Comptant rentabiliser Far Cry 5 à fond, Ubisoft s’est dit que faire un spin off des aventures de Hope County façon post-apo serait une bonne idée. On n’en est pas si sûr.
Far Cry me a river
Le monde tel que nous le connaissons n’existe plus. Ça fait très cliché, mais il est difficile de résumer un univers post-apo sans une phrase du genre.
Tant pis pour le spoil, mais si vous avez eu la mauvaise fin de Far Cry 5 — qui est en même temps la “vraie” fin canon du jeu — vous savez que Hope County a été dévasté par une attaque atomique qui était la finalité du projet du Père, Joseph Seed.
Far Cry: New Dawn nous emmène un paquet d’années après le Cataclysme qui a en fait décimé une bonne partie des États-Unis, et la société essaie alors de se reconstruire. Vous faites alors partie d’une expédition qui apporte de l’aide humanitaire et des ressources pour reconstruire des infrastructures à Hope County, sans vraiment savoir que c’est là que tout a commencé.
Bien sûr, comme nous sommes dans un monde post-apo, il est difficile de ne pas avoir des anarchistes en tout genre à buter, incarnés par les Ravageurs, une organisation de gangers et de bandits plus organisés qu’ils en ont l’air, malgré leurs tenues de moto en rose fuchsia et le fait qu’ils écoutent toujours la même chanson de Die Antwoord toute la journée (pour de vrai). On est dans le bon cliché du genre, mais pour un Far Cry, ça devrait passer (du moins, on l’espère).
À leur tête, nous n’avons pas un méchant, mais bien deux méchantes, des jumelles, deux facettes d’une même pièce. Lou est brutale et maintient son autorité par la force alors que Mickey est charismatique et plus cérébrale. Malgré une mise en scène toujours aussi soignée, l’écriture ne nous emmènera jamais très loin et on peine à se sentir investi dans l’aventure. Si l’idée des jumelles est plutôt bonne, elle ne sera jamais exploitée à fond et on les considérera rapidement comme une case cochée pour le cahier des charges Far Cry.
De même, on recroisera la route de Joseph Seed et de sa secte d’illuminés. Alors que tout ce merdier est de sa faute, le scénario n’en tiendra pas vraiment rigueur et le monsieur sera même un allié de choix pour bouter les Ravageurs de Hope County.
La fin du monde tel que nous le connaissons (déjà)
À l’instar d’un Far Cry Primal, New Dawn nous promet une aventure bien différente et plus exotique que l’était Far Cry 5, malgré un univers partagé. Alors oui… mais non, ce n’est clairement pas assez pour en faire une expérience unique.
Si le côté “nature qui reprend ses droits” peut faire office de gimmick, on est plutôt agréablement surpris par la direction artistique qui veut justement couper court aux représentations plus classiques que l’on a du post-apo. Le sol est recouvert de fleurs aux couleurs bien vives et les Ravageurs se fondent parfaitement dans le décor à coup de graffitis sur toutes les carcasses de voitures qu’ils peuvent.
Les animaux sont familiers, mais arborent des robes et des couleurs étranges. Ça fonctionne finalement assez bien et donne un vrai cachet à l’ensemble, et on croit volontiers à la coïncidence quand on compare la DA avec celle de Rage 2 à paraître au mois de mai. On remarquera le fait que dans un souci discours environnemental, on se battra essentiellement pour de l’éthanol et non de l’essence pour se développer, telle une version écofriendly de Mad Max.
Malhreuseusement, il y a un terrible effet de déjà vu. La première chose à accuser est bien sûr la réutilisation de la région de Hope County. Certes, on s’amuse pendant un moment à comparer avec l’ancien et le nouveau monde en fonction de ses souvenirs (une activité est d’ailleurs basée sur ça), mais même si on remplace la route de goudron par des chemins de terre et les quelques maisons d’une bourgade par des ruines, on a du mal à être surpris par la carte. Cela aurait pu être une force, mais il n’en est rien.
De même, si le jeu nous promettait de l’exotisme dans l’arsenal du joueur, l’effet de nouveauté est exclusivement réservé au lance-scies qui sera le seul nouvel engin de destruction de New Dawn, bien qu’il fasse très bien le taffe. Pour le reste, on retrouvera juste les vieilles pétoires de Far Cry 5 rouillées ou personnalisées avec beaucoup de mauvais goût. Pour “l’exotisme”, on repassera. On peut également étendre la remarque pour les véhicules du jeu.
Dès que l’on comprend ça, on a de plus en plus de doutes sur l’intérêt de l’épisode.
Travail à la chaîne
Le pitch principal de ce Far Cry: New Dawn est de développer la petite communauté de Prosperity. Et pour cela, vous aurez besoin de beaucoup d’éthanol. Énormément d’éthanol ainsi que de nombreuses ressources pour développer armes, véhicules et autres types de matériel. C’est alors qu’on retombe dans les travers du monde ouvert de Far Cry : il y a des trucs à visiter et à vider, partout, tout le temps.
Alors qu’on se rend à un objectif pour commencer une quête, on est arrêté en permanence par des Ravageurs qui vous attaquent, un camion-citerne à détourner, un voleur à rattraper, des otages à libérer, des colis aériens à intercepter. On fait difficilement 100 mètres sans qu’on soit interrompu par une icône d’objectif qui pop sur le coin de l’écran. On aurait envie d’en faire fi, mais les nombreuses ressources requises pour progresser dans le jeu vous obligent à vous en occuper sans le regretter plus tard. On a souvent l’impression de faire toujours deux pas en avant et un pas en arrière quand on progresse sur la carte.
On retrouvera alors les éternels avant-postes à capturer qui donneront le plus d’éthanol et des points de déplacement rapides, mais le twist intéressant sera la possibilité de “piller” l’avant-poste pour retourner l’attaquer plus tard, mais avec une défense renforcée. L’approche furtive est toujours conseillée pour de meilleures récompenses, mais la difficulté n’est pas vraiment au rendez-vous, surtout vu le système de “Light RPG” introduit par Ubisoft (détaillé plus tard).
Au-delà de ça, les missions principales et secondaires apportent une variété bienvenue (à défaut d’avoir des boss intéressants), mais chacune se boucle un peu vite. Avec quelques fulgurances dans le level design et les objectifs des quêtes, mais sans plus.
On sera surtout intrigué par les expéditions à bord de la Grosse Patate, un hélicoptère piloté par mon nouveau super pote Québécois, qui permettent de quitter momentanément Hope County pour attaquer de véritables bastions des Ravageurs. On peut par exemple explorer un porte-avion converti en base d’opération, où les Ravageurs vivent leur vie, et pas mal de détails feront sentir l’endroit comme habité.
L’observation et l’approche tactique seront plus que jamais mises à contribution grâce à une liberté d’approche certaine et il faudra se préparer à courir vers la Grosse Patate quand l’hélico viendra vous chercher. De même, il sera possible de réattaquer le même bastion plusieurs fois pour de meilleures récompenses, mais avec une difficulté accrue.
RPG très très (très) light
L’aspect qui devrait faire la différence entre New Dawn avec le reste de la série est la volonté d’Ubisoft de continuer sur sa lancée avec Assassin’s Creed, pour ne citer que lui, avec son système de Light RPG.
En gros, pour donner une sensation de progression plus “visible” au joueur, le jeu est découpé en quatre niveaux de difficulté qui régissent absolument tout le jeu, bloquant brutalement votre progression si vous n’êtes pas préparé.
Par exemple, vous infligez désormais des dégâts aux ennemis qui sont affichés via des chiffres flottants, et ces derniers possèdent des barres de vie au-dessus de leur tête, le truc qui casse bien l’immersion d’un FPS (désactivables, ouf). Si vous utilisez une arme de niveau 1 contre un ennemi de niveau 2, vous êtes bon pour lui charger un chargeur entier dans la tête avant qu’il meure, alors que la seule différence qu’il a avec un gus de bas niveau, c’est un plastron en plastique et un casque de moto-cross.
Clairement, ça ne donne pas envie, car c’est un moyen maladroit de motiver le joueur à chercher à créer les armes qui affichent les plus gros chiffres. Le gunplay de Far Cry 5 était un des points forts du jeu, et le casser avec des limitations arbitraires est complètement contre-productif.
De même, si vous voulez tuer furtivement ces ennemis plus balèzes, il faudra absolument débloquer la bonne compétence, sinon, vous ne pourrez pas leur enfoncer votre couteau dans la gorge. Oui, c’est débile.
Tout est prétexte pour augmenter les éléments de la progression du joueur, qui se négocie généralement à coup de barils d’éthanol en améliorant Prosperity. Bien sûr, rien que les microtransactions omniprésents dans les menus du jeu ne sauront résoudre.
Le système a manifestement été enfoncé à coup de marteau dans la formule Far Cry, et on a du mal à comprendre la démarche d’Ubisoft derrière ça. D’autant plus que le moindre bonus de précommande, Uplay ou d’achat de microtransaction casse complètement l’équilibre du jeu.
Par pitié, ne faites pas la même chose sur tous vos jeux. On veut du gameplay avant tout le reste, et pas la sensation d’avancer avec des sucettes à tous les coins de rue (ça finit par donner des caries).
Ça s’en Vaas et ça revient
Déjà que Far Cry 5 n’arrivait pas à convaincre pleinement par ses mécaniques de jeu éprouvées et son scénario qui n’osait pas aller jusqu’au bout de son délire, New Dawn fait tout pareil, mais donc en déjà vu. Certes, la direction artistique est plutôt cool, les méchantes assez bien trouvées, quelques idées nouvelles subsistent, mais il n’y a absolument rien d’inspirant et le titre ne nous transmet rien. L’aspect Light RPG est complètement forcé et hache la progression du jeu de façon ultra arbitraire. On en est presque à se demander si ce New Dawn à une réelle raison d’exister à part d’engranger un peu d’argent avant de développer une éventuelle suite qui a GRAND intérêt à renouveler la franchise.
► Points forts
- Une approche crédible du post-apocalyptique
- Une direction artistique qui a ses moments
- Un gunplay toujours efficace
- Les expéditions et leurs grands niveaux
- Certaines situations aléatoires qui fonctionnent
► Points faibles
- Un reskin de Far Cry 5
- Le Light RPG qui dessert clairement le jeu
- Un monde ouvert qui fatigue avant d’avoir commencé
- Une seule arme exotique
- Plein de clichés d’écriture
- Des microtransactions partout
On pourrait avoir une seconde Apocalypse, s’il vous plaît ?
War Legend a bénéficié d’une copie PC offerte par Ubisoft.
Far Cry: New Dawn est disponible sur PC, Xbox One et PS4.
"More of the same" à la place des équipes d’ubi je me sentirai quand même un peu honteux de sortir une vulgaire reskin du jeu précédent avec juste quelques modifs, le genre de projet qu’on a pas trop envie de marquer sur son cv.
Enfin j’imagine que ça leur prend pas beaucoup de temps à dev et qu’ils arrivent du coup à le rentabiliser rapidement. :/