Porter des jeux sur Stadia exige un effort non-négligeable des studios de développement. Seulement, Google ne met pas assez de sous sur la table pour être attractif.
Le beurre et l’argent du beurre
Quand Google Stadia a été annoncé par Sundar Pichai lui-même, tout le monde était sur le qui-vive. La technologie fonctionne très bien (dans de bonnes conditions) et un mastodonte comme Google (le G de GAFA) pourrait tout casser grâce avec l’aide de ses ressources quasi illimitées, tel un éléphant dans un magasin de porcelaine. Lors du lancement du service pour les fondateurs, il n’en fut rien : les conditions d’utilisation sont bien trop contraignantes et payer des jeux plein pot pour finir sur une plateforme isolée ne donne vraiment pas envie. Bref, Stadia est un petit peu la risée de l’industrie à l’heure actuelle.
Outre le manque de fonctionnalités promises et l’état plus que moyen des jeux disponibles, il y a un autre facteur (plutôt majeur) qui explique le manque d’attractivité de Stadia : son catalogue. Malgré des ajouts mensuels, le manque de softs importants (et d’exclusivités, mine de rien) ne donne pas vraiment envie de troquer sa console ou son PC pour une machine virtuelle.
Business Insider a essayé de savoir pourquoi il existe si peu de jeux déjà existants sur d’autres plateformes sur Stadia. Après avoir contacté de nombreux studios et maisons d’édition, la réponse est claire : Google n’allonge pas la monnaie. En dehors de gros projets comme DOOM Eternal ou Stadia, Google est frileux de donner de l’argent à d’autres collaborateurs.
Nous avons été approchés par l’équipe de Stadia. Habituellement, avec ce genre de choses, ils mènent la conversation avec une sorte d’offre qui vous donnerait une motivation d’aller vers eux. [L’incitation] était tout simplement inexistant, grosso modo.
Il n’y a pas assez d’argent sur la table. [L’offre] était tellement basse qu’elle ne faisait même pas partie des négociations.
L’argent ne fait pas tout. Il y a aussi une image de marque que le studio ou l’éditeur veut dégager. Si Ubisoft peut se permettre de sortir tous ses titres sur Stadia (avec Ghost Recon: Breakpoint, super le cadeau), l’effort déployé n’en vaut parfois tout simplement pas la chandelle :
Lorsque nous examinons ces types de transactions, nous nous posons la question : “est-ce que c’est assez d’argent pour nous permettre d’avoir des ressources et faire ce que nous voulons, ou s’agit-il d’un deal d’exclusivité qui nous donne de la sécurité ?”
Il y a des plateformes sur lesquelles vous voulez être parce qu’elles ont un public et que vous voulez atteindre ce public. C’est ce que sont Steam et la Switch. Il y a de grands groupes de personnes sur ces plateformes, et vous voulez être avec ces groupes afin qu’ils puissent jouer à vos jeux.
C’est un cercle vicieux, car s’il n’y a pas de joueurs sur votre plateforme, les studios ne seront pas enclins à développeur pour vous, et sans jeux, pas de joueurs. C’est pour cela que l’Epic Games Store met énormément d’argent sur la table pour les studios, en parallèle de jeux gratuits pour les utilisateurs afin de les inviter à créer un compte sur leur plateforme.
Ce manque de motivation de la part de Google n’est guère étonnant, car l’entreprise est connue pour déployer énormément de moyens pour un projet avant de l’abandonner aux premiers signes de difficultés, nous rappelle un autre développeur. Pensez à Google+, Google Glass et les centaines de startups promis à un avenir radieux, fermées quelques mois seulement après leur rachat. Qui sait si Stadia soufflera sa deuxième bougie ?
Les développeurs interrogés le disent clairement, il n’y a aucune raison vraiment valable de porter leurs jeux sur Stadia, sans parler du fait que la plateforme exige un effort de développement supplémentaire et non-négligeable, comme un passage sous l’API Vulkan et l’intégration de l’architecture réseau pour le multijoueur. Il faut voir Stadia comme une console à part entière, et non comme un PC tournant sur un service distant à la GeForce NOW ou Shadow. C’est peut-être NVIDIA qui était dans le vrai, en fin de compte.