Grande habituée des remasters, remake et portages à tout va, la saga Final Fantasy revient ici avec une proposition un peu plus atypique à travers les Pixel Remasters. Une “nouvelle” série qui ne cherche pas à fournir la claque graphique du siècle, mais plutôt de ramener ces jeux du siècle dernier à leur état d’origine (ou presque) entre les mains des nostalgiques, et pourquoi pas, des nouveaux venus.
Avant les pixels
Ce test a avant-tout pour but de faire ressortir les différents aspects et fonctionnalités des remasters vis-à-vis des originaux et des autres itérations qui les ont précédés. Il n’est que peu pertinent (selon ma propre vision) de fonder critique en dehors des frontières du remaster, dont le but ici est de proposer une expérience aussi authentique que possible — ce sont après tout des jeux vieux de plus de 30 ans. Le test prend donc le parti d’évaluer les qualités de ces remasters ; de ce qu’ils apportent aux titres d’origines et dans l’absolu, déterminer de leur pertinence.
Recettes de Matoya
Du haut de ses (bientôt) 16 chiffres romains, ces spin-offs à tour de bras et les très, très, nombreux portages, remakes et bien sûr remasters, la légendaire série Final Fantasy s’avance pour beaucoup comme le porte-étendard du JRPG. La plupart des joueurs ont forgé leur expérience du jeu de rôle à la japonaise dans les rues de Midgard, face à un clown devenu un dieu et au son cinglant des Limit Break.
Pourtant, bien plus rares sont ceux ayant fait leurs premier pas sur les jeux inauguraux, tant ces derniers peinaient à passer les frontières nippones — au mieux, ils parvenaient jusqu’en Amérique du Nord, non sans une erreur de chiffre au passage. Pour Final Fantasy III (1990), une grande majorité ne l’ont très certainement découvert qu’à partir de 2007, date à laquelle débarquait le remake 3D sur Nintendo DS.
Vous l’aurez compris sur ces quelques lignes, mais l’idée même de ces Pixels Remasters n’a rien d’absurde ; la volonté de Square Enix de mettre en avant son patrimoine vidéoludique s’avère des plus louables, créant au passage une sérieuse opportunité de faire découvrir ces intemporelles à un bien plus large public qu’à l’époque.
Fort heureusement, cette optique “d’authenticité” n’empêche pas ces titres de respecter leur statut de remaster. Ceux-ci se veulent bien entendu adaptés aux écrans actuels, 4K inclus, et ont subi quelques changements, histoire de poncer certains angles peu engageants. En revanche, l’absence de V-sync est à déplorer ; en résulte un léger tearing de l’écran, écran qui d’ailleurs, demande d’en réajusté la résolution chaque session. La partie technique n’est donc pas vraiment au beau fixe, même si Square Enix nous a habitués à pire.
Les améliorations et ajouts que les titres ont pu acquérir sur les différentes portages brillent par leur absence.
Aussi, n’attendez pas de voir le contenu additionnel des anciens portages ; les améliorations et ajouts que les titres ont pu acquérir par ces versions brillent par leur absence. Véritable désir de rester dans les vieux sentiers de la SNES ou manque d’effort de la part de Square Enix ? Difficile à dire.
Pixel, mon beau pixel, qui est le plus HD ?
D’un point de vue global, ces Pixels Remasters n’ont rien d’une itération bâclé. Chacun des trois jeux obtient des améliorations visuelles significatives : les environnements sont plus détaillés avec davantage de reliefs, les combats démontrent une clarté accrue, notamment avec des arrière-plans plus fournis, et des effets pyrotechniques pas piqués des hannetons.
Le gros point fort réside dans la non-altération de l’essence 16-bits. Les villes, villages, donjons et le monde en général nous délectent avec brio de leur aspect Old School, malgré les bonifications citées plus haut.
Les villes, villages, donjons et le monde en général, nous délectent avec brio de leur aspect Old School.
Pour autant, si cette “remise à niveau” graphique fait mouche à bien des égards, elle flanche aussi sur certains points . Les sprites des personnages et ennemis s’avèrent par exemple en deçà de ce qu’on pouvait attendre ; sur ce plan, d’anciennes versions disposaient d’arguments plus solides. Ici, on se retrouve avec des héros certes quelque peu embellis, mais au final très peu améliorés vis-à-vis de leurs originaux.
En outre, la qualité en prend un coup une fois les jeux passés au-delà du Full HD. Loin d’être une bouillie visuelle, on se retrouve néanmoins avec des pixels plus grossiers, moins agréable à l’œil. Œil déjà en peine due à une police d’écriture des plus douteuses ; un choix inexpliqué (et inexplicable) pour un style plat, sans identité aucune.
Le remaster : entre traditions et modernité
En tout et pour tout, les Pixel Remasters visent le point d’équilibre parfait entre l’expérience des jeux originaux et la « norme » actuelle d’un RPG au tour par tour. Qu’importe l’épisode, tous trois présentent divers ajustements en vue de faire passer la pilule des jeux trentenaires. On note ainsi une progression lissée — surtout pour le 1 — entre autres grâce à une montée en niveau plus généreuse ; les donjons disposent de leur carte (fini les longues heures de vagabondages dans les labyrinthes) ; les gils et autres ressources s’obtiennent en nombre plus important.
Forcément, il en ressort une difficulté amoindrie, surtout du côté des deux premiers épisodes. Les donjons deviennent des obstacles bien moins vertigineux, le mode auto permet d’enchaîner les escarmouches à vive allure, tandis que la possibilité de sauvegarde rapide à n’importe quel moment (en dehors des combats) évite les mauvaises surprises.
Mais que les puristes de la difficulté salée se rassurent : ces titres conservent leur dose de défis bien corsée, notamment pour les boss qui vous demandent de réfléchir soigneusement votre équipe. Un constat d’autant plus vrai pour Final Fantasy III, sans aucun doute le plus difficile de la bande.
Question gameplay, celui-ci n’a subi que très peu de retouches, restant en adéquation avec les jeux SNES. Cela concerne évidemment le second épisode, dont le système de progression restent encore aujourd’hui assez unique en son genre pour un titre de cet acabit. Aucun niveau à proprement parlé : les différentes statistiques s’améliorent selon leurs propres conditions.
Le système de progression du second épisode reste encore aujourd’hui unique en son genre.
L’exemple le plus probant étant les points de vie, qui n’augmentent qu’à condition que le personnage subissent des dégâts. Une mécanique qui ne lui a pas valu que des louanges à l’époque, loin de là, le jeu poussant les joueurs a mutilé ses propres personnages — action toujours possible ici, mais heureusement bien moins nécessaire.
Du reste, on s’en tient à du tour par tour classique – normal me direz-vous – sans fioritures, au sein d’histoires qui le sont tout autant. Des élus de la lumière, des cristaux et un monde à sauver, tel est l’adage de Final Fantasy.
La fréquence des affrontements de FF I et II se veut tout bonnement démentielle et deviens vite un calvaire.
Quoi qu’il en soit, si toutes ces petites modifications délivrent des jeux bien plus abordables qu’auparavant, autant vous prévenir que vos nerfs seront mis à rude épreuve à plus d’un titre. Je fais surtout référence ici à la quantité ABOMINABLE de combats que l’on doit se farcir.
La fréquence des affrontements de FF I et II (le III s’en tire mieux) se veut tout bonnement démentielle et parcourir les plus courtes distances se révèle vite être un calvaire. Dommage que Square Enix n’est pas davantage prix exemple sur des titres plus récents comme Bravely Default – dont il est pourtant l’éditeur – qui ont compris depuis belle lurette l’intérêt de pouvoir jauger de tels éléments.
Beau à l’extérieur, mélodieux à l’intérieur
Cette humble critique ne pouvait décemment pas omettre l’aspect pour lequel ces Pixels Remaster font un sans-faute : les musiques. Les prouesses du compositeur Nobuo Uematsu ne sont plus à démontrer depuis fort longtemps, mais la bande-son réorchestrée — qu’il supervise bien sûr – capture à la perfection l’essence des musiques originelles. Chacun des morceaux est ici sublimé, et on ne peut qu’y voir là leur véritable forme, désormais libéré des chaînes de la limitation technique.
La bande-son réorchestrée capture à la perfection l’essence des musiques originelles.
En voulant chercher la petite bête, on pourrait pointer l’absence d’une option permettant de passer des versions orchestrales aux versions dites classiques, mais à ce niveau, ce serait chipoter. En prime, il est possible de les écouter directement depuis le menu « extra », qui propose un lecteur fort sympathique. D’ailleurs, ce menu dispose également d’une galerie où nous pouvons admirer les nombreuses œuvres de Yoshitaka Amano, célèbre character designer de la saga.
Sur une note moins jouasse, il me paraissait important d’aborder le sujet qui fâche : le prix. Square Enix n’est pas spécialement reconnu pour sa générosité lorsqu’il s’agit du portefeuille de ses fans (surtout les plus dévoués), et les Pixel Remasters ne sont qu’un exemple de plus. Certes, les titres possèdent d’indéniables qualités, mais les tarifs appliqués risquent d’en dissuader plus d’un.
Là où Final Fantasy I & II s’en tiennent à un prix « correct » de 12 €, FF III — ainsi que tous les épisodes suivants — s’envole vers les 18 € ; une somme difficilement justifiable, d’autant plus quand son très bon 3D remake s’affiche à 3 € de moins.
Nostalgia gimmick
Dans la mesure où on fait l’impasse sur la police d’écriture exécrable et les sprites peu enrichis, ces Pixels Remaster font bénéficier les premiers Final Fantasy d’une jolie retouche visuelle, dont émane un redoutable charme Old School. Les divers ajustements offrent des jeux plus cohérents dans leur progression, tandis que chaque note de la fabuleuse bande-son réorchestrée berce nos oreilles. Il faut cependant être prêt à subir le poids d’un gameplay trentenaire et ses combats aléatoires par milliers, ainsi qu’à en accepter le prix onéreux. Des titres qui s’imposent sans doute comme les meilleures versions pour découvrir les jeux d’origine, mais qui s’adressent avant tout aux plus nostalgiques d’entre nous.
Ce qu’on a aimé :
- Des pixels qui ont tout de même fière allure
- La bande-son Nobuo Uematsu entièrement réorchestrée : un délice
- Légers ajouts et modifications qui assouplissent l’expérience
- Les vieux Final Fantasy, les “gros” défauts en moins.
- Le charme des jeux “originaux”
Ce qu’on n’a pas aimé :
- Fréquence des combats aléatoires intouchée et intouchables : de quoi calmer les ardeurs
- Quelques soucis techniques (réglages de la fenêtre non sauvegardés, absence de V-sync, tearing, …)
- La police d’écriture : pourquoi ?
- Les sprites des personnages méritaient un peu plus d’attention
- Des prix difficilement justifiables (surtout pour le III)
Ce jeu est fait pour vous si :
Vous avez la fièvre du pixel art et pouvez transcender les difficultés de l’époque 80-90 juste en vous délectant des sublimes musiques.
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
Vous ne pouvez pas encaisser 50 combats en 50 pas.
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
Configuration de test :
- GPU : NVIDIA GTX 1080 Ti
- CPU : AMD Ryzen 7 5800X
- RAM : 16 Go DDR4
- Installé sur SSD
Les Final Fantasy Pixel Remasters sont disponibles sur PC et mobile.