6 ans après le second volet, Darksiders III signe enfin le retour de la franchise sous la tutelle de Gunfire Games. L’intrépide Fury est cette fois-ci en selle mais est-elle à la hauteur de ses frérots ?
Fury est furax
Qui dit troisième jeu, dit troisième cavalier et c’est d’ailleurs une cavalière puisque Darksiders III nous fait incarner Fury, guerrière au sang chaud et sœur des 2 précédents protagonistes de la licence, Guerre et Mort. Armée d’un fouet dont même un pratiquant hardcore de BDSM ne voudrait pas et de pouvoirs magiques divers et variés, l’héroïne est parée à en découdre.
Décrite comme la plus imprévisible des 4 cavaliers de l’apocalypse, Fury pose très vite les bases de sa personnalité, puisqu’à l’exception de son fidèle destrier Rampage — et de ses 3 frères mais pas trop quand même — Fury n’a aucune attache envers qui ou quoi que ce soit et ne souhaite qu’une chose : se défouler et exploser quelques crânes.
L’histoire de Fury se déroule, à l’instar du précédent jeu, en parallèle de celle de Guerre. Non pas qu’il s’agisse là d’une surprise, mais on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine déception quand cela fait maintenant 8 ans que nous restons la bouche ouverte après l’épique final de Darksiders premier du nom. La mêlée générale entre les cavaliers, le ciel et les enfers devra encore attendre.
L’histoire débute avec une nouvelle introduction du conseil ardent, qui se rappelle à nos bons souvenirs en présentant ce cher Guerre, enchaîné pour avoir soi-disant causé une apocalypse prématurée.
Petite piqûre de rappel : les événements du 1er titre amenaient toutefois le cavalier à découvrir la supercherie du Conseil et à se mettre à dos non seulement ce dernier, mais aussi les anges et les démons.
Les fans de la première heure auront donc vite compris que les machinations du Conseil Ardent allaient ici inclure Fury. Notre cavalière est sollicitée pour capturer/neutraliser les sept péchés capitaux, libérés lors de la bataille finale qui opposait le ciel aux enfers.
Contrairement à Mort qui ne jurait que par l’innocence de son frère, Fury ne se pose pas trop de questions, et en vient même à se payer la tête de ce bon vieux Guerre. Voyant là l’occasion rêvée de sortir de son ennui, elle n’est pas difficile à convaincre et débute ainsi sa traque.
Darksoulders
Lors de sa sortie en 2010, Darksiders avait créé la surprise avec sa formule mélangeant une multitude d’influences. Le titre s’inspirait en effet des grands noms de la scène vidéoludique tel que God of War, Prince of Persia, Zelda ou encore Portal. Une recette éclectique et malgré tout parfaitement maîtrisée qui a su hisser l’œuvre de Vigil Games parmi les grands noms du jeu vidéo.
Zelda laisse plus ou moins sa place à Dark Souls.
Le troisième opus entendait bien perpétuer son héritage en conservant ce mélange de références qui a fait sa force. Toutefois, cela ne l’a pas empêché de prendre une autre direction : Zelda laisse plus ou moins sa place à Dark Souls.
Gunfire Games a donc pris le parti de reprendre librement les codes des jeux de From Software. Que ce soit dans le gameplay, la progression ou le level design, on ne peut s’empêcher de voir le modèle. Les coffres laissent place à des objets au sol disséminés un peu partout, l’augmentation de niveau se fait en dépensant des âmes collectées sur les monstres et le démon Vulgrim fait ici office de feu de camp — à quelques détails près.
Et l’influence Darksoulsienne ne s’arrête pas là : Darksiders III se veut sacrément ardu, et à ce niveau c’est presque un euphémisme. Sur ce point bien précis, le titre n’a rien a voir avec ses prédécesseurs.
Darksiders III se veut bien plus exigeant et le moindre ennemi doit être pris en compte. Résultat des courses, l’approche des combats se veut plus méthodique. On cherchera la plupart du temps à affronter un seul adversaire afin de s’éviter une amère défaite. Les « packs » peuvent s’avérer être un véritable challenge et vite se transformer en cauchemar.
Nombreux sont les monstres qui attendent d’attaquer par surprise, il faut donc être constamment sur ses gardes ; certains sont invisibles, certains se cachent derrière une palissade ou un mur, tandis que d’autres tombent du plafond.
Comme on n’est pas trop vache chez Gunfire Games, le titre propose plusieurs niveaux difficultés, ce qui permet entre autres aux joueurs moins enclins à apprécier la fibre Dark Souls de profiter du jeu.
On cherchera la plupart du temps à affronter un seul et unique adversaire pour se préserver d’une amère défaite.
En découlent inévitablement des mesures « préventives » dans notre façon de jouer. On a tendance à se contenter des combos les moins « risqués » et à concentrer son attention sur les coups ennemis afin d’en assurer les esquives – esquives offrant d’ailleurs un ralenti très succinct qui n’est pas sans rappeler une certaine sorcière de chez Platinum Games.
Ainsi à l’inverse des 2 opus précédents, le gameplay, aussi dynamique et réussi soit-il ne permet pas vraiment de faire valoir le “style” lors des combats. Ces derniers se veulent dorénavant plus techniques et moins hack’n slash — un aspect qui tend à diverger en fonction du niveau de difficulté choisi.
Quant aux ennemis eux-mêmes, beaucoup s’avèrent être un véritable calvaire à gérer. Entre ceux qui te suivent jusqu’au bout du monde, ceux qui te balancent des épées dans la tronche pendant que t’affrontes leurs potes et ces enf***** qui t’annihilent en un coup, autant dire qu’on est loin d’une balade de santé. Évidemment, on a même le droit aux vicieux archers…
Néanmoins, le titre ne vise pas la (complète) frustration du joueur. Ainsi, bien que la mort entraîne la perte des âmes, celles-ci pourront être récupérées même s’il arrive que l’on meurt de nouveau entre-temps. La progression se montre de fait des plus stables, le joueur étant en mesure d’évoluer et d’augmenter ses attributs quoi qu’il advienne.
Pas de quoi fouetter un péché
Traquer les sept péchés capitaux implique de les affronter à un moment ou à un autre. Et là encore on ressent l’influence des titres de FromSoftware dans la mise en place des escarmouches contre les boss. Ces derniers sont les seuls événements — ou presque — accompagnés de musiques : un choix qui sert l’épique de la scène et l’intensité des combats.
Malheureusement et en dépit d’une volonté certaine de faire les choses en grand, ces moments n’ont pas autant de panaches qu’on pourrait l’espérer. Non pas que la difficulté ne soit pas au rendez-vous — je connais une manette qui a manqué plus d’une fois de faire son baptême de l’air — mais leurs patterns s’avèrent peu inspirés et on prend très vite le coup de main.
Cela n’empêche pas d’avoir certains combats qui sortent du lot et qui ne manquent pas de laisser leur marque. D’autant que la majorité dispose d’une mise en scène plutôt réussie, bien que souvent assez timide.
Fort heureusement, les boss un peu ternes n’enlèvent rien au plaisir procuré par un gameplay qui entend trouver ses marques entre la technique et le hack’n slash bourrin à souhait.
Comme dit plus haut, la difficulté acérée du titre empêche toutefois bien souvent de « combotter » comme on le voudrait, ou du moins pas avant d’avoir maîtrisé les esquives et mémorisé la majorité des coups ennemis. Pour beaucoup, il s’agira là d’un aspect alléchant dont la présence donne l’envie de se surpasser toujours un peu plus.
Darksiders III propose un gameplay qui trouve ses marques entre la technique et le hack’n slash bourrin à souhait.
Ledit gameplay offre également un panel de coups assez variés, enrichi par l’acquisition de pouvoirs nommés « Abysses ». La forme adoptée se reflète dans les cheveux de Fury et la dote d’une arme supplémentaire bien précise (nunchaku, marteau, doubles lames….).
Ces pouvoirs interviennent aussi dans la progression globale, puisqu’ils permettent à la cavalière de marcher sur et sous l’eau, dans la lave, etc.
Mad Fury Road
Au milieu de toutes ses qualités, Darksiders n’a jamais réellement prétendu à un scénario irréprochable. Néanmoins, il était toujours servi par des personnages profonds et intrigants, en proie à traîtrises et conspirations divines.
De son côté, Darksiders III pèche un peu dans ce domaine — sans mauvais jeux de mots. La dimension apocalyptique est toujours aussi bien retranscrite, mais l’écriture peine à justifier une histoire qui se place une fois de plus en parallèle avec les autres.
Pour autant, on ressent toute la bonne volonté des développeurs dans la structuration du récit. Fury connaît une véritable évolution tout au long au de l’aventure alors qu’on se trouvait sur une base de « tout ce que je veux c’est bousiller des trucs ».
Fury connaît une véritable évolution tout au long de l’aventure.
Chaque rencontre avec un des péchés capitaux apporte son lot de réflexions qui atteignent aussi bien la cavalière que le joueur, mais reste un tantinet en deçà des enjeux évoqués dans les autres titres.
Cela n’empêche pas Darksiders III d’avoir son pesant de conspirations et machinations célestes/infernales dans une intrigue pas dénuée d’intérêt.
Qui plus est, l’aventure s’avère très bien rythmée tout du long. On ne ressent jamais vraiment de lenteur ; on reste la plupart du temps plongé dans l’action sans que les quelques cinématiques ne viennent briser la cadence.
Level design au service de la veuve et l’orphelin
Lorsqu’il s’agit de définir la qualité du design et/ou de la patte graphique de la licence, les avis vont d’un extrême à l’autre. Malgré ses thématiques fortes versées dans l’hyperbole religieuse et son concept post-apocalyptique, Darksiders apparaît tantôt très coloré tantôt grisâtre au possible.
En dépit de l’absence de Joe Madureira (célèbre artiste de comics en charge du design des 2 premiers jeux), la direction artistique s’avère toujours aussi solide, avec des décors qui valent le coup d’œil ainsi qu’un character design toujours aussi typé et efficace au service de l’univers.
Mention spéciale à Fury qui, hormis une chevelure qui part souvent en cacahuète, dispose d’un design particulièrement bien travaillé et n’a pas à rougir devant ses frérots.
Toujours dans l’optique de revisiter un peu la formule, Darksiders III propose bien moins d’énigmes à la Zelda et balance au cachot les donjons. Un choix qui parvient à trouver son attrait grâce à un level design bien pensé et maîtrisé de bout en bout, qui récompense plus que jamais l’exploration dans un monde interconnecté.
La progression reste quant à elle toujours plongée dans le Metroidvania, si cher à la licence. Chaque forme de Fury que l’on débloque (4 au totale) ouvre de nouvelles possibilités, que ce soit dans l’avancée du récit ou dans l’exploration. Choses qu’encore une fois le level design sert à merveille en permettant de débloquer divers raccourcis au fur et à mesure, ce qui dispense de tout aller-retour inutile et sans saveur.
Le level design sert à merveille le rythme et la progression du jeu.
Pour renforcer l’immersion du joueur, le titre ne propose aucune carte. Il se contente de fournir une sorte de boussole indiquant le péché le plus proche ; un élément qui a le mérite d’exister, mais qui n’est au final pas vraiment utile.
On peut réaliser le même constat avec la disparition des coffres. Ces derniers étaient des éléments qui, comme dans un Zelda, ne cherchaient jamais à justifier leur présence. Cela paraît plutôt anodin en l’état, mais la cohérence globale de l’œuvre n’en est que renforcée.
Que trépasse si je faiblis !
Gunfire Games délivre ici un Darksiders III qui respecte le matériau de départ tout en y apportant son lot d’éléments bienvenus. Si le titre ne révolutionne pas la formule instaurée pas Vigil Games, il parvient tout de même à revoir sa recette de pot pourri vidéoludique lui procurant une identité bien à lui. Le parti pris de mettre sur le banc de touche son statut de Zelda-like pour se laisser aller à une approche plus DarkSoulsienne offre une expérience inédite.
Plus difficile, plus exigeant et plus frustrant que ses prédécesseurs, Darksiders III délaisse le bourrinage stylisé au profit de combats plus méthodiques et réfléchis, en phase avec sa protagoniste. On regrettera un tantinet le manque de saveur des combats de boss, mais on saluera un level design parfaitement maîtrisé pour un monde ouvert qui ne diverge pas de son but premier : être le plus immersif possible.
Loin d’être exempt de défauts et laissant quelque peu transparaître un certain manque d’ambition – et un soupçon de déjà-vu – ce troisième volet apporte un léger vent de fraîcheur pour une licence qui a encore beaucoup à nous raconter.
► Points forts
- Fury
- Gameplay dynamique
- Les pouvoirs “Abysses”
- Level design remarquable
- Monde ouvert qui va droit au but
- Progression à la Metroidvania
- Difficile, exigeant : de la souffrance comme on l’aime
- Une belle variété d’adversaires
- L’IA des ennemis
- Direction artistique toujours au top
- Les combats de boss…
- Une bande-son épique…
► Points faibles
- Les cheveux de Fury partent parfois en sucette
- La synchro labiale aussi
- Des cutscenes qui manquent de panache
- Puzzles et énigmes faiblardes
- Où sont passés les “finish moves” ?!
- La caméra allergique aux murs
- VF qui peine à convaincre
- … bien que la plupart soient oubliables
- … mais trop rare
Le coup de fouet agréable
War Legend a bénéficié d’une copie presse Ps4 fournie par l’éditeur de ce jeu.
Darksiders III est disponible sur Xbox One, PS4 et PC.