Quand on joue à un puzzle game, on recherche du défi, de l’émerveillement et du plaisir du travail bien fait. Filament offre tout ça, à condition qu’on ait le cerveau bien accroché.
Spatio bricolo
Je… je ne sais pas pourquoi je me suis laissé embarquer par Filament. Je veux dire, j’aime bien les énigmes ponctuelles dans Zelda/Half-Life qui donnent du rythme, mener une stratégie à terme dans Total War ou résoudre un problème pratique dans un jeu de gestion quelconque, mais… faire que du puzzle ? Que ça ? Tout le temps ? Où est le fun ?
Non, promis, je ne vais pas dire du mal de Filament, parce que je perçois bien ses qualités. Le souci que j’ai avec le titre de Beard Envy, c’est qu’il m’a vexé… beaucoup. En à peine une heure de jeu, ce dernier m’a fait me sentir profondément con. Et je n’aime pas avoir l’impression d’être con, vraiment pas. Et pourtant, Filament me fait bien comprendre que c’est mérité.
Filament m’a fait me sentir profondément con.
Vous incarnez un astronaute parti à la rescousse d’un vaisseau de recherche à la dérive. Quand vous débarquez, l’équipage a disparu. Il ne reste que Juniper, la pilote, coincée dans le cockpit et qui restera en communication avec vous tout le long de votre périple pour remettre le vaisseau en état. Enfin, “communication” est un terme vague parce que votre personnage reste muet, laissant le champ libre à Juniper de raconter la vie que menait l’équipage avant sa brutale et mystérieuse disparition.
Alors que le scénario a tout d’un spin-off d’Alien, l’ambiance est diamétralement opposée à un slasher spatial : tout est coloré, guilleret, et l’Alabastar respire la joie de vivre, avec tout plein de compartiments dédiés aux loisirs de l’équipage, tout en étant pensé pour être fonctionnel. Pas spécialement joli, le titre a tout de même un certain charme bien à lui, accompagné d’une bande-son inspirante… mais très vite redondante.
Pas spécialement joli, le titre a tout de même un certain charme bien à lui.
Fraîchement débarqué sur le vaisseau, vous ne savez pas trop quoi faire, par où commencer… On aurait aimé que la carte soit plus accessible, parce la sensation d’errance n’est pas du tout agréable au premier abord, surtout dans un truc aussi grand sur trois niveaux, mais cela prend sens une fois qu’on a compris à quoi on a à faire.
Circuits du plaisir
Pas la peine de connaître l’Alabastar sur le bout des doigts, le cœur du jeu n’est de toute façon pas là. Vous aurez la majorité du temps le nez fourré dans les circuits électriques qui ont besoin de réparation.
Introduit rapidement, le core gameplay est “simple” : vous contrôlez un petit robot qui tend un fil conducteur, et votre boulot est d’activer tous les pylônes de la pièce. Le but est alors de trouver le bon chemin en les contournant, en les entortillant et s’assurer d’un bon contact pour la porte de sortie s’ouvre. Simple comme bonjour, il y a même un mini-jeu de Super Mario Party qui utilise ce principe.
Tu sens que tu vas en chier grave quand tu bloques au tableau qui te sers de tutoriel.
Filament est clairement trop difficile pour moi. Si les premiers tableaux sont plutôt faciles à force de tâtonner des solutions qui finissent par couler de source, les choses… empirent… rapidement. C’est l’enfer. Je me suis demandé si mon cerveau était encore suffisamment irrigué pour que je puisse continuer à respirer sans y penser.
Si les premiers tableaux sont plutôt faciles, les choses… empirent… rapidement.
Le tâtonnement n’existe plus, certains débuts de solution qui paraissent viables finissent par n’être que de profondes déceptions qui forcent à revoir tous ses plans, et on réessaie encore et inlassablement les mêmes choses, alors qu’on sait parfaitement que la proposition est nulle ! Raaah, ce jeu me rend fou.
Mais là où le jeu est réellement sadique, c’est que la boucle de gameplay ne cesse de se réinventer ! Parfois par des codes couleurs à respecter, des ordres de priorité, des portes qui s’ouvrent ou se ferment selon le pylône touché, des surfaces à survoler… c’est un cauchemar sans fin. Finalement, pas la peine d’être un jeu estampillé Alien pour m’angoisser jusqu’à l’ulcère. Je vous parle même pas des moments où il est question de gérer plusieurs robots à la fois…
La boucle de gameplay ne cesse de se réinventer.
C’est là que l’on comprend pourquoi l’exploration de l’Alabastar est libre. Si vous bloquez sur un puzzle au point de risquer une rupture d’anévrisme, il est toujours possible de changer de pièce pour s’attaquer à un autre variateur de gameplay, donnant une certaine liberté dans la progression. Ça fait véritablement du bien de changer d’air quand on ne peut plus voir de couleurs pastelle en peinture.
Vous pouvez passer beaucoup de temps sur un seul puzzle avant de trouver la bonne solution, et y arriver est généralement un sentiment de libération comme j’en ai rarement senti… juste avant de se rendre compte que le prochain tableau est encore pire.
Fil d’Ariane 5
Filament est une jolie collection puzzles qui développe son idée de gameplay simple, mais saviez-vous qu’il y avait un plus grand puzzle parmi les puzzles ? Filament s’inspire énormément de The Witness de Jonathan Blow. L’Alabastar lui-même regorge de secrets à découvrir, au détour d’indices dans le décor, d’objets cachés et d’informations disséminées dans les logs de l’équipage que l’on débloque au fur et à mesure que l’on résout les puzzles.
Ces informations sont nécessaires pour résoudre certains puzzles sans solutions apparentes, mais qui permettent de terminer le jeu… et certaines sont assez retors à trouver. On n’est pas au niveau de The Witness une fois qu’on a compris ce qu’on devait chercher, mais quand même.
Filament s’inspire énormément de The Witness de Jonathan Blow.
C’est aussi l’occasion de comprendre ce qui est arrivé à l’équipage de l’Alabastar, en épluchant leur mails et en essayant de retracer leurs faits et gestes sur les derniers jours avant leur disparition. Avis à tous ceux qui aiment les tableaux en liège, les punaises et les ficelles, ce qui semble tout à fait approprié dans le cas de Filament.
Ce n’était pas si terrible, Filament
Filament est clairement le genre de puzzle-game qui vous fait sentir très con, mais qui injecte de la dopamine directement dans le cervelet quand on arrive à relever le défi. Sa difficulté en rebutera plus d’un, mais son ingéniosité et sa variation des plaisirs en font une expérience intéressante, surtout avec un concept simple qui arrive à se renouveler tout le long de l’aventure. Beaucoup risqueront de décrocher lorsqu’il sera question de résoudre les mystères même de l’Alabastar, mais ceux qui n’ont pas peur de mettre leurs méninges et leur créativité à rude épreuve en auront pour leur argent. Bande de masos…
Ce qu’on a aimé :
- Un gameplay simple qui se renouvelle régulièrement
- Une approche libre dans l’ordre des puzzles
- Une vraie satisfaction à chaque puzzle résolu
- Un meta puzzle pour ceux qui aiment les vrais mystères
Ce qu’on n’a pas aimé :
- Nom de Dieu que c’est dur
- Un aspect narratif pas aussi profond qu’il le voudrait
- Certains puzzles ne sont pas toujours très lisibles
- Un certain manque d’ergonomie dans les commandes
- Une bande-son coincée sur Repeat
Ce jeu est fait pour vous si :
Vous aimez les casses-têtes qui donnent du fil à retordre (vous l’avez ?).
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
Les puzzles, ça va 5 minutes.
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Configuration de test :
- GPU : NVIDIA 980 Ti GTX
- CPU : Intel Core i7-6700k
- RAM : 16 Go DDR4
- Installé sur SSD
Filament est disponible sur PC, Mac, Linux et Nintendo Switch.