contraire. C’est vrai qu’il en a besoin le pauvre.
Le comité de direction d’Activision Blizzard confirme son engagement à faire d’Activision Blizzard l’entreprise la plus accueillante et la plus inclusive de l’industrie. Sous la direction de Bobby Kotick, l’entreprise implémente d’ores et déjà des changements pour donner l’exemple à l’industrie, y compris une politique de tolérance zéro à l’encontre du harcèlement, un dévouement à l’augmentation significative des pourcentages de femmes et personnes non binaires au sein de nos effectifs et des investissements internes et externes significatifs pour accélérer les opportunités pour divers talents. Le Comité demeure confiant sur le fait que Bobby Kotick a géré convenablement les problèmes liés au lieu de travail portés à son attention.
En août dernier, Bobby Kotick déclarait que tous ceux qui se révéleraient coupables de conduites inappropriées ou qui participeraient à bloquer les enquêtes en cours seraient punis. Depuis, plus de 20 employés ont été licenciés, y compris le président de Blizzard J. Allen Brack.
Bobby Kotick, lui, reste en poste.
Depuis l’annonce du comité de direction pour soutenir son CEO et en l’espace de quelques heures seulement, plusieurs centaines d’employés se sont réunis devant les locaux de l’entreprise pour réclamer la démission de Kotick.