Vous souvenez-vous de cet épisode de Noël un peu chelou de South Park, où des animaux de la forêt tout mignons vouaient un culte à la gloire de Satan, avec tous les rituels dérangeant qui allaient avec ? Cult of the Lamb, c’est un peu ça, sauf que c’est vous qui êtes à la tête d’une communauté d’adeptes qui dédient leur vie à votre grandeur. Et c’est diaboliquement bon.
(pas si) Doux comme un agneau
Vous êtes l’Agneau, une créature de la forêt comme une autre, bonne qu’à être sacrifiée dans le cadre de rituels ésotériques liées à d’anciennes croyances obscures. Alors que vous sentez le fil de la hache sacrificielle toucher la laine de votre nuque, une étrange entité hors de l’espace et du temps prend pitié de vous : Celui qui attend.
Cette divinité ancienne accepte de vous sauver en échange d’une simple petite faveur : vouez-lui un culte, faites-le grandir pour gagner en puissance, puis tuez les mécréants qui espéraient s’en être débarrassé pour l’éternité. Entre la violence dépeinte et les thèmes abordés, Cult of the Lamb est vachement dark…
Alors, pourquoi bordel ce jeu est-il si mignon ?!
C’est clairement grâce à cette opposition entre une présentation toute kawaï et l’exploitation de l’imaginaire qui gravite autour de l’occultisme que Cult of the Lamb a fait un petit buzz l’année dernière lors de son annonce à la Gamescom. Au-delà de ce constat, il faut avouer que le titre dégage une sacrée personnalité, ce qui devrait réjouir tous les amateurs de mixtures interdites.
On ne va pas se mentir, et jusque dans le gameplay, The Binding of Isaac – et d’autres œuvres qui ont fait l’âge d’or de Newgrounds – a été une grosse inspiration pour Massive Monster, et si le mélange 2D/3D peut provoquer quelque soucis de lisibilité en action, le titre est assez sublime dans son ensemble, avec une direction artistique qui trouve le parfait équilibre entre le mignon et le moins mignon, bien que le gore et les éléments qui tendent vers l’horrifique soient surtout implicites. Et puis, qu’est-ce que ça bouge bien…
Mais là où Cult of the Lamb est une expérience vraiment complète, outre d’être un mélange étrange en deux ambiances bien distinctes, c’est que le titre est aussi – et surtout – un mélange des genres. Et un truc bien, bien foutu, de surcroît.
Dualité moribond-groupuscule
Si les premiers instants font penser que vous allez jouer à un rogue-lite entre Isaac et Hades, c’est un peu le cas. Il n’y a que trois boutons, l’action est frénétique et les salles sont dépeuplées en une poignée de secondes.
Il y a une science de la cinétique dans la partie action de Cult of the Lamb, et si l’équilibre entre l’attaque et l’esquive requière un peu de doigté pour éviter de prendre des coups inutilement, c’est un vrai plaisir de trancher de l’hérétique à toute berzingue. Une run moyenne dure moins de 10 minutes, et il y a tout plein de petites fonctionnalités de qualité de vie qui réduisent encore davantage les temps morts.
Malgré des cartes qui permettent d’apporter quelques bonus et rallonger la barre de vie, certains pourront reprocher à Cult of the Lamb un manque flagrant de profondeur sur sa partie rogue-lite. La possibilité de créer des builds est réglé à son strict minimum, et même si certains maléfices sont chouettes à utiliser, ça manque de variété dans les outils de gameplay.
Mais c’est quand on ramène pour la première fois du butin taché du sang des hérétiques à son culte que l’on comprend la belle synergie qui subsiste entre les deux gameplays. Eh oui, Cult of the Lamb est aussi un jeu de gestion, bien accrocheur de surcroît.
C’est qu’il faut la bichonner sa petite communauté de fidèle : leur donner un toit, à manger (c’est vous qui faites la tambouille) et un environnement propre (c’est vous qui ramassez leur caca) pour éviter qu’ils tombent malade… parce qu’un fidèle cloué au lit n’a pas la capacité de travailler.
Au fil de la progression et au fur et à mesure que votre troupeau s’agrandit, les fidèles finissent par s’occuper eux-mêmes des tâches ingrates, et on ressent cette petite satisfaction d’être au sommet de la pyramide de Ponzi quand tout le monde s’active pour faire tourner la boutique.
Des fidèles satisfaits, ce sont des fidèles dévoués, et leur dévotion est la clé de la puissance de l’Agneau, qui s’en ira alors châtier quelques hérétiques de plus pour la gloire du Culte… et récupérer quelques matériaux précieux nécessaires à l’évolution du camp, avec des embranchements qui devraient aider à terminer les tâches prioritaires. C’est une boucle de gameplay extrêmement bien rôdée et addictive, où la dualité des gameplays qui se répondent parfaitement font qu’on ne s’ennuie jamais.
Malheureusement, à l’instar de la partie action, la partie gestion manque également de profondeur, et c’est d’ailleurs là où c’est le plus dommageable. La partie simulation reste trop en surface, et le caractère des différents fidèles est un paramètre que l’on finit rapidement par ignorer complètement.
Pourtant, Cult of the Lamb ne manque pas de dilemmes à proposer, notamment via de puissants rituels qui permettent de traverser de mauvaises passes. Plus rien à bouffer ? Dites à vos fidèles que ne rien manger pendant 3 jours est un acte de dévotion, et leur ventre gargouilleront avec ferveur. Trop de vieux croulants plus capables de travailler ? Ils seront ravis de donner leur vie en sacrifice à la gloire de l’Agneau. Vous êtes obligé d’enchaîner les donjons, quitte à délaisser la gestion du camp ? Le rituel des champignons les convaincra que tout va bien dans le meilleur des mondes, quoi qu’il arrive en votre absence. Oh, et puis un mariage de temps en temps, ça met un peu de d’ambiance, même si les relations amoureuses vous sont réservées exclusivement. Attention à la jalousie qui guette, cependant.
À vous de voir si voulez être un gourou aimant et magnanime, ou bien sinistre et sans pitié selon les rituels que vous débloquez. Le titre a eu la bonne idée de ne pas être trop regardant sur votre manière de gérer votre culte, ne vous handicapant jamais vraiment sur le type de management que vous optez. Et c’est cool.
En parallèle des donjons et du camps, quelques activités annexes permettent de multiplier les sources de monnaie et de ressources, jusqu’à devenir complètement craqués si on s’y prend bien. C’est là que les avis divergeront peut-être, mais Cult of the Lamb sait justement s’arrêter quand il faut, quand l’intérêt de chaque gameplay arrive à bout de souffre, à la frontière de l’ennui dû à la répétition des tâches et du manque de choix cornéliens et de perspective d’évolution.
Le titre de Massive Monster semble conscient de ses propres faiblesses, mais arrive justement à les transformer en force, par le simple fait de ne pas avoir l’ambition de proposer une expérience rogue-lite ultra rejouable. Comptez 15 heures pour terminer une partie, et vous en serez très satisfaits. Bon, on ne comprend pas trop comment le studio pourrait ajouter du contenu à un titre au scope aussi carré, mais c’est pourtant son envie d’apporter des mises à jour de contenu dans le futur. Simples éléments cosmétiques pour personnaliser son camp ou mécaniques de gameplay pour étendre le plaisir, malgré le plafond de fin de jeu ? La question est posée.
Un pied dans le culte
Cult of the Lamb n’est pas le rogue-lite profond que les drogués à Isaac recherchent, ni un jeu de gestion de communauté à la simulation poussée qui vous fera lâcher Oxygen Not Included, mais une double boucle de gameplay sacrément bien ficelée et addictive, en plus d’avoir une très bonne bouille. On prend plaisir à décimer des donjons sur le pouce, pour revenir triomphant dans son culte auquel on s’attache vraiment. Régner par une démonstration de puissance brute ou par pure compassion (intéressée), le choix est à vous, mais son ambiance ésotérique faussement mignonne ne laissera personne indifférent.
Ce qu’on a aimé :
- Direction artistique bi-goût d’une justesse redoutable
- Partie action cinétique et efficace…
- Partie gestion addictive qui pousse à l’évolution…
- Un tout étonnamment cohérent
- Peu regardant sur votre manière de gérer le culte
- Bande originale de folie
Ce qu’on n’a pas aimé :
- … mais à l’aspect rogue-lite cantonné au minimum
- … mais qui balaie certaines contraintes bien trop rapidement/facilement
- Soucis de lisibilité quand les projectiles se multiplient
- Quelques bugs de simulation assez gênants
- Pas des plus fluides sur Switch
Ce jeu est fait pour vous si :
Vous pensez que deux gameplays valent mieux qu’un ; vous êtes un brin égocentrique
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
Vous recherchez un rogue-lite profond ; la religion, c’est vraiment pas votre truc
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Configuration de test :
- GPU : NVIDIA RTX 2080 Ti
- CPU : Intel Core i9-9900k
- RAM : 32 Go DDR4
- Installé sur SSD
Cult of the Lamb est disponible sur PC, consoles PlayStation, Xbox et Nintendo Switch.