Suite à un spin off réussi, mais non canonique, Devil May Cry revient après plus de 10 ans d’absence avec un cinquième épisode afin de montrer à la jeune génération en quoi consiste un vrai jeu d’action complet.
“Appuie sur ma détente démoniaque”
Créé en 2001 par le légendaire concepteur à l’égo surdimensionné Hideki Kamiya (Viewtiful Joe, Okami, Bayonetta), Devil May Cry avait su révolutionner le genre du beat’em up en 3D avec un système de combat varié, impressionnant visuellement, mais ultra exigeant, avec une mise en scène ridiculement badass donnant le beau rôle au légendaire chasseur de démon à la chevelure argentée : Dante.
Tôlier de la licence depuis Devil May Cry 2, le défi d’Hideaki Itsuno avec Devil May Cry 5 était de taille : donner aux fans de la première heure le plaisir de jouer à nouveau à un Devil May Cry dans un contexte de l’industrie où le moindre AAA trop coûteux passe ou casse (il faut savoir plaire au grand public). Avec l’approche américaine de Ninja Theory qui avait su réinventer avec brio le gameplay de la série, il était difficile de revenir avec quelque chose de plus classique, et pourtant, ça fonctionne.
Manette en main, on retrouve immédiatement ses marques
Manette en main, on retrouve immédiatement ses marques. Nero est à nouveau le protagoniste principal de ce cinquième opus, mais avec sa bonne grosse tête à claques d’emo-androgyne à la japonaise en moins (les goûts et les couleurs). Malgré un moteur moderne, le feeling est le même tel qu’on l’a laissé il y a dix ans, mais de nouvelles mécaniques de gameplay à priori anodines au premier abord changent complètement la donne une fois qu’on a compris leur principe et leurs subtilités.
En plus de Nero, on peut de nouveau compter sur la présence de Dante, plus bourru que jamais, et de l’énigmatique V, le client de Devil May Cry qui semble cacher quelques secrets. Chacun des personnages possède un style de jeu complètement différent, tellement qu’il est parfois dur de passer de l’un à l’autre sans être perdu au niveau de la mémoire musculaire, mais cela participe énormément à la variété de gameplay de ce Devil May Cry 5.
En plus de Nero, on peut de nouveau compter sur la présence de Dante, plus bourru que jamais, et de l’énigmatique V, le client de Devil May Cry qui semble cacher quelques secrets.
Même si Trish et Lady sont présentes, on peut tout de même trouver regrettable qu’on ne puisse pas jouer avec, faisant office de simples support moraux aux trois protagonistes masculins avec un impact sur le scénario très minime. Elles ont pourtant toutes deux été jouables dans d’anciens épisodes. Voilà, ça, c’est dit. Heureusement, le rapport numérique se rééquilibre avec la délicieuse Nico, la petite fille de l’armurière qui a créé les flingues de Dante, Ebony et Ivory. Chacune de ses interventions est souvent un moyen de se marrer un bon coup avec sa personnalité caustique, mais intéressante. Mention spéciale à son van qui fait limite office de personnage secondaire, où chacune de ses apparitions est aussi fendard qu’absurde.
Beau comme un diable
On ne va pas s’attarder sur le scénario très surfait aux moments clés très inégaux, mais qui fera plaisir aux connaisseurs : le fan-service est bien présent et le titre fait énormément d’allusions et références aux précédents opus, et tout particulièrement le premier. Quelques rebondissements sympathiques sont à prévoir, mais le plus important, c’est qu’on retrouve cette ambiance entre deux tons qui a fait le sel de la série. Entre deux conversations sérieuses, la mise en scène n’oublie pas d’être tout simplement fun quitte à sombrer dans l’absurde, nous offrant des scènes cinématiques impressionnantes, des cascades improbables et des personnes irrévérencieuses qui s’amusent même dans les pires situations.
La narration est tout de même intéressante, car la chronologie des événements est mélangée, chaque personnage pouvant en croiser un autre (sans pour autant interagir avec). Ça sera l’enregistrement des actions d’un autre joueur que vous verrez, quand vous ne jouez pas directement en coopération. Ces missions de vraie coopération sont bien trop rares, mais révèlent un certain potentiel qu’on estime (très) sous-exploité. Il sera possible d’envoyer un compliment au joueur pour lui faire gagner des bonus, mais la plupart du temps, on ne l’aura même pas remarqué. Sûrement une manière de préparer le terrain pour le seul DLC (gratuit) du jeu prévu à cette date : le Palace Sanglant, déjà connu des joueurs de DMC 4.
Le plus important, c’est qu’on retrouve cette ambiance entre deux tons qui a fait le sel de la série.
Si on pouvait avoir des réserves sur la nouvelle direction artistique de Capcom qui tend à pencher le plus possible vers le réalisme, le RE Engine inauguré avec Resident Evil 7 et parfaitement maîtrisé dans le remake de RE2 fait une fois de plus des merveilles. Les protagonistes font beaucoup moins “personnage de jeu vidéo japonais”, mais on reconnaît toujours la patte Devil May Cry. Les animations sont extrêmement fluides et organiques, et les visages des personnages sont très expressifs. Le tout à 60 FPS, s’il vous plaît. Le jeu est la preuve que l’on peut avoir un titre au gameplay classique et rigide couplé à un moteur moderne dernier cri.
Malheuseuement, dès qu’il s’agit de level design, après la première moitié du jeu, on est assez déçu. C’est justifié par le scénario, mais les environnements n’arrivent plus à se renouveler et on parcourt les mêmes couloirs pendant un moment, avec une certaine redondance qui finit par s’installer. Heureusement qu’il se passe des trucs avant qu’on se fasse très chier. Pourtant, les premiers niveaux possèdent un souci du détail très prononcé et de nombreux éléments sont destructibles de manière impressionnante, ajoutant un effet dramatique aux combats.
Malheuseuement, dès qu’il s’agit de level design, après la première moitié du jeu, on est assez déçu.
À cela, on peut quand même rajouter que le jeu est très (trop) linéaire. Les rares énigmes sont extrêmement basiques (Dante s’en moque même à un moment) et on enchaîne les combats sans trop y faire attention. Pourtant, de nombreux secrets sont disséminés dans les niveaux avec des récompenses à la clé, et il est très facile d’en louper tellement certains sont retors, à commencer par le retour des missions secrètes à trouver.
Si Devil May Cry 5 possède quelques thèmes musicaux marquants, un pour chaque personnage avec des courants de musiques extrêmes différents, l’ambiance musicale a du mal à nous transporter pendant tout le jeu. Le petit côté sympa tout de même est que, plus votre note de style est haute, plus la musique de combat est présente. Voilà de quoi motiver à jouer mieux.
Hack’n Slash
Chaque personnage apporte alors sa pierre à l’édifice du saint-gameplay, et le moindre que l’on puisse dire, c’est que c’est toujours aussi hardcore, avec des contrôles à la limite du jeu de baston. Les timings sont toujours aussi serrés et délaisser la variété des coups spéciaux pour la simplicité ne vous avancera pas à grand-chose. Pour ceux qui sont juste là pour le lolz et qui n’ont pas envie de s’embêter à apprendre des mécaniques de jeu qui partent dans tous les sens, le mode automatique est toujours là pour ça.
Nero au bras démoniaque… n’a plus son bras démoniaque. À la place, Nico lui a confectionné des bras mécaniques appelés Devil Breakers que Nero va s’amuser à interchanger au cours des combats. Enfin, pas vraiment. Si Dante peut changer d’arme à la volée, Nero doit d’abord sacrifier un bras avant de passer au suivant. À priori anecdotique, cette mécanique de jeu apporte énormément de variété au gameplay et le joueur doit en permanence faire attention quel Devil Breaker est actuellement équipé. Il est juste dommage qu’une bonne partie d’entre soient bloqués derrière l’achat de la version Deluxe du jeu (comme le bras-canon de Megaman).
À priori anecdotique, cette mécanique de jeu apporte énormément de variété au gameplay et le joueur doit faire attention quel Devil Breaker est actuellement équipé.
Chacun apporte des compétences supplémentaires plus ou moins puissantes, mais toujours extrêmement différentes et utiles à leur manière, apportant différentes nouvelles opportunités de combos. Attention, si l’ennemi vous touche pendant que vous attaquez avec, vous prenez moins de dégâts, mais le Devil Breaker est détruit. D’une autre façon, vous pouvez choisir vous-même de sacrifier un bras pour passer au modèle suivant ou pour vous dégager d’un groupe de démons, mais le top restera la possibilité de charger la compétence ultime du DB pour des effets dévastateurs.
En plus de ça, vous ajoutez le système d’Exceed qui demande un gros sens du timing pour être maîtrisé afin de maximiser les dégâts à l’épée, accompagné du grappin qui permet d’amener les ennemis à soi ou de se propulser vers les plus gros monstres et vous avec un gameplay atypique, complet et exigeant.
De son côté, Dante reste le plus classique, mais le plus complet. Il est toujours question de changer de style à la volée selon la compétence que l’on souhaite selon la situation : le combat à distance, au corps à corps, l’esquive et la contre-attaque. Chaque arme débloquée au fur et à mesure de l’aventure apporte de nouvelles opportunités de gameplay qui deviennent infinies une fois qu’on commence à mixer le tout. Certaines sont nouvelles (comme la moto jouissive) et d’autres sont plus classiques, devenant encore un moyen de faire vibrer la fibre nostalgique et faire écho d’anciens épisodes. Pourtant, Dante évolue également dans cet opus puisqu’il gagne une nouvelle transformation, une deuxième forme de Devil Trigger très bref, mais extrêmement puissant, mais en parler davantage serait un spoiler impardonnable.
Chaque arme de Dante débloquée au fur et à mesure de l’aventure apporte de nouvelles opportunités de gameplay qui deviennent infinies une fois qu’on commence à mixer le tout.
Le plus intéressant du trio restera bien sûr V, l’étrange client qui embauche Dante et Nero pour nettoyer la ville de la corruption du Qliphoth. Contrairement à ses comparses, V ne se bat pas directement et laisse d’autres s’en charger, comme sa panthère et son faucon spectraux : Shadow et Griffon (encore des références à DMC 1). Tel un mage invocateur, V peut utiliser Griffon pour attaquer à distance et lancer des attaques de zone tandis que Shadow va aller trancher dans le tas. Malgré tout, le gameplay reste très proche des autres personnages d’une certaine manière. Chaque créature est associée à une touche et possède ses propres compétences. Il faudra jouer avec les directions tout en gérant son propre placement pour maximiser son efficacité.
Les créatures ne peuvent pas achever les monstres. C’est à V de s’en charger personnellement avec sa canne. Une simple touche vous téléporte sur la cible vulnérable, et le but étant de se battre en parallèle contre un autre monstre. V possède également une barre de Devil Trigger qui permet d’être consommé au compte-goutte en améliorant brièvement la puissance de Griffon et Shadow ou bien d’un coup en invoquant Nightmare, un golem qui fout un bordel monstre sur le terrain en déboulant tel un météore. Une fois qu’on a compris les mécaniques de V et qu’on ne prend pas trop de risques, très peu de combats deviennent difficiles, et la note SSS n’est jamais très dure à atteindre. Oui, il est pété.
Une fois qu’on a compris les mécaniques de V et qu’on ne prend pas trop de risques, très peu de combats deviennent difficiles. Oui, il est pété.
Les cercles de l’enfer
Le plus gros souci du gameplay viendra surtout du fait que le jeu explique très peu certaines mécaniques et qu’il faudra souvent tout découvrir soi-même. Heureusement, un mode entraînement libre permet d’expérimenter les nouvelles armes et compétences qu’on vient de débloquer. Il est même possible de choisir quel monstre affronter et son comportement. Un vrai jeu de baston, je vous dis.
Une fois la campagne terminée une première fois, on a le plaisir de découvrir que le coeur de la série reste intact et qu’il s’agissait en fait d’une sorte de didacticiel géant. Il est alors conseillé de repartir en New Game + avec un degré de difficulté supplémentaire. Les ennemis font plus de dégâts et son plus nombreux, quitte à changer complètement certains combats avec des monstres puissants qui apparaissent plus rapidement en jeu.
Un mode d’entraînement libre permet d’expérimenter les nouvelles armes et compétences qu’on vient de débloquer.
Bien sûr, vous gardez les compétences déjà débloquées et le but ultime sera de pouvoir finir le jeu avec beaucoup de grâce, élégance et beaucoup de style. Le jeu invite réellement à jouer de manière variée quitte à faire sa propre mise en scène esthétique. Il est même possible de provoquer ses adversaires pour un gros boost de style, mais attentionnés à ne pas prendre une baffe en retour. Certaines provocations sont même rares et aléatoires, comme Nero qui peut mettre sa capuche pour la garder jusqu’à la fin du niveau ou V qui se met à conduire la Chevauchée des Valkyries pendant que ses créatures se battent. Le jeu regorge de détails de ce genre.
On a quand même de grosses réserves sur la seule microtransaction du jeu qui permet d’acheter des orbes rouges contre de l’argent réel. Les orbes permettent de déverrouiller les compétences des trois personnages — qui sont nombreuses — et de vous réanimer quand votre barre de vie tombe à zéro. Il faudra un temps de jeu certain pour tout débloquer, surtout les compétences ultimes de provocation qui coûtent une quantité astronomique d’orbes.
Une fois la campagne terminée une première fois, on a le plaisir de découvrir qu’il s’agissait en fait d’une sorte de didacticiel géant.
Je ne pouvais pas vous laisser là sans parler des cinématiques alternatives tournées par les développeurs du jeu eux-mêmes. Énormément de cinématiques ont d’abord été filmées façon story-board live afin de mieux se représenter la cinématographie en jeu. Du coup, les créateurs se lâchent, jusqu’à fabriquer des accessoires improbables avec du carton ou bien d’incarner des ennemis, ce qui devient vite ridicule, mais à mourir de rire (c’est des japs). On est parfois à la limite du suédage. Il est juste dommage qu’un truc aussi drôle nécessite également de devoir acheter la version Deluxe du jeu.
Le diable s’habille en Sparda
L’aventure proposée par Devil May Cry 5 est assez inégale, mais son gameplay est juste parfait. Oui, parfait. Il n’y a pas un pet de travers, rien qui dépasse. Le beat’em up n’a jamais été aussi varié et pointu, bourré de nouvelles bonnes idées et le challenge est présent. Le jeu est beau, la mise en scène est parfois assez dingue et on a sérieusement envie de s’améliorer au fil des combats pour rendre hommage à la classe de Dante. L’aspect linéaire et le manque de fulgurances sur la progression à partir de la seconde moitié du jeu ternissent pourtant le titre qui manque de peu de s’essouffler (sans parler du contenu exclusif au collector), mais le plaisir de jeu reste globalement intact et très souvent jouissif.
► Points forts
- Le retour d’une licence forte
- Trois personnages, trois gameplays différents à maîtriser
- Le RE Engine peut décidément tout faire
- Exigeant, mais récompense l’effort
- Une courbe de progression bien pensée
- Bourré de subtilités cachées
- De nombreux boss différents
- Des thèmes musicaux marquants
- 60 FPS sinon rien
► Points faibles
- Du contenu exclusif bloqué par la version Deluxe
- Un level design un poil trop linéaire
- Une deuxième moitié du jeu presque raté
- La coop obscure et sous-exploitée
- Une narration décousue et une histoire qui a du mal à décoller
- Une caméra parfois problématique (c’est le genre qui veut ça)
- Certains boss sont moins intéressants que d’autres
Satan bouche un coin, hein ?
Devil May Cry 5 est disponible sur PC, Xbox One et PS4.