La licence Far Cry est de retour et déroge cette fois-ci un peu à la règle puisque vous n’allez pas jouer le rôle d’un méqueton lambda paumé sur une île remplie de cinglés. Au lieu de ça, Ubisoft choisit le contrepied et vous voilà officier des forces de l’ordre au nord-ouest des États-Unis, dans cet État qu’on appelle le Montana, et plus précisément à Hope County, recoin grouillant d’illustres tarés.
Tout le monde ne peut pas être Chuck Norris
Le scénario de Far Cry 5 s’inscrit dans la droite lignée de ses grands frères : une secte fanatique a pris le contrôle de Hope County et fait grossir les rangs de ses fidèles via une drogue qu’elle appelle la “Grâce“. Bien évidemment, les habitants du coin s’en retrouvent un peu bouleversés et craignent pour leur vie, c’est là que vous intervenez.
C’est également là qu’intervient la première grosse incohérence du scénario. Un comté entier est envahi par des tarés armés jusqu’aux dents – en plus une bonne moitié ne portent même pas de t-shirt – et une équipe colossale de… 4 personnes !? est envoyée pour arrêter leur chef en plein cœur de leur territoire. Opération militaire de génie.
Bien évidemment, ça se passe mal. Bien évidemment, vous êtes le seul à voir la chance vous sourire quand un survivaliste du coin vous récupère et vous permet de démarrer un mouvement local de résistance. Au passage, je me demande encore pourquoi nous n’appelons tout simplement pas des renforts – le FBI, la CIA, Trumpinou, que sais-je ? – une fois à l’abri et avec moult moyens de communication à disposition, aurais-je loupé quelque chose ?
En dehors de ces quelques coutures de fil blanc et d’autres que je me garderai bien de vous révéler car elles feraient figure de spoiler, le scénario se montre très agréable et il a su m’accrocher grâce à des personnages forts aux caractères bien trempés qui ne mâchent pas leurs mots.
Vade retro saint Vaas
L’écriture se révèle de qualité et on prend plaisir à dérouler l’histoire – qui au passage offre en elle-même une excellente durée de vie dépassant les vingt heures, ce qui est tout bonnement excellent pour un FPS. On note aussi un gros appui sur l’humour, notamment dans les descriptions d’objet.
Le contexte d’une secte change un peu de ce qu’on a l’habitude de voir et il existe comme à l’accoutumée un floutage des frontières entre normal et paranormal, même si l’intervention de la drogue utilisée par les fanatiques explique parfois un peu trop les phénomènes étranges à mon goût – j’ai toujours trouvé que l’intervention du surnaturel était une empreinte savoureuse et habile de la licence Far Cry.
Le Père constitue un méchant charismatique et marquant. Bien entendu il n’égale pas le tant plébiscité Vaas (Far Cry 3) mais j’ai beaucoup apprécié de lui faire face et il a les moyens de devenir un ennemi emblématique de la série et d’occuper une place de choix dans le cœur des joueurs – depuis le temps qu’Ubi essaie de placer quelqu’un dans les pompes de Vaas !
La classe américaine
Visuellement, Far Cry 5 offre de superbes prouesses. Les paysages sont magnifiques, avec des effets de lumière à s’en cramer la rétine. C’est bien simple, Ubisoft montre une nouvelle fois que les graphismes, c’est son dada, et offre son plus beau titre. On note à peine un petit clipping occasionnel et quelques textures moins jolies de près (feuillages notamment) mais le tableau d’ensemble est superbe.
Visuellement, Far Cry 5 offre de superbes prouesses.
Lors des cinématiques et de certains dialogues, les animations faciales sont époustouflantes et servent un jeu d’acteur au poil, qui prend son temps, qui installe l’angoisse et la tension. De manière plus régulière, les visages traduisent moins d’émotion, autrement dit lors des dialogues de mission, chose que j’ai trouvé un brin dommage mais non gênante – car soyons honnête, avec des phrases centrées sur le factuel (votre mission) et aucun gros plan, cela reste correct.
Hope County vous propose de découvrir ses étendues boisées et ses rednecks (parce que c’est tout de même largement l’idée, mais Ubisoft réussit à rendre ces derniers attachants et humains, tout simplement – quand ils ne sont pas fanatiques), ses couchers de soleil et… et voilà.
C’est peut-être un petit reproche que l’on peut faire à cette grande carte : on passe essentiellement du pareil au même. Certes il s’agit de se placer dans une région bien réelle malgré un comté fictif, mais étant donné le pendant surnaturel de la série, Ubi aurait pu se risquer à créer des variations plus ou moins folles d’environnements, histoire de varier les plaisirs.
Au nom du Père, du Fils et du saint revolver
Mais Hope County, ce ne sont pas que des arbres, des piafs et des tarés shootés à la Grâce, leur drogue favorite. Hope County, c’est aussi l’Amérique ! Autrement dit des FLINGUES.
Proposant une armurerie de taille très correcte, Far Cry 5 vous offre de vous battre avec les traditionnels fusils d’assaut, mitraillettes, pistolets, fusils de sniper, fusils à pompe, mais aussi les arcs et… les pelles ! Vous avez largement de quoi faire côté baston, d’autant qu’il existe un certain nombre de skins uniques à débloquer.
Un bijou de démesure et de fun
Cela s’étend aussi aux véhicules : fourgons, camions, voitures, bateaux, avions, quads… il ne s’agit pas toujours uniquement de skin d’ailleurs, puisque vous aurez aussi l’occasion de piloter des véhicules customisés. Je pense en particulier au camion affublé de deux mitrailleuses dans la calandre. Un bijou de démesure et de fun.
Et c’est aussi ce qui fait la force de ce Far Cry 5 : la démesure. Prenant le parti de foncer droit dans le délire, un petit peu à l’instar d’un Wolfenstein II, par exemple, on se retrouve avec des situations loufoques, portées par des personnages hauts en couleur assumés auxquels on s’attache et des équipements de haute volée. Une démesure un peu à l’image de celle que l’on associe aux États-Unis.
Tel Jésus, la répétitivité est ressuscitée (mais aussi coiffée au poteau)
Avec tout cela, vous obtenez un monde que l’on prend plaisir à explorer. Et il est bien question d’exploration considérant sa grandeur et tout ce que vous pouvez y entreprendre.
Découpée en trois principales régions réparties entre les lieutenants de Jacob (Le Père), la carte de Far Cry 5 vous propose de nombreuses activités. En dehors des activités anecdotiques dont on se fout un petit peu – il faut dire ce qui est – type partie de pêche, vous aurez l’opportunité de trouver des caches de survivaliste renfermant de l’équipement, des munitions, du pognon et, si vous avez de la chance, un équipement unique.
Un monde que l’on prend plaisir à explorer
À côté de cela, l’humour évoqué plus haut s’étend à l’auto-dérision puisque dès le départ on nous demande de grimper en haut d’une tour (les joueurs des précédents Far Cry se rappelleront…) et la personne qui nous le réclame se veut rassurante en sortant une tirade du genre : “vous vous dites que je vais vous demander de grimper à des tas de tours radio hein ? Rassurez-vous ce ne sera pas le cas.”
C’est drôle hein ? Ça l’aurait été un peu plus si la répétitivité avait été évacuée des autres éléments du titre aussi. Parce que concrètement les avant-postes à libérer sont toujours là, et les missions sont toujours plus ou moins les mêmes à mesure que vous faites monter le niveau de résistance de chaque région par vos actions (arrivez au niveau trois pour affronter le boss de zone).
Il ne s’agit pas tellement d’un reproche mais bien plus d’une remarque : faire cette vanne d’emblée, c’est un peu comme dire qu’Ubisoft a compris qu’il fallait éviter la répétitivité. Alors quand on constate que Far Cry 5 en a tout de même pas mal en réserve, c’est un peu ballot.
Pas de répit pour les impies
Heureusement, le feeling est au rendez-vous et permet d’obscurcir cette répétitivité grâce au plaisir de jeu. J’ai trouvé le sound design particulièrement bien fichu, avec des coups de feu plus vrais que nature et une attention portée aux détails – tirez depuis un hélicoptère à proximité d’un mont et écoutez bien l’écho des tirs.
L’IA s’est un peu améliorée par rapport aux précédents opus mais on se retrouve régulièrement avec des aberrations
Même si on aurait aimé un peu plus de variété dans les missions, on a envie d’enchaîner les affrontements et les assauts. L’IA s’est un peu améliorée par rapport aux précédents opus mais on se retrouve régulièrement avec des aberrations du type : je me retrouve droit devant un adversaire, mais je suis accroupi dans un escalier donc il ne me remarque pas. Vous ne le saviez pas ? Les escaliers de Far Cry 5 sont magiques, c’est un peu comme la cape d’invisibilité d’Harry Potter mais en plus encombrant.
À d’autres moments, on élimine un ennemi discrètement d’un coup de pelle alors qu’il se trouve bien isolé et tous les autres se mettent à courir de façon erratique. Heureusement vous n’êtes pas considéré comme repéré mais si vous aviez un plan pour dégommer tout le monde sans vous faire repérer, vous allez devoir vous adapter.
Concernant les missions en elles-mêmes, on passe de l’élimination pure et dure au zigouillage de preneurs d’otages (si vous êtes repéré les otages meurent – non pas que vous en ayez quelque chose à foutre, aucune conséquence encourue) en passant par des courses-poursuites en véhicule.
Ubisoft combat la répétitivité par l’intensité et il faut le reconnaître, ça marche plutôt bien
Ubisoft a voulu intégrer quelques événements pour bouger le joueur dans son train-train. Par exemple Faith enverra régulièrement des animaux vous mordre les fesses, vous aurez aussi des groupes d’élimination dépêchés spécialement pour votre cas, etc. Ainsi, Ubisoft combat la répétitivité par l’intensité et il faut le reconnaître, ça marche plutôt bien – même si cela conduit parfois à des routes plus encombrées que le périphérique parisien (cinq à sept véhicules qui déboulent coup sur coup, ça commence à faire beaucoup, vous ne trouvez pas ?).
Officier tout puissant
Au-delà des combats, on retrouve le traditionnel système de compétences, mais celui-ci est beaucoup moins intéressant que par le passé. En effet, vous êtes un officier. Donc vous êtes entraîné. Donc vous n’allez pas apprendre des aptitudes de combat à mesure que vous progressez.
Ainsi, dès le départ, vous disposez de tout l’arsenal du parfait petit soldat. Ce qui n’est pas forcément un mal, mais que reste-t-il (de nos amours) du côté des compétences à débloquer ? La réponse est pas grand-chose. Des emplacements d’armes supplémentaires, des stocks de munition plus importants, le retour plus rapide de vos compagnons (notez que chacun des neuf alliés a sa compétence attribuée de ce côté – c’est bien ça fait du remplissage), etc. Rien de bien foufou, ce qui rend le système de compétences largement secondaire alors qu’il constituait jusqu’ici une force.
Dès le départ, vous disposez de tout l’arsenal du parfait petit soldat.
Même chose pour ce qui est de la chasse. Étant donné que vous arrivez équipé (c’est votre boulot, avouez que ce serait con), vous n’avez pas besoin de vous tailler un sac en baloches de wapiti. Résultat : “toutes les peaux que vous trouvez peuvent être vendues à bon prix !” vous annonce fièrement le jeu. Ah merde.
Donc au final la fabrication d’équipements est passée dans les compétences pour combler le vide et la chasse ainsi que la pêche (la tradition aussi, cela va de soi) servent à faire du flouze pour débloquer de nouvelles armes et tenues ainsi que des véhicules. Un peu moins typique.
Je vais vous prendre une baguette bien cuite et un fusil d’assaut
C’est justement l’occasion de parler du magasin. Régulièrement, vous trouverez des emplacements de boutiques spécialisées (armes, bateaux, avions, etc.). Ceux-ci vous permettront de revendre, entre autres, vos peaux, et d’acheter du matériel. Tout ce que vous avez déjà débloqué l’est à vie. Vous pouvez vous contenter de le rééquiper au besoin.
C’est aussi là qu’il est possible d’acheter des lingots, soit l’équivalent de la monnaie payante du jeu. Ubisoft avait promis des microtransactions peu invasives et cela semble être pour le moment le cas : il n’est possible d’acheter que des skins d’armes et de véhicules, et tous sont récupérables en jeu assez facilement. Aucun bonus pour boucler l’aventure en moitié moins de temps qu’il le faut à l’heure actuelle.
Ajoutons qu’Ubisoft a fait l’excellent choix de proposer aux joueurs de jouer en coopération. Dommage que celui rejoignant la partie de l’autre ne progresse pas dans la sienne.
Par ailleurs, on note la possibilité de recruter neuf alliés au cours de l’aventure. On peut ensuite les avoir à nos côtés et en changer à volonté. Sachant que chacun a ses spécificités, cela permet d’avoir un appui tactique intéressant – le chien Boomer repère les ennemis, l’aviateur peut vous débarrasser du soutien aérien ennemis et pilonner un camp, détournant ainsi l’attention des adversaires – la plupart du temps, mais tous les compagnons ne se montrent pas d’un intérêt foldingue.
Retour sur le devant de la scène
Doté d’un scénario prenant malgré quelques fils blancs dont les coutures se montrent un peu trop visibles, Far Cry 5 réussit à embarquer le joueur dans une histoire agrémentée de personnages forts aux caractères bien trempés et qui ne mâchent pas leur mot.
L’empreinte de l’univers est forte – Ubisoft a poussé le délire au bout et c’est une excellente chose puisque c’est justement le principal soucis que l’on peut lui reprocher d’habitude : se montrer trop timide. En dépit de quelques bugs et incohérences de l’IA, le tout tient largement la route et on prend un plaisir non dissimulé à éclater des dents, notamment grâce à des effets sonores au poil, des animations travaillées et des possibilités toujours aussi agréables à l’utilisation (enchaînement d’éliminations discrètes, possibilité de tuer discrètement depuis un couvert…).
Les microtransactions sont, comme promis, discrètes – pour le moment. En revanche, on regrette la futilité de l’arbre de compétences et une aventure qui aurait mérité de voir sa difficulté corsée, quitte à proposer une option “Très difficile”.
Mais on ne peut que saluer l’initiative d’Ubisoft de proposer de jouer l’aventure en coop (dommage que le joueur rejoignant la partie de l’autre ne récolte aucun bénéfice) et l’apport tactique des alliés peut se révéler assez intéressant – mais pas toujours. On note enfin une mise en scène excellente et des graphismes à s’en décrocher la mâchoire.
Les scènes d’action peuvent se montrer véritablement haletantes – il m’est arrivé à plusieurs reprises de lâcher un “wow” devant mon écran – et les explosions sont de plus largement convaincantes.
Pour finir, le mode Arcade constitue une excellente idée et propose aux joueurs un éditeur de cartes complet, des défis et du multijoueur PvP. Que demande le peuple ?
► Points forts
- Superbes graphismes et effets de lumière
- Mode arcade riche en contenu et défis
- Éditeur de carte complet
- Scénario prenant
- Personnages hauts en couleur
- Un vrai méchant bien taré qui a les bonnes armes pour devenir emblématique
- Sound design travaillé
- Affrontements haletants
- Explosions et propagation du feu
- Un contenu énorme
- Une campagne solo qui dépasse les 20h
- Mise en scène et ambiance au poil
► Points faibles
- IA parfois buguée ou au comportement étrange
- Ubisoft peine à repousser la répétitivité (mais la combat par l’intensité)
- Arbre de compétences anecdotique
- Des incohérences scénaristiques rares mais (très) prononcées
- Un mode difficile véritablement difficile aurait été souhaitable
- Des combats de boss loin d’être mémorables
Owen Wilson approuve
Testé sur PS4 Pro et PC. WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse “Gold” offerte par l’éditeur de ce jeu.
Far Cry 5 – Libération de l’île de Dutch
Far Cry 5 est disponible sur PC, Xbox One/X et PS4/Pro.