Après le renouveau (décevant) de la série avec Assault Horizon, Ace Combat revient mettre la pagaille dans le ciel de Strangereal sur la nouvelle génération avec un jeu pourtant très ancré dans le passé. Est-ce que cet appel du pied des fans hardcore de la série fait mouche ? C’est ce qu’on va voir.
“Quelle est la couleur du ciel ?”
Ace Combat est une série de jeux comme il n’en existe nulle autre. Mix entre simulation et arcade sur la forme, la force de la série a toujours été sa capacité à faire vivre quelque chose d’épique et d’incroyable au joueur en mettant en scène des conflits qui le dépasse de loin au départ, jusqu’à les résoudre à lui tout seul par la seule force de ses cabrioles et de ses missiles. Ça pourrait très bien faire une bonne série de Mechas comme Gundam, mais on préfère alors prendre les commandes d’avions bien réels.
la force de la série a toujours été sa capacité à faire vivre quelque chose d’épique et d’incroyable au joueur
Fini le petit crochet dans la géopolitique réelle de bas étage en mettant en valeur l’US Air Force, Ace Combat 7 revient à Strangereal, le monde fictif lié à la saga. Et c’est déjà un peu le problème : le titre ne fait absolument aucun effort pour essayer d’introduire les néophytes à l’univers du jeu qui s’est étoffé sur plus de 20 ans. Osea, Erusea, Belka, Yuktobania, autant de nations au passé historique commun — mais houleux — qui parleront surtout aux fans de la première heure. Des connaissances nécessaires qui permettent pourtant de comprendre les raisons et des enjeux des conflits auquel le joueur va participer.
Le joueur incarne alors Trigger, un énième pilote sans visage et silencieux d’Osea (les éternels good guys) qui se retrouve accusé d’avoir causé un accident (très) grave pendant une contre-offensive face à Erusea, l’ancienne nation antagoniste d’Ace Combat 4: Shattered Skies. Dégradé et mis aux fers, le héros est transformé en chair à canon et part avec d’autres criminels au front dans des missions bien trop dangereuses pour le reste de l’armée régulière.
le titre ne fait absolument aucun effort pour essayer d’introduire les néophytes à l’univers du jeu qui s’est étoffé sur plus de 20 ans.
La guerre ne change pas (juste un peu)
Ace Combat 7 essaie de raconter beaucoup de choses dans son histoire, mais le tout reste assez confus et ne va jamais vraiment au bout de ses idées pourtant excellentes.
Alors que le monde s’en remet de plus en plus à l’Intelligence artificielle, la prolifération des drones met à mal le modèle de l’aviation militaire classique. Le scénario laisse apercevoir une guerre idéologique entre l’Ancien Monde où l’avion fait corps avec le pilote et le nouveau dominée par des machines autonomes, mais sans âmes. Pourtant, la magnifique scène d’introduction qui fait dresser les poils sur les bras (ça reste un Ace Combat, ça arrive souvent), laissant entr’apercevoir un réel potentiel sur le sujet.
On fait rapidement le parallèle avec notre propre monde où de telles technologies changent radicalement le visage du monde moderne, ce qui est renforcé par la présence d’avions de chasse de multiples générations depuis plus 55 ans. Mais cette lutte des époques est largement survolée et n’est pas plus ancrée que ça dans la narration d’Ace Combat 7. Il y a des drones, il y a une nouvelle super arme qui balance des drones, et il y a des drones plus intelligents que les autres, faut les casser, et pis voilà. C’est comme l’album de Muse du même nom : de bonnes idées jamais exploitées à fond.
Le scénario laisse apercevoir une guerre idéologique entre l’Ancien Monde où l’avion fait corps avec le pilote et le nouveau, dominée par des machines autonomes, mais sans âmes.
Même l’idée de la bande de prisonniers qui est obligé d’aller au front pour payer leur dette à la société (en oubliant le fait qu’on leur donne les commandes d’avions de chasse) ne déploie jamais sont plein potentiel. Cela dure une demi-douzaine de missions et on fait comme si cette partie de la campagne n’était jamais vraiment arrivée.
De plus, contrairement à un Ace Combat 5 magistral et qui prend aux tripes, on n’arrive tout simplement pas à s’attacher à ses coéquipiers (toujours aussi bavards dans le casque), pourtant un élément essentiel de la série qui contribue généralement énormément à l’immersion du joueur.
Ace Combat 7 essaie de raconter beaucoup de choses dans son histoire, mais le tout reste assez confus et ne va jamais vraiment au bout de ses idées pourtant excellentes.
C’est vraiment dommage parce que la forme est là : entre les cinématiques qui mélangent décors réels et personnages en 3D avec un bon sens de la cinématographie et de la narration, il y avait quelque chose de très sympathique à en tirer. On ne boudera pas son plaisir, mais tout ça aurait pu être tellement plus.
La tête dans les nuages
À l’instar d’un SoulCalibur 6, on sent que Bandai-Namco a cherché à savoir si ses vieilles licences avaient toujours du succès auprès des fans de la première heure sans penser aux nouveaux venus. Project Aces a clairement ressorti son livre de cuisine Comment faire un Ace Combat efficace et l’a appliqué à la lettre.
Après tout pourquoi changer une recette qui gagne ? Niveau gameplay, on se sent comme à la maison. C’est quand même étonnant de savoir qu’avec un nouveau moteur comme l’UE4, on ait l’impression qu’absolument RIEN n’a bougé. Tous boutons font exactement la même chose comme il y a 15 ans et, mine de rien, c’est quand même une bonne nouvelle.
Project Aces a sorti son livre de cuisine Comment faire un Ace Combat efficace et l’a appliqué à la lettre.
S’il est possible de jouer en mode novice avec un système de virages assistés (une hérésie, ne jouez pas comme ça), le mode normal permet de retrouver le contrôle total de son appareil après l’affront Assault Horizon. Mais qu’on se le dise, Ace Combat n’est pas une simulation : les avions ont très peu d’inertie et les pilotes peuvent encaisser des virages à 22g sans broncher. Le pilotage est toujours aussi fluide et intuitif, et c’est tout ce qu’on demande.
Pourtant, quelques idées viennent agrémenter le gameplay quasi parfait d’Ace Combat. Il est désormais possible d’exécuter des virages très serrés en jouant avec l’accélérateur, mais cela risque de faire décrocher votre appareil si vous en abusez (ce qui peut-être quelque chose de voulu), très pratique pour faire des demi-tours, lâcher un poursuivant ou bien esquiver un missile à la dernière seconde. On en use et on en abuse, mais les sensations sont bonnes et cela permet de faire autre chose que de l’éternel tangage-roulis.
Quelques idées viennent agrémenter le gameplay quasi parfait d’Ace Combat.
En revanche, les nuages ne sont plus là que pour faire joli et ont désormais un réel intérêt tactique sur le champ de bataille. Les missiles ont plus de mal à suivre les appareils à travers les différents nimbus (cela marche dans les deux sens), et il faut s’en remettre à ses instruments, car la visibilité devient nulle et la condensation peut givrer votre appareil qui perd en manœuvrabilité jusqu’à décrocher.
Certaines missions utilisent très bien ces nuages qui corsent sacrément les conditions quand le plafond est très bas, obligeant à chercher l’affrontement au-dessus d’une mer blanche ou bien à être vigilant en permanence avec son altitude. De plus, la condensation de l’eau qui se plaque sur la canopée quand votre appareil traverse un nuage est du plus bel effet.
La condensation de l’eau qui se plaque sur la canopée quand votre appareil traverse un nuage est du plus bel effet.
Difficile également de passer outre la qualité graphique du titre qui propose quelques panoramas photo-réalistes et une modélisation très détaillée des avions tirés de la vie réelle. Mon Rafale n’a jamais été aussi beau et les animations des différents mécanismes des appareils montrent bien que l’équipe de Project Aces est passionnée.
Malheureusement, on sent que le jeu n’a pas été taillé pour la 4K : les textures des nuages manquent de précision et ceux des avions sont parfois un peu baveux (surtout dans le cockpit). La modélisation du terrain aurait également mérité plus de soin. Bien sûr que ce n’est pas très important quand on va vite, mais on finit par se rendre compte que la majorité des assets au sol sont souvent des trompes-l’oeil grossiers. Mais dans l’ensemble, cela reste très agréable à l’oeil.
Dans l’ensemble, cela reste très agréable à l’oeil.
Frissons en chaînes
Si, comme dit, plus haut, l’histoire n’arrive jamais à décoller, la mise en scène des missions est toujours efficace et manie à merveille la technique de l’élastique pour jouer sur la tension, même si de grosses ficelles bien connues des fans commencent à tendre vers le cliché. Du genre, après avoir rempli le dernier objectif de la mission : “Oh mon dieu ! Mais qu’est-ce donc ce blip qui se déplace à toute vitesse sur le radar !”
Les missions sont assez variées et proposent leur propres twists et autres mécaniques inédites de gameplay.
Les missions sont assez variées et proposent leur propres twists et autres mécaniques inédites de gameplay. Si la météo peut changer la façon d’aborder une situation, d’autres bonnes idées viennent rythmer l’aventure de manière souvent surprenante, comme l’impossibilité de faire la différence entre alliés et ennemis, une mission de bombardement qui exige une précision chirurgicale ou bien les fameux drones qui ont une agilité déconcertante à laquelle on n’est peu habitué. On peut quand même pester sur le fait qu’il n’est jamais clair quand on peut tirer sur ces derniers.
Si les premiers trailers du jeu lors de son annonce nous avaient promis des situations inédites avec de nouvelles possibilités de mises en scène grâce à l’UE4, ces derniers sont finalement très timides. On est face à un produit Ace Combat pur jus qui repose sur les mêmes mécaniques de narration depuis plus de 20 ans.
On est face à un produit Ace Combat pur jus qui repose sur les mêmes mécaniques de narration depuis plus de 20 ans.
Du coup, le soft tombe volontiers dans les clichés de la série : attaques de base, slaloms dans des vallées étroites ou des tunnels (oui, c’est con), vol entre des zones de couverture radar, etc. On peut également regretter le fait que, malgré le statut de Squadron Leader de Trigger, il est impossible de donner des ordres à ses coéquipiers comme les épisodes les plus récents, ces derniers étant parfaitement inutiles. Les anciens opus donnaient au moins l’illusion qu’ils servaient à quelque chose, mais ce n’est pas le cas ici. D’ailleurs, je soupçonne le studio d’être conscient du problème et a voulu faire de l’autodérision sur le sujet, puisque les autres protagonistes n’arrêtent pas de répéter “Laissez Trigger faire ! Restez près de Trigger, il va tout régler !”.
Les raisons pour lesquelles la série des Ace Combat est si chère aux yeux des fans sont les sensations uniques qu’elle provoque pendant les missions les plus tendues et les plus importantes.
Cependant, les raisons pour lesquelles la série des Ace Combat est si chère aux yeux des fans sont les sensations uniques qu’elle provoque pendant les missions les plus tendues et les plus importantes. Sous couvert d’un jeu de simulation aérienne, c’est une véritable montagne russe d’émotions dans laquelle se prépare à embarquer le joueur. Les ennemis marquants deviennent rapidement iconiques — le fameux Arsenal Bird — et les nombreux dialogues pendant les missions mettent bien en avant les enjeux des événements qui se déroulent sur le champ de bataille, bien qu’il soit toujours un peu dur à suivre les conversations (surtout quand on ne comprend pas l’anglais d’oreille).
Comment aborder l’epicness d’Ace Combat sans aborder la musique ? Avec Keiki Kobayashi toujours aux commandes de la bande-son, on pouvait s’attendre à du lourd, et c’est toujours le cas. Entre rock folk qui enjaille, musique de cinéma qui ajoute une pointe de drama à l’action et les compositions orchestrales qui subliment les moments d’anthologie (marque de fabrique de la série), la synesthésie opère toujours et on se retrouve physiquement dans le cockpit prêt à tout pour défendre le monde de la menace technologique des drones.
Avec Keiki Kobayashi toujours aux commandes de la bande-son, on pouvait s’attendre à du lourd, et c’est toujours le cas.
Malheureusement, peu de pistes restent en tête, car on sent que Kobayashi a ressorti sa recette fourre-tout. Cependant, le thème principal marquant revient suffisamment souvent pour donner une identité musicale à Ace Combat 7. C’est paradoxalement un peu la faute au scénario qui veut couvrir un peu trop de sujets, la musique sonnant toujours juste selon l’ambiance voulue.
Comptez 20 missions de 15 à 45 minutes pour terminer le jeu. Il est alors toujours possible de repartir en NG+ dans un mode de difficulté décuplé avec les avions précédemment débloqués. Le jeu possède d’ailleurs de nombreux secrets à trouver pour débloquer des skins exclusifs, tous nommés après de réels pilotes du monde entier, avec une très bonne part de Français. Je crois que Project Aces nous aime bien. De plus, finir toutes les missions au rang S ne sera pas une sinécure.
L’as des as
Au-delà de ça, Ace Combat 7 propose un mode multijoueur fun et efficace, mais loin d’être sans défauts.
Première curiosité, les points gagnés lors de la campagne peuvent débloquer avions et pièces détachées pour améliorer leurs performances dans le multijoueur, et vice-versa. C’est sûrement un moyen d’attirer les joueurs solos vers le multi, mais il est alors possible de tricher en débarquant en F-22 dès la première mission de la campane si on a rossé le multi avant. On arrive même à sentir à la vu de la narration que la progression du joueur aurait dû être bien plus classique — mais cohérent — plutôt que de se reposer sur ce curieux système.
Ace Combat 7 propose un mode multijoueur fun et efficace, mais loin d’être sans défauts.
Il n’y a que deux modes de jeu qui mettent en avant le dogfight pur jus : match à mort en équipe et Battle Royale. Calmez-vous, il s’agit tout simplement d’un mode match à mort classique (Star Fox 64 utilisait déjà ce terme). La bonne idée tout de même est que plus un joueur est haut dans le classement, plus il faut de points, laissant aux lanternes rouges la possibilité de se rattraper, car moins souvent visée. De plus, pas la peine de détruire un avion ennemi pour remporter des points : de simples touches suffisent.
Cependant, à force de se tourner autour pendant des heures, le titre aurait mérité un peu plus de variété dans ses modes de jeu multi. Alors qu’il est possible de prendre des avions d’attaque au sol dans les joutes en ligne, des missions d’attaque/défense auraient été judicieux et aurait apporté une dimension stratégique supplémentaire aux parties.
C’est également le parfait moment pour dire qu’on aimerait bien de la coop dans un jeu Ace Combat, chose qui existait et qui fonctionnait bien dans le spin off free-to-play Infinity. C’est une occasion manquée à ce sujet.
Quid de la VR ?
Ace Combat 7 est compatible PSVR et ceux qui l’ont testé disent que c’est une expérience incroyable. Il est alors incompréhensible que la totalité de la campagne ne soit pas jouable en VR à l’instar d’un Resident Evil 7, ambassadeur de la VR sur la console de Sony. Cette exclusivité temporaire est également un énième coup de couteau dans le dos pour les possesseurs de casques classiques comme le Rift ou le Vive. En espérant que Bamco compte régler le souci à la fin du contrat d’exclusivité d’un an.
Le joueur est alors embarqué dans une recréation de certaines missions des plus marquantes d’Ace Combat 4. La modélisation du cockpit y est accrue et, une fois habitué aux mouvements de l’avion après deux ou trois crises de cinétose (ce qui provoque la galette), le casque VR renforce grandement l’immersion ET la prise d’informations du joueur sur son environnement. Suivre une cible de la tête pour ne pas la quitter des yeux n’a jamais été aussi intuitif et utile. Comme beaucoup de trucs dans la VR, c’est quelque chose de difficile à se représenter tant que l’on n’a pas eu un casque sur la tête.
“Strider 1, Fox 2”
Je me rends compte en écrivant cette conclusion que j’ai dit beaucoup de mal d’Ace Combat 7, et pourtant, malgré tous les défauts que j’ai énumérés, il est assez dingue de se rendre compte que l’alchimie marche toujours autant, comme si la formule de la série ne pouvait pas échouer même avec la plus mauvaise volonté du monde. À la fin de l’aventure, malgré les défauts d’écriture que l’on relève au fur et à mesure de sa progression, on a vraiment l’impression d’avoir accompli quelque chose d’important et on est touché, voire ému, une fois de plus. L’impression d’être l’as des as est toujours aussi enivrante et les frissons s’enchaînent sur les moments les plus tendus, toujours accompagnés par un gameplay qui n’a pas pris une ride. Maintenant que Project Aces s’est rassuré en faisant quelque chose dont le studio seul a le secret, il y a désormais moyen d’apporter la saga encore plus loin, toujours plus haut dans le ciel bleu foncé.
► Points forts
- De nouvelles idées de gameplay timides, mais très efficaces
- De nombreux clins d’oeil aux précédents opus
- Une fidélité visuelle engageante
- Une aventure qui prend aux tripes
- La musique signature de la série
- Une expérience VR qui vaut le détour
► Points faibles
- Pas vraiment accessibles aux néophytes
- Une mise en scène et des missions sans surprises pour les fans
- Tellement de potentiel non exploité avec ce scénario !
- Les alliés ne servent à rien
- Des objectifs pas toujours clairs
- Pas très dur dans l’ensemble
- Un multijoueur anecdotique
- VR exclusif PlayStation 4
- Portage PC minimum syndical (joysticks non officiels incompatibles)
La série Ace Combat mérite de vivre longtemps
Test réalisé sur PC
Ace Combat 7: Skies Unknown est disponible sur PC, Xbox One et PS4.