Remedy Entertainment fait partie de ses studios pour qui on a une tendresse particulière parce qu’ils ont su marquer l’histoire du jeu vidéo. Max Payne, puis Alan Wake, ont fait la renommée et ont été la vitrine du talent des développeurs finlandais. Le problème de cette bénédiction, c’est qu’elle est aussi un peu une malédiction : sortir un jeu “à la hauteur” devient alors un défi plus grand encore tant les attentes des joueurs sont importantes. Quantum Break a cette lourde tâche de devenir la nouvelle licence phare de Remedy.
Le transmédia au service du scénario
Un des points clés de Quantum Break est sa manière d’exploiter son scénario. Il s’agit d’une licence transmédia, à l’image de ce qu’avait voulu faire Defiance il y a quelques années sans y parvenir. Pour résumer, le jeu est découpé entre séquences de gameplay “classiques” – vous jouez à votre jeu vidéo dans la peau du héros – et épisodes de série. Avec un casting en or réunissant Shawn Ashmore (X-Men), Aidan Gillen (Game of Thrones) et Dominic Monaghan (Le Seigneur des Anneaux, Lost), Quantum Break tient un sérieux atout que l’on a rarement vu exploité à ce niveau-là auparavant, voire jamais. Grâce à la capture des mouvements faciaux, le jeu des acteurs est préservé et c’est déjà un élément bien agréable. De plus, le côté transmédia est ici bien plus futé à mon sens que ce qu’avait essayé de faire défiance : à mesure que l’on progresse dans l’aventure, on se retrouve régulièrement face à un choix entre deux voies. Suite à cela, un épisode de la série avec des gens en chair et en os est diffusé pendant une vingtaine de minutes, poursuivant l’histoire pendant un temps avant de vous remettre aux commandes. On aime ou on n’aime pas, mais c’est un aspect clairement assumé par Remedy et je trouve que le studio le mène à bien : tout s’intègre parfaitement et on peut passer les épisodes sur simple pression d’une touche. Bien entendu, le problème principal qui se pose et qui est inhérent au choix transmédia est qu’on n’a pas forcément envie de regarder un épisode de série quand on joue à un jeu vidéo. Et comme louper un épisode revient à ne pas savoir où on en est quand on reprend la manette, sachant que Quantum Break est un jeu Remedy, pour lequel l’histoire a donc une importance capitale… Vous voyez où je veux en venir. D’un autre côté, la chose est bien amenée et donne un peu plus de corps au jeu même si, que ça soit pour le jeu ou pour la série, on regrette une version français un peu faiblarde.
De plus, l’interdépendance des deux supports est assez bien menée puisque vous pourrez trouver des éléments divers et variés en jeu qui donneront lieu à des clins d’œil dans la série. Sympathique sans être indispensable. De même, le choix A ou le choix B de chaque jonction aura une influence sur l’épisode qui suit et sur le déroulement de l’histoire. On se retrouve au final avec un ensemble cohérent sur lequel on peut poser son influence, ce qui est très appréciable dans un jeu très marqué par son scénario. Pour continuer sur cet aspect de Quantum Break, on regrette par certains moments l’omniprésence d’éléments de lore à consulter. Certes, c’est optionnel mais comme dit précédemment, c’est ce qui fait le cœur de ce titre, il est donc difficile de passer à côté. Et non seulement ils sont nombreux, mais en plus ils sont looooonnnnngs. Le problème essentiel est que ça casse le rythme. Donc au final, on se retrouve à faire un choix entre découvrir à fond l’univers du jeu qui est très intéressant et présente un bon potentiel, et un gameplay soutenu. Avouez que c’est un peu dommage. Soulignons néanmoins les nombreux hommages à Alan Wake qui est le Stephen King de l’univers de Quantum Break.
Pour en finir sur le sujet scénaristique, sachez que malgré quelques légères incohérences d’ordre techniques et qui sont systématiquement présentes dans une œuvre traitant de la manipulation temporelle, l’histoire de Quantum Break est à la fois originale et captivante, Remedy perpétuant ainsi sa réputation. Vous jouez le rôle de Jack Joyce dont l’ami Paul Serene a réclamé qu’il vienne l’aider en urgence (il lui a fait prendre un vol depuis l’autre bout du monde, une urgence vous dis-je !). Ce dernier a besoin de Joyce pour éprouver sa machine à voyager dans le temps dans des conditions réelles. Autrement dit, il veut passer au test humain, et l’humain, c’est lui. Mais évidemment, rien ne se passe comme prévu alors que Will, le frère de Jack, intervient armé d’un pistolet pour tout arrêter, arguant que tout cela va déclencher la fin du temps. Et c’est l’accident. Mais il est trop tard et Paul est forcé de s’engouffrer dans le couloir de la machine tandis que Will et Jack fuient les gardes de l’entreprise Monarch à qui l’engin appartient. Rapidement, l’histoire s’emballe et on retrouve Paul, plus vieux, à la tête de Monarch, qui assassine Will sous nos yeux alors que le temps commence à s’étioler, des fractures temporelles apparaissant et figeant tout sur place. Jack ayant été à proximité de la machine au moment de l’accident, il dispose désormais de pouvoirs qui vont se développer petit à petit et donner lieu à des combats ultra dynamiques. Je vous laisse le soin de découvrir le reste du scénario, à la hauteur de ses ambitions.
Des fusillades dignes de la fin des temps
Incontestablement, c’est pour les séquences de combat qu’on aime autant Quantum Break, en plus de son scénario. Les fusillades sont haletantes et posent un défi au joueur, notamment en mode difficile. Je vous conseille d’ailleurs d’opter immédiatement pour celui-ci. Les ennemis n’en seront que plus résistants et plus puissants, ce qui vous forcera systématiquement à utiliser vos pouvoirs pour vous en sortir. Si le feeling des armes aurait pu être un peu plus soigné de même que leur variété (on regrette notamment des effets sonores qui manquent de pèche pour les tirs), ce sont incontestablement les fameuses capacités de Jack qui font de Quantum Break un jeu unique en son genre. Enfermez vos ennemis dans des bulles temporelles, déplacez-vous à la vitesse de l’éclair pour aller frapper tel ou tel adversaire, entourez-vous d’un bouclier… Les pouvoirs sont nombreux, variés, et sauront vous donner des cartes à abattre en toute circonstance. Ils sont faciles d’utilisation et visuellement bien rendus. Bonne idée de la part de Remedy : ne pas se contenter de les fournir au joueur, les rendre indispensables.
On note cependant une trop grande répétitivité des phases de gameplay. On est sans cesse sur un modèle combat-accalmie-combat-accalmie-etc. Alors certes, on ne peut pas avoir des fusillades de partout en permanence et c’est globalement ce que font les autres titres du même genre. Néanmoins, la concurrence a montré un certain talent dans le fait de brouiller cette sensation cyclique du jeu d’action en proposant notamment des énigmes, de l’exploration ou que sais-je. Quantum Break a trop tendance, à la sortie d’un combat, à se contenter de nous proposer de faire une petite balade en lisant au passage les interminables mails et SMS disséminés pour nous en apprendre plus sur son univers. Les rarissimes énigmes ne tirent vraiment pas parti de l’énorme potentiel des pouvoirs temporels de Jack dans un cadre “creuse-toi donc la tête, ami joueur”. Au final, on retient surtout Quantum Break comme étant un “jeu de flingues où tu as des pouvoirs pour manipuler le temps”. Ce qui n’est pas du tout un défaut, mais le potentiel du jeu supposait tellement plus qu’on fantasme tout de même à l’idée de tout ce qui aurait pu être exploité en termes de gameplay.
Hollywood n’a qu’à bien se tenir
Beaucoup – dont votre humble serviteur – considèrent que le jeu vidéo est le huitième art. Pour ma part, Remedy Entertainment le prouve très largement et son sens de l’image et de la mise en scène est bluffant. La série est pour sa part bien réalisée et fidèle aux standards de ce qu’on peut voir à l’heure actuelle, même si elle prend parfois des raccourcis un brin agaçants (ce qui peut se comprendre quand on doit développer une histoire en cinq épisodes). Le jeu est quant à lui au premier plan de ce qui se fait de mieux en matière de visuel (il n’est pas encore question des graphismes purs et durs). Les cutscenes et cinématiques sont impeccables et nous font parfois retenir notre souffle, mais c’est également vrai quand on joue ! Je pense notamment à la scène du bateau dont une partie s’effondre alors qu’on est dedans, et celle où – pour ne rien vous révéler et gâcher la surprise – tout s’effondre autour de nous mais que le temps s’arrête et reprend de manière aléatoire. C’est un peu comme jouer dans un film, et c’est grisant.
Passons maintenant à l’éternelle et incroyablement lassante question du nombre de pixels à l’écran. Non, Quantum Break ne tourne pas en 1080p sur Xbox One. Remedy a utilisé une technique ultra perfectionnée en se basant sur du 900p pour avoir un résultat imitant le 1080p. C’est un peu de la triche, mais honnêtement, qu’est-ce qu’on en a à foutre, dans le fond ? Tant que c’est chouette. Et la plupart du temps, ça l’est ! Oui, je sais, j’ai dit “la plupart du temps”. Ce qui veut dire que parfois, ça fait un petit peu tâche. Et je dois bien être honnête avec vous, même si ce n’est pas forcément lié à la résolution finale, certaines textures dénotent par moments, quand d’autres – mais c’est franchement rare – font carrément tâche. J’ai notamment trouvé un rai de lumière où je pouvais littéralement compter les pixels. Un manque d’affinage un peu déroutant quand on s’habitue à la beauté globale du titre. Car oui, en définitive, le jeu est beau dans l’ensemble si on met de côté ces quelques – rares, encore une fois – faux pas. Additionné à la mise en scène, le résultat est parfaitement agréable à l’œil sans être la claque graphique à laquelle on s’attendait.
J’en reprendrais bien un bout, s’il-vous-plaît
Quantum Break est une réussite et le nier serait de la mauvaise foi. Non, nous n’avons pas affaire aux graphismes-ultimes-de-la-mort-qui-tue-et-sans-défaut-aucun, mais le titre de Remedy est beau, n’en déplaise, et sa mise en scène est géniale, époustouflante, même, par moments. Alors ne boudons pas notre plaisir ! D’autant que le scénario vaut réellement le détour et est bien amené, avec un transmédia que certains pourront regretter mais que d’autres vont adorer. Ce choix est tellement peu fréquent qu’on ne peut pas être catégorique dessus. Pour ma part, j’ai franchement apprécié certains jours tandis que d’autres, j’aurais préféré jouer, point barre. Je salue au passage le casting ainsi que la réalisation de la série, qui n’ont rien à voir avec du low cost de bas de rayon de supermarché. Les acteurs de Quantum Break sont connus, mais ce n’est clairement pas pour rien. Chapeau bas aux scénaristes qui ont su proposer une histoire à la fois crédible et passionnante qui ne souffre que de petites et rares erreurs. Une belle prouesse pour une histoire sur la manipulation temporelle (si si, regardez ce qui se fait et s’est fait en la matière, c’est parfois aberrant quand on y pense deux minutes), surtout quand les choix du joueurs peuvent impacter les choses. Tout ça pour dire que s’il y a du rab, ça me va.
[Points Positifs]
- Mise en scène impressionnante
- Combats haletants
- Des pouvoirs temporels pas juste pour faire joli
- Histoire à la fois captivante et cohérente
- Le casting
- Le transmédia bien exploité
- Un jeu beau dans son ensemble
[Points Négatifs]
- Quelques textures qui détonnent
- Le transmédia ne plaira pas à tout le monde
- De légères incohérences
- Une répétitivité qui aurait pu être contrée par une meilleure exploitation du concept
Tellement contente que ça ne soit plus une exclu One ! :D