Le genre du RTS n’a plus vraiment le vent en poupe depuis quelque temps. Heureusement, Relic Entertainment veille au grain et apporte une suite à la légendaire licence Company of Heroes, 10 ans après un second opus magistral. Seulement, malgré une bonne volonté et de bonnes idées, Company of Heroes 3 éprouve une grande difficulté à faire bouger les lignes.
C’est reparti comme en 2013
Pourtant, la promesse démarre bien. Company of Heroes 3 donne la part belle à un théâtre de guerre assez méconnu de la Seconde Guerre mondiale : la conquête de l’Italie par les forces Alliées qui survient peu de temps après la chute de Mussolini, donnant une première impulsion vers la libération de l’Europe, moins d’un an avant le débarquement en Normandie.
Certes, on déplore l’absence du front de l’Est, ce qui fait que l’Armée rouge est absente des 4 factions jouables à la sortie de Company of Heroes 3, mais cela a donné la possibilité à Relic Entertainment de redoubler d’effort sur une campagne dynamique, fortement inspirée des derniers jeux Total War, alternant entre phases tactiques qui exploitent le gameplay de la série et phase stratégique sur une vaste carte du sud de l’Italie, donnant la possibilité de choisir son approche pour grignoter les défenses allemandes avant de s’attaquer à des objectifs majeurs.
Pour résumer avec des termes techniques : c’est pas ouf.
Ce n’est pas ouf parce qu’au bout de seulement une poignée d’heures, on se rend compte que l’aspect stratégique n’est qu’une illusion, et que la campagne d’Italie est bien plus linéaire qu’elle pourrait le laisser croire. Certes, il y a le contexte de la guerre qui pousse les forces Alliés à marcher vers Rome, mais la campagne en elle-même laisse terriblement peu de libertés au joueur qui souhaite trouver de lui-même la bonne stratégie pour avancer.
À chaque prise d’objectif, des généraux demanderont quelle est la prochaine marche à suivre, débloquant des bonus et améliorations en fonction des forces que l’on préfère utiliser. Le principe est intéressant, puisque cela donne un peu de contexte narratif sur le déroulé de la campagne, mais on aurait aimé que le jeu nous laisse complètement la main, puisque la progression devient particulièrement artificielle.
En seulement une poignée d’heures, on se rend compte que l’aspect stratégique n’est qu’une illusion, et que la campagne d’Italie est bien plus linéaire qu’elle pourrait le laisser croire.
S’enchaînent alors des soucis sur la relation entre les deux plans du gameplay dont l’alchimie qui ne prend tout simplement pas, et c’est le core gameplay de Company of Heroes qui en est le principal fautif… d’une certaine manière. Lorsque deux compagnies s’affrontent, leur rapport de force ne se manifeste uniquement par une condition de victoire plus ou moins facile à obtenir, et si on maîtrise bien les parties RTS – en exploitant notamment les faiblesses de l’IA – ces escarmouches ne sont que des formalités. Une auto-résolution est bien de la partie, mais au-delà de la flemme, rien n’encourage à s’en servir, puisque chaque participation offre des bonus d’expérience pour la compagnie.
De plus, une compagnie d’artillerie peut très bien s’en tirer face à une compagnie de blindés, logiquement avantagée, puisque leur nature n’affecte finalement que quelques unités et capacités spéciales à utiliser sur le terrain, et non tout le roster d’unités liées à la faction. Sans de vrais chamboulements sur la façon dont se déroulent les batailles à prise de contrôle direct, il est alors bien difficile de proposer quelque chose d’aussi organique que les batailles d’un Total War… et encore une fois, c’était pourtant la promesse de la campagne d’Italie.
Reste alors les missions scénarisées qui sortent tout de même du lot… mais dont la difficulté n’est plus indexée sur les capacités ou l’état de santé de la compagnie utilisée pour l’engager. On perd encore un peu plus de réactivité dans la campagne pour des missions classiques, mais qui ont l’avantage de proposer de vrais scénarios de combat.
Bon, ils ne pas sont tous réussis, mais on oublie au moins pendant un temps les gros problèmes de rythme lié à la campagne stratégique et sa gestion sommaire et non intéressante de la logistique. Et encore, je n’ai pas parlé des drôles de postes de défenses comme des nids de mitrailleuses échappées de la partie tactique qui tirent à plusieurs kilomètres de distance sur une compagnie qui rentre dans son champ d’action (c’est ce qui se passe si on veut justifier le truc), comme une tentative désespérée de dynamiser les prises de décisions durant la partie stratégique.
Benzin
Si la campagne d’Italie de Company of Heroes 3 n’est pas aussi engageante qu’on l’espérait, les joueurs qui préfèrent quelque chose de plus consistant pourront toujours se rabattre sur une deuxième campagne ! Plus classique cette fois, cet autre mode solo se focalise sur les faits d’armes de l’Afrikakorps, mené par le maréchal Rommel.
Durant une campagne bien trop courte d’une petite dizaine de missions, les joueurs peuvent découvrir l’unique faction inédite de Company of Heroes 3 liée à l’Allemagne, mettant en avant sa capacité d’improvisation qui a permis à Rommel décrocher son célèbre surnom de “Renard du désert“.
Appuyé par les seules troupes italiennes du jeu (et leurs Guastatori particulièrement abusés), l’Afrikakorps est reconnu pour ses tankistes redoutables et l’art de la débrouille. Les missions avec gestion de base sont peu nombreuses, et il faut prendre soin des quelques véhicules que l’on possède, ou bien retaper les épaves qui jonchent champ de bataille grâce à la grue mobile de 18 tonnes, quitte à piquer quelques pièces aux rosbifs.
Les Panzergrenadiers, le gros de l’infanterie de l’Afrikakorps, est même capable de réparer les chars sur le terrain, mettant l’emphase sur la survie – et donc la vétérance – de ces derniers. Si vous êtes un tankiste dans l’âme, l’Afrikakorps est faite pour vous.
Durant une campagne bien trop courte d’une petite dizaine de missions, les joueurs peuvent découvrir l’unique faction inédite de Company of Heroes 3 liée à l’Allemagne : l’Afrikakorps.
Dans un genre un peu différent, la campagne de l’Afrikakorps donne également un drôle de mélange des genres : si le joueur retrace les faits d’armes – et coups bas – de Rommel contre les forces britanniques et australiennes, la narration entre les missions se concentre alors sur une famille juive de Benghazi, via une correspondance entre un père combattant au côté des Alliés et de sa fille qui vit sous le joug des Allemands.
Si l’idée est intéressante sur le papier, mettant en opposition Rommel qui prend la guerre pour un jeu et les horreurs exercées sur la population locale, le résultat est clairement peu convaincant, l’échange épistolaire se résumant trop souvent par “les Anglais perdent du terrain. J’ai peur. – moi aussi, papa”. Les phases narrative et de gameplay semblent complètement déconnectés, et on a du mal à se sentir impliqué.
C’est d’autant plus grave que la campagne s’arrête tout juste après la première bataille d’El Alamein, étant la dernière victoire majeure de Rommel. La narration s’enchaîne alors sur la déroute de l’Afrikakorps, alors que l’on n’a pas eu l’occasion de l’expérimenter nous-mêmes.
Un petit potentiel gâché, taché par des missions aux objectifs et aux événements parfois incompréhensibles qui rendent les missions bien plus compliquées que nécessaires, quand d’autres sont de véritables promenades de santé grâce à une mise en situation avantageuse, basée sur des faits historiques, certes, mais qui ne mettent pas en valeur les compétences du joueur.
Rengagez-vous
Si les deux campagnes de Company of Heroes 3 ont un mal fou à justifier leur existence, que reste-t-il ? Bah, pas grand-chose, si ce n’est le core gameplay signature de la série. C’est déjà ça.
Pourtant, de gros efforts ont été apportés pour soigner le gameplay, régler les problèmes fonctionnels du second épisode et apporter un peu de qualité de vie à l’ensemble, raffinant les mécaniques d’un RTS qui reste grisant quand on maîtrise ses arcanes sur le bout des doigts. Le décor et les bâtiments sont destructibles comme jamais, les combats de blindés ont été approfondis et le pathfiding de l’infanterie profite d’une réactivité avec le décor à toute épreuve.
Mais justement, bien que ces réajustements soient les bienvenus, un joueur habitué de la série qui campe encore Company of Heroes 2 va peut-être trouver le repassage en caisse difficile à justifier, puisque cette nouvelle mouture manque clairement de contenu destiné aux escarmouches et joutes multijoueurs, notamment par la présence de seulement 4 factions.
Bien que ces réajustements soient les bienvenus, un joueur habitué de la série qui campe encore Company of Heroes 2 va peut-être trouver le repassage en caisse difficile à justifier.
En dehors de l’Afrikakorps qui profite d’un gameplay qui met en avant son sens de l’improvisation, et une refonte du système des spécialisations qui permet de s’adapter au fil de la bataille, les autres factions (forces britanniques, américaines et la Wehrmacht) proposent peu ou proue les mêmes dynamiques de gameplay que dans Company of Heroes 2, sans oser toucher aux fondamentaux.
Malheureusement, si on veut vraiment pinailler en pointant les différences, il faut aussi souligner une immersion en deçà de l’épisode précédent, pourtant cher à la série et aux productions de Relic Entertainment dans un sens plus large. Toutes les unités parlent anglais (il n’y a pas de doublage en français cette fois-ci), les soldats ne bavardent plus entre eux, les petites animations qui donnaient vie au champ de bataille sont cantonnées au strict minimum, et même s’il est question de faire revivre le tumulte brut de la Seconde Guerre mondiale, la direction artistique manque ce je-ne-sais-quoi pour rendre l’ensemble cohérent, avec des couleurs tristounes qui peut rendre l’identification des unités plus ardue que nécessaire.
Guerre à trancher
Malgré un développement conjoint avec la communauté et 10 années pour digérer les grandes forces et les faiblesses de Company of Heroes 2, Relic n’a pas réussi à proposer un 3e épisode à la hauteur des espérances. Le core-gameplay a été raffiné pour plaire aux amateurs de RTS tactiques à la microgestion poussée, mais avec deux campagnes aux promesses non tenues, un contenu limité et relativement peu de prises de risques, il est difficile de recommander un passage en caisse plein pot. Seul le mode multijoueur et les escarmouches contre l’IA en coop permettent de réellement s’amuser, mais les manques finitions ci et là, ainsi que certains changements dans les logiques de gameplay, ne devraient pas convaincre les fans hardcore de sauter le pas.
Ce qu’on a aimé :
- Bon, il y a quand même deux campagnes complètes
- Beau lissage des mécaniques de la série…
- Du beau spectacle
- Mods déjà supportés
Ce qu’on n’a pas aimé :
- … mais zéro prise de risque
- Campagne d’Italie faussement stratégique
- IA partie sur le Front de l’ouest
- Malgré le chaos, immersion paradoxalement en berne
- 4 factions seulement
- Pause active gadget
Ce jeu est fait pour vous si :
Il vous faut absolument votre dose de RTS tactique.
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
Vous espériez un mode Grand Strategy comparable à Total War ; vous jouez encore activement à Company of Heroes 2.
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Configuration de test :
- GPU : NVIDIA RTX 2080 Ti
- CPU : Intel Core i9-9900k
- RAM : 32 Go DDR4
- Installé sur SSD
Company of Heroes 3 est disponible sur PC.