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Après un retour sanglant de la licence qui a créé un genre majeur via un soft reboot surprenant en 2016, DOOM Eternal revient enfin pour nous sauver. Autant dire qu’on est pas prêt.
La sale sah, du démon
Dire que j’attendais DOOM Eternal est un euphémisme, DOOM étant une licence très importante dans ma culture vidéoludique (et celle du monde). Parmi toutes les sorties de ces derniers mois, c’est clairement le titre dont j’avais le plus hâte de remettre la souris dessus depuis que j’ai pu y jouer trois heures dans les locaux de Bethesda. Imaginez DOOM 2016, mais avec tous les potards à 11 avec une volonté accrue de rendre hommage à la série d’origine, quitte à faire l’exact inverse du reste de l’industrie.
Imaginez DOOM 2016, mais avec tous les potards à 11 avec une volonté accrue de rendre hommage à la série d’origine
Alors que le monde du AAA prône l’immersion, le réalisme et la narration, DOOM Eternal a l’ambition de revenir à l’état embryonnaire du jeu vidéo : un pur concentré de fun sans concession qui n’hésite pas à casser les codes, même ceux instaurés par le précédent opus. Vu que je sors tout juste du test d’Animal Crossing: New Horizons (qui sort aussi le 20 mars, ce qui a créé le meilleur mème de 2020), autant dire que l’expression “deux salles, deux ambiances” n’a jamais été aussi approprié.
Pour commenter ce qu’il y a de plus évident au premier abord, DOOM Eternal est beau (servi par une direction artistique qui a pris du galon), mais surtout rapide. Dernière version en date du fameux Id Tech, les textures malheureuses malheureuses de DOOM 2016 sont un lointain souvenir, et le moteur n’a jamais tourné aussi bien. Bien que j’ai l’immense chance de pouvoir tester le jeu sur une machine de compèt’, le jeu tourne en 2160p entre 70 et 80 FPS sur ma 2080 Ti avec les options graphiques presque à fond, et une grande variété de joueurs indiquent pouvoir jouer en 60+ FPS dans une très grande quantité de scénarios assez improbables. Je ne suis même plus étonné que le titre arrive sur Switch.
De la vitesse il en faut, parce que le titre est nerveux, très nerveux. Si DOOM 2016 était déjà une anomalie dans les FPS qui sortaient à la même époque, DOOM Eternal risque de provoquer quelques crises de tachycardie. Un peu trop confiant, j’ai décidé de lancer la campagne en mode Nightmare, un mode de difficulté que j’ai testé lors de mon aperçu et qui semblait me convenir. Grosse erreur, dès que le jeu se complexifie avec des mécaniques de gameplay supplémentaires, des démons encore plus spécialisés et des armes qui servent seulement dans certains contextes, mon pauvre cerveau a du mal à analyser toutes les données que je me prends dans la tête afin de prendre les bonnes micro-décisions.
DOOM Eternal risque de provoquer quelques crises de tachycardie
J’en chie… mais je crois que j’aime ça et je pense que ça serait une erreur (dans mon cas) de baisser la difficulté. Dubitatif au départ, le système de jauges à remplir selon la situation (vie, armure, munitions) fonctionne bien et on est constamment tiraillé entre les différences actions possibles et les risques, chose qui semble moins pertinente dans les difficultés moindres. Les démons sautent partout, possèdent chacun leurs propres tactiques (le bestiaire a été largement étoffé) et vous attaquent sans relâche.
Quand on arrive à projeter son âme de Slayer dans l’arène, on se retrouve clairement dans la “zone”, cet état de grâce où il n’y a plus que vous et le jeu. Je retrouve presque des sensations proches d’un Quake, où la moindre seconde d’inattention ou erreur peut vous coûter la vie. Le jeu est assez permissif sur des actions basiques (glory kills, déplacements, hitboxes, vies supplémentaires), mais dans l’ensemble, il faut vraiment être sûr de ce qu’on fait avant d’agir.
On se retrouve clairement dans la “zone”, cet état de grâce où il n’y a plus que vous et le jeu
Avec de l’expérience et des améliorations dans tous les sens, la difficulté se lisse (quitte à ne plus se préoccuper de certaines mécaniques, comme les points faibles) et ont finit par s’étonner avec quel aisance on termine une arène qu’on aurait considéré “impossible” quelques heures plus tôt. En fin de campagne, le jeu propose presque trop d’outils pour son propre bien, avec des armes et des modules qui repassent à la trappe, mais c’était déjà bien mieux équilibré que 2016.
Id Software fait surtout son possible pour ne pas juger le joueur et faire en sorte que tout le monde s’amuse, notamment avec un didacticiel qui pop avant chaque combat contre un nouveau démon et avant chaque boss (assez réussis). Finir le jeu en Nightmare ne propose même pas de succès. Pourtant, je me demande bien comment des joueurs manette vont pouvoir terminer le jeu dans ses plus hautes difficulté vu le niveau de précision et de vitesse que certaines phases de jeu exigent.
Dans tous les cas, on est loin de la formule DOOM classique : les armes classiques sont là, mais leur hiérarchie est complètement chamboulée, les bonus sur le terrain servent finalement très peu et le level design est paradoxalement très linéaire. Tout le monde ne sera pas fan, mais je trouve que cela rythme bien le jeu entre deux combats frénétiques, mais j’aurais aimé une narration de gameplay plus organique, moins orchestré et un peu de backtracking. Bien que les combats sont pensés comme des rencontres avec un début et une fin, je suis sûr que ce n’était pas incompatible.
L’enfer ne fait que commencer
Dans la famille des “éléments dont je ne suis pas fan, mais qui fonctionnent quand même”, le système de progression du DOOM Slayer a été repensé pour mieux justifier les choix, les styles de jeu et éviter les abus, et c’est la chasse aux secrets qui en sort grandie.
Avec un peu de sens de l’observation et une Automap qui mâche le travail (il faut bien l’avouer) on s’amuse à collecter des trucs plus ou moins utiles et de jolies surprise. La progression est également motivée par certains combats qui sont carrément optionnels, mais offrent de sacrés challenges, que ce soit par leur difficulté extrême ou leur contexte à la limite du puzzle. Leur complétion permet de mettre la main sur l’Unmaykr, la fameuse arme ultime de DOOM 64
Certains combats sont optionnels, mais offrent de sacrés challenges par leur difficulté extrême ou leur contexte à la limite du puzzle.
Mais DOOM Eternal veut aussi caresser le fan hardcore dans le sens du poil, en développant plus que jamais son lore via de nombreuses cinématiques, codex ou autre narration environnementale. C’est beaucoup trop développé pour un jeu comme DOOM (sans vouloir ressortir la fameuse citation de John Carmack). Certains clins d’œil à la série originale sont bien vus, et d’autres over the top, mais ça fait le taf pour ceux qui se droguent aux théories de fans et aux mèmes… et certains détails vont parfois très loin. Pourtant, avec une violence à la limite du cartoonesque, Id Software ne veut clairement pas que le jeu se prenne au sérieux, et ce n’est pas plus mal.
Et comment parler d’un nouveau DOOM sans parler de la nouvelle bande-son de Mick Gordon ? À l’image du jeu, cette nouvelle soundtrack tabasse bien et n’a plus peur de la guitare électrique, quitte à mettre un peu l’ambiance en retrait. Beaucoup moins expérimentale que celle de DOOM 2016, quelques idées fulgurantes (une chorale de chanteurs de metal, sérieux) rendent toutefois difficile l’idée de garder sa tête fixe pendant une session de jeu. La musique adaptative est bien plus organique et fluide pour notre plus grand bonheur. Bonne chance de mettre ça sur un album, ce qui explique son retard (mais on a confiance). Les fans qui ont l’oreille musicale seront ravis d’entendre bien plus de citations de l’œuvre de Bobby Prince.
La nouvelle bande-son tabasse bien et n’a plus peur de la guitare électrique
Enfin, et c’est sûrement ce qui est le plus étonnant, Id Software et Bethesda ont l’ambition d’en faire un jeu service… mais sans les conneries qui vont avec. DOOM Eternal possède un système de saisons qui récompense le joueur au fur et à mesure qu’il joue. Parfois c’est pour l’aspect collection, et l’autre fois pour étoffer son swag en mode multi (avec des skins bien ridicules à souhait). Et pas l’ombre d’une microtransaction, bien qu’un Season Pass pour du contenu solo à venir soit déjà disponible.
Avec de futurs remix des combats dans des niveaux existants et des événements spéciaux, la rejouabilité semble être au centre des préoccupations du studio. Pour l’instant, tant qu’il est question de shooter du démon, j’ai du mal à m’ennuyer (et il est devenu impensable de jouer à DOOM 2016 depuis). Et ça, c’est la magie noire de DOOM depuis plus de 25 ans.
Quid du multijoueur ?
En attendant le mode Invasion qui permettra aux joueurs d’envahir les campagnes des autres sous le trait de démons, seul le BATTLEMODE est disponible. Combat en arène avec un gameplay asymétrique où un des 3 joueurs incarne le Slayer, c’est finalement les démons qui doivent jouer de concert pour l’emporter en usant la ruse et de nombreux outils tactiques et invocations. Alors que le Slayer… bah, il joue à DOOM.
D’une partie à l’autre, les expériences sont très inégales. Le rythme est frénétique, bien trop pour poser un semblant de tactique. Il arrive très souvent que le Slayer gagne, alors que les démons n’ont même pas eu le temps de dire “ouf”, car il est pas toujours évident pour les deux joueurs démoniaques de travailler de concert, bien que le mode réserve quand même quelques parties tendues intéressantes (mais c’est assez rare).
C’est plus subtil et profond qu’il n’y paraît, mais j’ai du mal à imaginer les joueurs passer leur nuit dessus, malgré un système de récompenses clairement pensé pour les garder motivés. Il n’y aura jamais assez de bâtons dans le monde pour toutes ces carottes.
Rip & Tear is never done
DOOM Eternal est un titre qui se veut être fun et engageant avant toute chose, et y arrive avec un certain brio via une expérience qui n’a pas peur d’innover et qui semble avoir été sujet à d’intenses réflexions. Certaines mécaniques ne font pas beaucoup sens, le level design n’a rien de cohérent ou vraisemblable (ce que 2016 arrivait à faire), mais comme ses lointains ancêtres qui soufflent leurs 25 bougies, c’est un jeu vidéo sous sa forme la plus pure qui n’a pas d’autre but que de divertir, mais avec sérieux. La violence et l’histoire n’existent que pour accompagner le plaisir de jeu au sens ludique du terme. Le Doomguy, c’est toi, c’est moi, c’est nous, et il y a tout plein de démons à massacrer.
► Points forts
- Une nervosité plus ressentie depuis un bail dans un FPS
- Tourne comme un charme sur toutes les plateformes
- Le cycle vie/armure/munitions fonctionne bien
- Beaucoup de mécaniques et de subtilités à maîtriser
- Une bonne durée de vie (entre 15 et 20h)
- Une direction artistique à tomber et des environnements bien plus variés
- Ne juge jamais le joueur
- Mick Gordon did it again
- De nombreux hommages aux DOOM originaux
► Points faibles
- La narration en fait peut-être un peu trop
- Phases de plateformes pas toujours intéressantes
- Trop d’outils tuent parfois leur intérêt
- Faut se calmer sur les options de progression
- BATTLEMODE sympathique mais loin d’être incontournable
- On finit toujours par manquer de démon à massacrer
Slayer un jour, Slayer toujours
Configuration de test :
- GPU : NVIDIA RTX 2080 Ti
- CPU : Intel Core i9-9900k
- RAM : 32 Go DDR4
- Installé sur SSD