Burn-out paradise
En dépit de son bilan record cette année et du succès critique de ses titres, il semblerait qu’une toute autre rengaine soit chantée en interne chez Don’t Nod. Le STJV révèle ainsi aujourd’hui que le stress, les burn-out, et autres joyeusetés, y sont hélas monnaie courante parmi les employés, et ce, malgré la prétendue bienveillance de la société.
Pour ceux qui l’ignorent, derrière cet acronyme se cache le Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo, un syndicat plutôt ancré à gauche, fondé en partie pour éviter que le SNJV (le Syndicat National du Jeu Vidéo), une organisation patronale, ne soit l’unique représentation du secteur. Le rapport avec Don’t Nod, me demanderez-vous ? Et bien il s’avère que le STJV a remporté cette année l’élection du commité social et économique (CSE) de Don’t Nod, ce qui lui donne une vision plutôt crédible de ses pratiques internes.
La compagnie serait ainsi criblée de soucis, à commencer par une gestion assez catastrophique de ses pipelines de productions et de ses équipes. Citons directement le rapport, puisque l’on y apprend pêle-mêle que “les délais changent fréquemment“, que “les informations et les instructions données aux équipes sont contradictoires“, ou encore que “les salarié·es sont déplacé·es d’une équipe à une autre sans avoir de vision à long terme sur les projets“. Autant de raisons, qui font douter le STJV de la capacité de Don’t Nod à s’occuper correctement des six projets annoncés en mai dernier. Et par “correctement”, on entend sans empirer le nombre de cas de mal-être au travail, voire d’arrêts, que le syndicat décrit comme “conséquent”.
Et si vous voulez une illustration plus concrète de ces soucis, l’équipe derrière Jusant aurait par exemple été dissoute puis re-dispatchée en interne sans aucune justification, deux mois après la sortie du jeu le 31 octobre dernier, alors même qu’ils étaient laissés “dans un flou absolu quant à leur avenir“. Autre possible preuve d’incompétence, les développeurs de Banishers, n’auraient appris le report de leur titre que 30 minutes avant l’annonce officielle. Et on ne parle pas d’un report de quelques jours, hein, mais de plus de trois mois ; la sortie ayant été décalée du 7 novembre 2022 au 13 février 2023. C’est proprement affolant.
Les aberrations remontées par le STJV dans son article sont tout bonnement déprimantes (contrats précaires, équipes en sous-effectif, communication ubuesque…), et se traduisent par des chiffres qui le sont tout autant. D’après une enquête de la direction sur la Qualité de Vie au Travail – qui apparemment ne comportait presque aucune question sur le sujet -, c’est environ 1 employé sur 3 qui déclare ne “pas avoir de reconnaissance pour [son] travail“, “[découragerait ses] connaissances de postuler à Don’t Nod“, et “[estime] qu’il y a une trop grande charge de travail (ou des équipes trop petites)“. Pire : 50% des employés “désapprouvent la stratégie d’entreprise suivie par la direction.”
Évidemment, ce n’est déjà pas glorieux, mais c’est bien le refus de dialogue de la part de la direction qui nous incite à penser que l’on peut dire merde au rasoir de Hanlon. D’après le STJV, son élection au CSE n’aurait d’ailleurs en rien amélioré les choses. La direction aurait non seulement tout fait pour que les Négociations Annuelles Obligatoires capotent, mais fermerait en outre les yeux sur les problèmes remontés. Au point où le syndicat déplore carrément “de nombreuses entraves et obstructions à l’exercice [du] mandat CSE [des travailleurs]“, ce qui, vu les termes employés, parait tout de même assez alarmant.
En l’état, le rapport du STJV sonne à la fois comme une alerte et un appel à l’aide, ce qui n’est guère rassurant au regard de l’état actuel d’une industrie qui n’hésite pas à licencier à tour de bras.