En attendant Hellblade 2, Ninja Theory s’est fait les dents dans un domaine où on ne l’attendait pas. Je n’en attendais pas grand-chose et me voilà agréablement surpris.
MOBAston
Quand Ninja Theory, le petit studio responsable du très surprenant Hellblade: Senua’s Sacrifice, annonce vouloir créer un jeu multijoueur en équipe, il est difficile de ne pas être inquiet. Comment un studio qui a su créer des aventures centrées sur leurs personnages et une narration soignée peut-il créer un jeu multijoueur dans un marché ultra saturé ? Faire différent… mais pas trop.
En effet, le premier truc qui frappe quand on lance Bleeding Edge, c’est cette sensation d’être terriblement générique malgré son approche brawler du jeu d’équipe à objectif : on capture des points de contrôle dans des teamfights en 4v4, avec des personnages aux capacités uniques aux rôles bien définis (dégâts, tank, soin). Si en plus le jeu est payant (mais inclus dans le Xbox Game Pass), on le voit mal percer avec tous ces jeux multijoueurs chronophages qui pullulent déjà de nos jours.
Pourtant, il serait dommage de s’arrêter aux apparences. Déjà parce que le système de combat a été pensé par le même combat designer que celui de DmC, mais parce qu’on est finalement loin d’un Overwatch (la comparaison la plus directe, à défaut d’avoir un gameplay similaire) ou d’un Anarchy Reigns (ou d’un Rise of Incarnates, pour rester dans le brawler bien jap’). Désolé, mes références sont moisies.
Parce que Bleeding Edge a un défi : rendre des combats bordéliques à 8 joueurs tactiques et intéressants à jouer en équipe. Et il y parvient le bougre. Facile à prendre en main, il n’est pas question d’apprendre des combos de guedin pour empêcher un joueur adverse de toucher le sol, mais d’avoir une synergie avec les copains en associant leurs diverses compétences à cooldown et contrôler les actions de l’adversaire. Fait étonnant, toutes les compétences à distance ou presque se servent du système de verrouillage (pas de skillshot), histoire que chacun ait un minimum d’efficacité dans l’arène.
Certaines mécaniques sont universelles aux différents combattants (combos simples, esquives, parades parfaites, hoverboards pour déplacements rapides), mais il y a un toujours un personnage pour sortir du lot et briser la monotonie d’un gameplay qui est toujours sur la corde raide de la redondance. Je retiens surtout ces ultis qui, contrairement à d’autres jeux du genre, sont bien équilibrés et en général utilitaires.
Avec un TTK assez élevé, les teamfights équilibrés peuvent être très longs, la victoire étant réservé à l’équipe qui arrivera à choisir efficacement ses cibles pour casser la cohésion des adversaires, car les tanks tankent beaucoup et les soigneurs soignent très fort. Quand tout le monde semble connaître sa classe et son rôle, il y a une belle coordination de groupe qui se crée. On comprend assez vite qu’un joueur en solo (même le premier kikoolol assassin) ne pourra pas faire grand-chose et que le fait de rester soudé est récompensé en permanence.
Le plus étonnant reste le fait que le jeu est — système de lock un peu foireux à part — plutôt lisible, malgré le chaos ambiant. Au bout de quelques parties, on comprend rapidement les forces et faiblesses des personnages (ce qui est le minimum syndical) et la façon “d’échanger” avec eux dans la mêlée, avec un joli travail des silhouettes afin d’être identifiables au premier coup d’œil.
La grille du PAF
Justement, il est difficile d’être véritablement fou de la direction artistique à priori quelconque au premier abord, mais franchement, on s’y fait (on ne peut pas dire non à un serpent mécanique à l’accent british qui contrôle un zombie vaudou). Ces combattants tout droits catapultés d’un énième MOBA ont du mal à se démarquer des autres productions du genre, mais tout cela est rattrapé par des animations dignes du studio.
Leur vraie personnalité transpire à travers leur façon de se battre et se déplacer, fluide et impactant quand il le faut. Il y a même certains traits qui font mouche sur ma personne, comme Makutu, le guerrier maori à la voix ultra fluette, ou Cass aux pattes acérées de poulet mécanique. Un côté semi-cartoon assumé qui rend très bien, à défaut d’avoir un univers vraiment intéressant ou mis en avant.
Là où on sent malheureusement que Bleeding Edge n’est qu’un side-project de Ninja Theory, c’est sur son contenu très maigrelet. 12 combattants, 5 cartes et seulement 2 modes de jeu. Heureusement, les cartes sont assez variées avec des dangers environnementaux punitifs qui dynamisent assez bien les rencontres.
Outre un futur personnage déjà annoncé (un dauphin dans un bocal géant qui contrôle un mech, rien que ça), il est difficile de voir de nombreux joueurs y passer des jours et des nuits sur un temps relativement long pour qualifier la vie de Bleeding Edge comme un succès. Certes, le titre est crossplay et son format en 4v4 rend le matchmaking très rapide, mais même si j’ai passé du bon temps sur le titre pour le besoin du test, je n’ai pas une envie irrépressible d’y retourner.
Avec une bonne trentaine de parties au compteur, j’ai malheureusement l’impression d’avoir déjà fait le tour.
Le système de progression n’aide pas non plus et a le cul entre deux chaises. Par exemple, chaque fin de match octroie un mod de compétences pour un personnage au hasard. Des améliorations intéressantes, mais pas de quoi changer radicalement le gameplay d’un perso. Il vaut mieux ne pas avoir de système de progression plutôt qu’un truc qui a été implémenté “histoire de”.
De la même manière, les options cosmétiques qui sont à la mode à notre époque sont encore en retrait. Pas de vrais skins en dehors de simples colorswaps, sans compter les deux emotes ou planches d’hoverboard qui se battent en duel. Cependant, Bleeding Edge ne semble pas compter — pour l’instant — sur des microtransactions pour perdurer. On dirait presque que Microsoft soit dans l’expectative des premiers retours des joueurs.
Petit brawler
Bleeding Edge n’est pas le jeu multijoueur insipide qu’il laisse transparaître. Avec une emphase sur le teamplay maîtrisée et de la profondeur de jeu là où on ne l’attendait pas, le titre de Ninja Theory surprend agréablement où tout le monde l’annonçait honteusement perdant. Bien qu’il soit payant pour un contenu encore rachitique, il s’agit d’un bel ambassadeur du Xbox Game Pass à ne pas sous-estimer, très agréable avec des amis pour peu qu’on lui donne réellement sa chance.
► Points forts
- Un gameplay plus profond qu’il en a l’air
- La teamplay avant tout
- Un roster équilibré et intéressant
- Des animations fluides, lisibles et percutantes
- Très plaisant avec de la coordination
- Un tutoriel qui va en profondeur
► Points faibles
- Direction artistique qui a quand même du mal à se démarquer
- Contenu déjà assez maigre
- Système de progression superflu/qui ne donne pas envie
- C’est parfois bien long de tuer quelqu’un
- Outil de communication pas pratique du tout
- Clavier/souris peu recommandé
Confinement pépère en arène
Configuration de test :
- GPU : NVIDIA RTX 2080 Ti
- CPU : Intel Core i9-9900k
- RAM : 32 Go DDR4
- Installé sur SSD