23 ans après la sortie du jeu original, le remake de Final Fantasy VII est enfin sur nos PlayStation. La nostalgie est de mise, mais Square Enix n’oublie pas de nous offrir une œuvre contemporaine.
Cloud girofle
Après une démo technique de la PS3 qui a donné envie aux fans de FF7 quelque chose dont ils ne soupçonnait pas l’existence en 2005, le remake de Final Fantasy VII est enfin là, et nous sommes en 2020.
Après un Final Fantasy XV laborieux sur beaucoup de plans, les fans étaient fébriles à l’idée que le prochain FF soit le fameux remake de l’épisode le plus populaire de la saga. Comment aborder et réinterpréter un monument de la PlayStation tel que celui-ci ? À l’instar de Capcom avec ses Resident Evil, quelle parties faut-il reprendre et remanier ? Comment rendre hommage à quelque chose qui touche directement à la nostalgie de toute une génération ? Et bien, avec du goût et de bonnes idées.
Je dois être franc : je n’ai jamais fini le jeu original (malgré plusieurs tentatives)… et pourtant, c’est le genre d’œuvre qu’on connaît très bien sans forcément l’avoir consommé en entier. J’ai fini par perdre le goût des JRPG au fur et à mesure que je vieillissais, mais il faut reconnaître que Final Fantasy VII a un héritage à part. Entre deux personnages en polygones grossiers, on était face à un monde fascinant, dense, stylisé, terreau d’un scénario assez mature pour le genre et l’époque.
Comment rendre hommage à quelque chose qui touche directement à la nostalgie de toute une génération ? Eh bien, avec du goût et de bonnes idées.
Incarner un éco-terroriste qui tente de protéger l’essence de la planète face à une méga-corporation qui ne recule devant rien pour le profit et le pouvoir, c’est un sujet étrangement bien plus d’actualité en 2020 qu’en 1997, et c’est peut être là que ce remake mérite déjà des éloges. Certes, il s’agit seulement d’une partie de l’histoire complète et Square Enix est resté flou à ce sujet (c’est écrit en tout petit sur le dos de la jaquette), mais un arc aussi marquant qu’est celui de Midgar a bien profité de ce remake. Square Enix n’a clairement pas été fainéant pour un sou et a pris son temps pour faire les choses bien.
Malgré quelques clichés bien nippons (“lol, Wedge il est gros”), les membres d’Avalanche ont gagné en profondeur à l’aide d’arcs narratifs qui leur sont dédiés et bien amenés, Cloud et ses amis ont le temps de développer leurs relations de façon bien plus crédible et touchante, et la mise en scène soignée omniprésente permet de donner de l’épaisseur sur le sens de l’aventure et tout ce qu’elle implique, plus particulièrement l’impact des actions de la Shinra et d’Avalanche sur la population de Midgar.
Incarner un éco-terroriste qui tente de protéger l’essence de la planète, c’est un sujet étrangement bien plus d’actualité en 2020 qu’en 1997.
Comme dit plus haut, la star de ce remake, c’est bel et bien la ville qui est au centre de l’intrigue de FF7. Même l’introduction de quêtes secondaires assez mal foutues (parfois lourdingues) arrive à apporter quelque chose à la représentation qu’on se faisait de Midgar en 1997 et de ses habitants. Il y a des gens partout qui mènent tous leur petit train quotidien, et ils ont presque tous quelque chose à dire, souvent inquiets des retombées des attaques terroristes comme n’importe qui pourrait l’être, sans parler de la Shinra qui en profite pour alimenter sa propagande comme toute bonne corporation cyberpunk sait le faire.
Le studio n’oublie pas les “égarements” du jeu original et va même encore plus loin dans les quelques moments gênants de 1997. Oui, la “transformation de Cloud” dans le Wall Market a été sublimée, et c’est tellement gros que ça finit par passer. L’équipe a même réussi à donner une certaines cohérence aux créatures plus que bizarres de l’époque (genre, la Maison infernale, à tout hasard). Petit détail qui m’amuse beaucoup, le jeu revient régulièrement de manière subtile sur le fait que Cloud n’est qu’un putain de frimeur.
La fin pourra déstabiliser un brin (surtout les néophytes) et un personnage normalement jouable ne le sera pas faute de temps (ça aurait pu être l’occasion que les 4 membres soient jouables en même temps), mais si les futures suites du “projet FF7 remake” sont aussi qualitatives que cette mise en jambes, nous serions témoins de quelque chose de grand. Après, il reste énormément de zones d’ombres : suite directe avec reprise de la sauvegarde d’un jeu à l’autre ou un tout nouveau soft ? Sans parler du fait qu’ils ne seront pas dispo dans un futur proche et que ça se passera sûrement sur Next-Gen.
Dans les bidonvilles, il suffit de lever la caméra pour comprendre d’un seul coup d’œil l’échelle sociale de Midgar, quelque chose qui n’était pas forcément très percutant dans le titre de 1997 et sa vue plongeante. Chaque quartier de la ville (surtout Wall Market) possède sa propre atmosphère et sa propre personnalité. Le jeu est finalement très linéaire, mais s’autorise quelques moments semi-ouverts où le joueur est libre d’explorer, afin de palier le manque de grind due à l’absence de rencontres aléatoires.
Il y a des gens partout qui mènent tous leur petit train quotidien, et ils ont presque tous quelque chose à dire.
Bon, ce n’est pas toujours raccord avec le fait que le groupe est toujours dans la détresse ou l’urgence, mais c’est malheureusement l’un des seuls moyens qu’a trouvé Square Enix pour étirer la durée de vie de l’arc qui n’était qu’une fraction du jeu original. Parfois, on a vraiment l’impression que l’intrigue est ralenti avec des freins sportifs en céramique pour éviter que tout s’enchaîne trop vite. Ça créé des longueurs et des péripéties sans réelles conséquences, mais c’est suffisamment honnête pour qu’on pardonne.
Un charme ATB
Grand amateur de bandes originales, c’est surtout la bande-son de ce remake que j’attendais de découvrir avec impatience. Les thèmes mythiques de Final Fantasy 7 composés par Nobuo Uematsu connaissent un nouveau souffle époque avec les arrangements de Masashi Hamauzu.
Rien que le thème de combat connu de tous va profiter de nombreuses couches qui s’intensifient et se calment selon le contexte du combat ou du scénario, jusqu’à proposer plusieurs versions d’un même thème dans plusieurs styles musicaux, les versions orchestrales étant sûrement les plus puissantes émotionnellement. Bon, il arrive que la musique soit parfois hors-sujet (quitte à parler de fautes de goûts), mais le boulot abattu est absolument dingue, surtout pour ceux qui essaieront de reconnaître les mélodies de l’époque. Pas étonnant que l’OST complète sur 7 CD coûtera presque 80 balles.
Malgré quelques skyboxes un peu tristounes et des textures qui se chargent en retard, le jeu est l’un des plus beaux de la ludothèque PS4, sans mentir. Square Enix s’est totalement approprié l’Unreal Engine 4 jusqu’à donner l’impression qu’il s’agit de leur Luminous maison utilisé dans FFXV (ils aiment les effets de particules). C’est surtout un moteur lumineux très impressionnant que je retiens, dans un clair/obscur qui tend vers le bleu et le vert la nuit et qui rappelle les couleurs de la Mako et l’ambiance esquissé par le jeu original de 1997.
Le jeu est l’un des plus beaux de la ludothèque PS4, sans mentir.
Que ce soit les environnements, les personnages ou les créatures, absolument tous les aspects du jeu ont reçu un soin méticuleux, jusqu’à développer des technologies basées sur du machine learning pour l’animation des protagonistes (et leurs cheveux, surtout leurs cheveux, c’est important les cheveux). On peut ne pas apprécier le character design de Tetsuya Nomura (c’est surtout le “smile lipt” d’Aerith qui me fait tiquer), mais c’est vraiment la grande classe.
Ok, des graphismes chiadés, mais pour quoi faire ? Sublimer un système de combat fabuleux, pardi. Il se peut que vous soyez surpris puis déçu que Final Fantasy 7 Remake ne bénéficie pas du système de combat semi-tour par tour de tour du jeu original, mais je vous jure que c’est pour le mieux. Square Enix a réussi à pondre un système à la fois orienté action tout en gardant un aspect tactique intéressant (un truc que n’a pas su faire FFXV, quoi).
Vous tapez sur les adversaires avec des attaques normales ou puissantes et selon le contexte et les matérias utilisés, la barre ATB de chacun se chargera afin de pouvoir utiliser compétences, sorts et objets. Le jeu vous oblige à être actif dans le combat dynamique tout en ayant une stratégie tactique de fond, puisque tout le monde prend des dégâts constamment.
Chaque monstre ou ennemi possède ses propres forces et faiblesses, et nécessitent des stratégiques uniques pour l’emporter, notamment via une barre de Choc remplie de façon précise. Les différentes armes possèdent chacune un arbre de talent qui n’apportera pas de changements fondamentaux dans les rôles des personnages (en dehors de débloquer des compétences), mais s’amuser à expérimenter différentes matérias font vraiment la différence d’un combat à l’autre, permettant de varier les plaisirs de façon intéressante.
Ok, des graphismes chiadés, mais pour quoi faire ? Sublimer un système de combat fabuleux, pardi.
Il n’y a pas vraiment de combats superflus (là où les combats aléatoires pouvaient vite lasser) et la variété des monstres permet de rester vraiment accroché au gameplay du titre, d’autant plus que les nombreux boss et sous-boss offrent des combats dantesques. Bon, la volonté constante de les mettre en scène peut mettre à mal votre stratégie (la cutscene intempestive qui interrompt le Limit Break, je vous jure que c’est rageant) et les invocations limitées à une utilisation par combat (et pas TOUS les combats) peut frustrer un brin. Mais quand la machine est bien huilée, le joueur est constamment stimulé et ce dernier doit prendre des décisions — parfois difficiles — en permanence.
Bon, la caméra est parfois aux fraises et l’écran est souvent surchargé d’informations, mais on en prend plein les mirettes avec un feeling jouissif lors des affrontements. Profitez-en, ce n’est pas tous les jours que je dis du bien d’un système de combat de JRPG.
Le jeu peut également se montrer sans pitié sans une bonne approche et un bon développement, car certaines matérias importantes peuvent être totalement loupées, comme en 1997. C’est pour cela qu’un mode facile “vraiment facile” permet de se concentrer sur l’histoire. Et si vous avez VRAIMENT la flemme de gérer les combats, un mode “classique” permet de se concentrer uniquement sur les commandes ATB, pendant que Cloud et ses amis s’occupent intégralement du côté action. La possibilité de changer cette difficulté à la volée est également bienvenue.
Pas encore le grand Final
J’avais des doutes sur le projet, mais j’avoue que le remake de Final Fantasy 7 m’a cueilli. Prouesse technique et visuelle, les personnages n’ont jamais été aussi attachants, Midgar renforce son statut de ville culte du Jeu Vidéo et le système de combat est résolument moderne tout en gardant l’esprit du jeu original sorti il y a 23 ans. Avec les bonnes motivations et les moyens, Square Enix prouve qu’il peut encore sortir des projets AAA et rester dans la course. On peut regretter un manque de clarté sur la structure de la saga complète, mais qui s’ouvre un excellent premier épisode. On a déjà très hâte de mettre la main dessus.
Ce qu’on a aimé :
- Des graphismes et des effets de lumière sublimes
- Midgar est une vraie métropole avec de la vie dedans
- L’écriture des personnages principaux et secondaires
- Une mise en scène généreuse de haute volée
- Un rythme étiré mais maîtrisé
- Un système de combat dynamique engageant et inspiré du vieux
- La mythologie FF7 prend de l’épaisseur un peu partout
- Une bande-son magistrale qui puise intelligemment dans la nostalgie
- Une VF d’excellente facture avec le casting d’Advent Children
Ce qu’on n’a pas aimé :
- Eh oui, ce n’est que l’arc Midgar
- Les clichés d’écritures et la caricature de personnages ne sont jamais très loin
- Des ficelles scénaristiques et des mises en scène parfois farfelues
- Des quêtes secondaires au summum du fun
- Un choix d’armes pas vraiment utile
- Des phases de jeu alternatives pas toujours bien foutues
- Certains dialogues sont un peu cringe
- La suite, dans combien d’années ?
Ce jeu est fait pour vous si :
- Vous aimez tout ce qui touche à Final Fantasy 7, vous avez été déçu par FFXV ou vous ne saviez pas qu’on pouvait mélanger action et tactique avec goût.
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
- Vous n’aimez pas Final Fantasy 7, vous ne saviez pas qu’il ne s’agissait que de l’arc de Midgar ou vous êtes du genre à commenter : “j’aurais pas fait ça comme ça”.
Configuration de test :
- Copie dématérialisée fournie par l’éditeur
- PS4 Pro branchée sur une TV 4K HDR
Final Fantasy VII Remake est disponible sur PlayStation 4.