Assassin’s Creed: Voilà voilà
La cuvée nordique d’Assassin’s Creed s’appelle Valhalla et se propose de nous faire revivre, au moins en partie, l’invasion viking des terres d’Angleterre. Dans la peau d’Eivor, un guerrier sanguinaire, nous allons tenter de nous emparer des 4 royaumes composant le territoire qui, bien des siècles plus tard, signera le Brexit.
Le scénario d’Assassin’s Creed Valhalla n’est pas inintéressant à ses fondations, d’autant qu’Ubisoft pose rapidement une ambiance sombre et violente à laquelle elle ne nous a pas habitués. Toutefois, l’histoire tire un peu en longueur et peine à trouver son rythme. Surtout, certains personnages clés – Eivor en tête de liste – se mettent vite à sonner creux, la faute à un développement de personnage un peu expédié par moments.
Eivor, justement, débute l’aventure en tant que guerrier assoiffé de sang et de vengeance. Dès le départ on a affaire au personnage classique surexploité, ça en devient cliché. J’ai toutefois été surpris qu’Ubisoft assume un côté plus noir et ce traitement m’a séduit… au début. Le problème c’est que ce choix n’est pas assumé très longtemps et on revient rapidement (et pas forcément de manière justifiée) à un chevalier blanc tout ce qu’il y a de plus classique… sauf pour un viking.
Car à ma connaissance, les raids vikings sont loin d’être une période d’héroïsme. Or ici, notre héros va rapidement vouloir devenir le héros du peuple saxon & nordique en sécurisant des alliances plutôt qu’en se taillant la part sanglante du lion dans les royaumes britanniques. Certes l’objectif final reste, à priori, le même, mais la méthode a son importance. Et l’on comprend rapidement que tout cela n’est pas très assumé dès le moment où l’on démarre notre premier raid : dès lors que l’on touche à un cheveu d’un civil, on nous envoie le fameux avertissement impérieux – tuer des civils désynchronise l’Animus.
Cela avait du sens quand on jouait Ezzio Auditore, Altaïr ou même Kassandra/Alexios : cela ne correspondait pas à leur mémoire génétique. Expliquer une limite de gameplay à travers le lore, c’est très fort et c’est surtout très cool. Ici, on joue un viking, rappelons-le. Leur gloire se trouvait dans le fait de piller, tuer et mourir, ce qu’Assassin’s Creed Valhalla ne manque d’ailleurs pas de nous rappeler.
C’est un peu à l’image du reste : Eivor devient rapidement et sans raison particulière un parangon de vertu, ce qui rend le personnage confus et donc peu crédible, mais à lui permet de rentrer dans le moule des héros de la licence.
Le scénario fait quant à lui les frais de cet étirement en longueur caractéristique des dernières productions du studio : on sent la volonté première de proposer avant tout une aventure longue, sauf que l’avancée de l’histoire en pâtit.
Attention le scénario n’est pas complétement dénué d’intérêt pour autant, il passe d’ailleurs par de grands moments qui m’ont véritablement enthousiasmé. Le vrai problème, c’est ce qu’il y a autour de ces grands moments, qui manque d’intérêt et de rythme.
Ça n’a rien Eivor
Graphiquement Assassin’s Creed Valhalla s’en sort une fois de plus haut la main, mais on commence vraiment à voir ce qui prend de l’âge. D’un côté l’on retrouve ces paysages somptueux à la direction artistique impeccable, de l’autre on a ces visages aussi expressifs que des galets (ou Kristen Stewart) et ces effets qui piquent les yeux.
L’Angleterre nous permet de passer par une belle variété de panoramas et, moi qui suis particulièrement sensible à l’époque médiévale, j’ai été conquis par les forteresses et villes du titre d’Ubisoft. On a véritablement la sensation d’évoluer dans l’Angleterre d’autrefois, en chevauchant de ruines romaines en cités fortifiées, une épaisse forêt entre les 2.
Les développeurs ont également réussi à proposer une Norvège viking très convaincante avec ses fjords magnifiques. Pour tout ce qui est environnements, Ubisoft reste maître en la matière, sans aucun doute.
C’est à l’instant où l’on voit les visages en gros plan qu’on se dit que, quand même, il serait temps d’évoluer. Ceux-ci semblent sortis d’un autre âge et manquent cruellement d’expressions.
Les animations et certains effets commencent vraiment à avoir besoin d’un coup de jeune, et je crois que je n’ai jamais vu un feu aussi dégueulasse (vraiment, c’est le mot approprié) que dans Assassin’s Creed Valhalla. C’est baveux et pixellisé à souhait, un peu comme si le jeu était en 4K et le feu en 120p.
Les animations et certains effets commencent vraiment à avoir besoin d’un coup de jeune.
Dans l’ensemble, vous l’aurez compris, Assassin’s Creed: Valhalla demeure magnifique et les talents d’Ubisoft s’expriment pleinement dans ce nouvel opus. Il reste cependant ces points d’accroche qu’il serait temps de revoir.
La bande son de son côté est composée avec goût et nous renvoie de belles sonorités nordiques avec ses instruments traditionnels et ses voix mélodieuses. Elle accompagne bien l’action et permet de souligner la tension dramatique des moments les plus intéressants.
Ubisoft continue de s’entourer de musiciens talentueux pour offrir une atmosphère soignée à son titre, et ça c’est toujours un plaisir.
L’Angleterre sous l’angle de ses terres
Assassin’s Creed Valhalla nous propose une fois de plus un monde ouvert, et surtout un très vaste monde ouvert. Le plaisir de chevaucher à travers ces grandes étendues reste intact, mais la sensation vécue dans Assassin’s Creed Odyssey se confirme : ça commence à être too much les gars. Ubisoft gagnerait à écrémer un peu pour offrir une expérience plus compacte qui bénéficierait largement à la narration.
Mais ne boudons pas notre plaisir : ce monde ouvert est extrêmement riche. Il contient de très nombreuses activités entre les parties d’orlog (un jeu de dés vachement moins compliqué que le cul de chouette), les joutes verbales, les objets romains et les tatouages à trouver, etc. Comme à l’accoutumée, la part belle est faite à l’exploration et il y en a littéralement partout. Vous aurez donc largement de quoi vous occuper des dizaines d’heures durant si vous êtes un collectionneur avide comme moi. D’autant que cette fois-ci, les points d’intérêts constellent la carte et sont autant de trucs ou activités à découvrir, et de manière intéressante qui plus est grâce à un level design soigné.
Ce qui m’a le plus marqué, ce sont les événements. Des petites histoires parsemées sur la carte du jeu. Celles-ci m’ont presque plus attiré que l’histoire principale car les développeurs se sont fait plaisir sur celles-ci et on y découvre de belles surprises, parfois très amusantes.
Assassin’s Creed Valhalla nous propose une fois de plus un monde ouvert, et surtout un très vaste monde ouvert.
En dehors de cela, le jeu fonctionne avec des ensembles de quête par région, chacune de ces régions étant liée à un niveau de puissance. Cela balise ainsi la progression à la fois de l’histoire et du joueur. De fait, on se demande un peu pourquoi on nous laisse le choix, puisque le niveau de puissance le fait pour nous, et si au départ on peut bel et bien choisir entre 2 territoires, très rapidement c’est un seul choix qui s’impose systématiquement ou presque.
C’est aussi ce qui participe à donner l’impression que l’histoire piétine : il faut boucler une région avant de passer à la suivante, et à peu de choses près cela se termine toujours de la même manière.
Mais comme à l’accoutumée le bonheur de l’exploration est intact. Chaque point de synchronisation révèle les points d’intérêt alentours et l’on prend plaisir à aller les découvrir, surtout qu’Ubisoft a pris des décisions très intéressantes du côté des compétences et de l’équipement.
Rhabillé pour l’hiver
Depuis Assassin’s Creed: Origins et le virage action-RPG, la composante équipement était intrigante mais pas maîtrisée. On changeait d’équipement littéralement toutes les 30 secondes, ce qui donnait un aspect un peu fastidieux à la chose au lieu du plaisir qu’elle doit procurer. Ici, Ubisoft a fait le choix de supprimer le loot d’équipement sur les adversaires et de limiter sa quantité. Il faut désormais trouver des trésors pour récupérer l’équipement en question, et chaque pièce est unique et améliorable.
Cela supprime ainsi le problème dont souffraient les prédécesseurs d’Assassin’s Creed: Valhalla. L’équipement récupère sa composante “rareté” et donc l’intérêt qui va avec et, en plus de cela, le joueur est encouragé à l’exploration. On ne se perd plus parmi une quantité complétement ahurissante d’objets, et pourtant il y en a beaucoup. Ubisoft a réussi a insuffler un véritable intérêt tout en gardant un nombre satisfaisant d’équipements. Comme quoi, se limiter ça a du bon, non ?
Les aptitudes fonctionnent de la même manière : il faudra mettre la main sur des livres du savoir disséminés à travers la carte. Chacun vous apprendra une aptitude que vous pourrez attribuer aux emplacements rapides (4 pour le tir à l’arc ; 4 pour le corps-à-corps).
Les compétences de leur côté ont évolué pour être condensées dans un arbre – sous forme de constellation, bien plus agréable et utile que dans Assassin’s Creed: Odyssey. On a une bien meilleure sensation de progression en débloquant les petits bonus de compétence, qui mènent eux-mêmes à des passifs très intéressants. Les développeurs ont en plus lié le plaisir de l’exploration à cet élément, puisqu’on n’a pas immédiatement accès à toute la constellation. Il faut progresser selon 3 voies (qui finissent par se rejoindre) pour découvrir les “nœuds” au fur et à mesure.
Si Ubisoft pèche du côté du scénario et des personnages, le studio affine en revanche très bien son gameplay.
On a une bien meilleure sensation de progression.
Et cela se ressent tant du côté de l’exploration que de celui des combats. En effet, qui l’eût cru ? Assassin’s Creed Valhalla va vous faire suer un peu au niveau de l’exploration. Adieu les coffres à récupérer en passant tranquillement : il faudra maintenant se creuser un peu la tête. Pas trop hein, juste ce qu’il faut pour que ça relève l’intérêt. Le level design s’est amélioré, avec des portes à contourner pour en briser le verrou ou des clés à trouver avant de pouvoir ouvrir un coffre précieux. Vous devrez ainsi trouver la seule solution possible pour mettre la main sur les richesses convoitées. J’ai notamment en tête un endroit où il fallait monter sur une plateforme dans un arbre pour tirer à l’arc sur le verrou de la porte de l’autre côté du bâtiment, à travers un trou dans le mur… L’intérêt n’en est que renforcé.
Ceux qu’on voit
Les combats sont également au cœur de l’aventure et là aussi, Assassin’s Creed continue de s’améliorer… en laissant peu à peu la composante assassinat de côté. En effet, je n’ai pas ressenti le besoin (et le jeu ne m’y a pas contraint) d’utiliser la discrétion avant au moins une trentaine d’heures de jeu. Il faut dire que les bugs n’ont pas aidé (se faire repérer derrière un mur, classique), et le fait qu’on peut découper les ennemis par paquet de douze non plus (test effectué en difficulté maximale de combat). D’ailleurs on ne comprend pas vraiment pourquoi Eivor récupère une lame secrète, puisque très sincèrement il n’a aucun besoin de se cacher et pourrait tout aussi bien utiliser sa hache.
En revanche, les combats se bonifient avec le temps. Les aptitudes épicent vraiment la recette et les ennemis “élite” sont intéressants à affronter. Cela donne des affrontements intéressants dans lesquels il est judicieux d’apprendre à parer pour diminuer la barre de résistance d’un adversaire et enfin lui assener une exécution scriptée pas piquée des hannetons (et différente pour chaque type d’ennemi).
Ubisoft a d’ailleurs eu une excellente idée : donner un intérêt à l’arc en plein affrontement. Désormais lorsque l’on vise à l’arc, des points faibles s’illuminent sur la cible. En toucher un détruit une barre de résistance et fait chanceler l’adversaire. On se retrouve donc à alterner en permanence combat au corps-à-corps et à distance pour venir à bout des ennemis, ce qui dynamise considérablement le combat et lui ajoutant une dose de défi optionnel (car vous pouvez tout-à-fait vous contenter de bourriner et esquiver).
Et lorsque les séquences d’assassinat deviennent un peu plus présentes, elles se révèlent également assez intéressantes même si on est de ce côté en terrain bien connu. On apprécie toutefois la possibilité de faire tomber des éléments de décor sur les ennemis et la compétence consistant à autoriser l’élimination d’un élite en un seul coup, en réappuyant sur la touche au moment où l’indicateur se trouve au bon endroit.
[L’alternance arc/corps-à-corps] dynamise considérablement le combat.
Assassin’s Creed Valhalla fait un clin d’œil à son passé en proposant de nouveau la gestion d’un village. On pourra ainsi construire des bâtisses afin d’apporter des fonctions supplémentaires à notre petit hameau et le faire grandir en une colonie prospère. On peut ainsi voir se développer nos bons vieux vikings tout au long de la partie tout en récupérant des services en rab, comme l’échoppe de tattoos ou la cabane de chasseur.
Et ce qu’il y a de bien, c’est que ça justifie les raids. Pour construire les bâtiments de votre village, vous aurez besoin de ressources, et celles-ci se trouvent justement dans les endroits à piller. Vous pourrez donc vous rendre aux lieux marqués sur la carte et souffler dans votre corne pour appeler vos alliés à l’assaut. Vous devrez alors massacrer les soldats (et non pas les civils parce que rappelez-vous, vous êtes un gentil viking <3) et piller les coffres pour remplir les vôtres.
C’est un point très positif puisqu’il légitimise les bastons ouvertes, qui n’avaient fondamentalement pas d’intérêt dans Assassin’s Creed: Odyssey. Ici, on a une véritable raison de déclencher des batailles rangées.
Hachement bien
Assassin’s Creed Valhalla est un très bon jeu qui s’éloigne malgré tout – ironiquement – du concept d’origine. Il s’agit à mon sens du meilleur opus de la nouvelle direction prise par la licence depuis Assassin’s Creed Origins, mais il accuse le coup côté animations, effets et longueur. Malgré cela, le plaisir de l’exploration n’a jamais été aussi intense qu’ici, avec une myriade de points d’intérêt à explorer (dont beaucoup vraiment intéressants, pour le coup) et un level design convainquant, qui s’autorise à demander au joueur de chercher rien qu’un tout petit peu. Les combats sont plus jouissifs que jamais et les compétences parfaitement adaptées à cette orientation de la licence. Ubisoft a tenu à choyer les fidèles de la première heure avec de nombreux rappels intelligents ça et là, et l’on apprécie le ton plus sombre et gore, même s’il n’est pas complétement assumé (rendez-vous au prochain ?).
Ce qu’on a aimé :
- Les raids et leur utilité
- La nouvelle gestion du loot et de l’équipement
- Le retour du développement de village
- Les combats dynamiques avec l’alternance arc/arme corps-à-corps
- Des paysages somptueux dans une Angleterre médiévale retranscrite avec goût
- Le level design et l’exploration mis en avant
- Des rebondissements surprenants
- Une ambiance à première vue plus sombre et mature…
Ce qu’on n’a pas aimé :
- … que l’on aimerait voir assumée jusqu’au bout
- L’histoire piétine car trop étirée
- Le manque de cohérence et de profondeur d’Eivor
- Les visages, animations et certains effets commencent à accuser le coup
Ce jeu est fait pour vous si :
Vous vous êtes toujours demandé ce que ça faisait de piller une abbaye, mais en restant bienveillant envers les civils
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
Vous vous êtes toujours demandé ce que ça faisait de piller une abbaye
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Configuration de test :
- PS4 Pro
Asssassin’s Creed Valhalla est disponible sur PC, PS4, XB1, XSX et PS5.