Le nouveau Fire Emblem est enfin là et, à l’instar des derniers épisodes 3DS, Three Houses compte réinventer la formule tout en profitant des capacités de la Nintendo Switch.
Plus de persos pour Smash !
Quand on pense à Nintendo, on pense surtout à ses différentes principales franchises : Mario, Zelda, Metroid, Kirby, Star Fox, F-Zero, etc. Beaucoup de joueurs pensent que Big-N se repose un peu trop sur ses licences historiques qui ont bercé pas mal d’enfances. Pourtant, Nintendo n’a pas pour habitude de proposer un nouvel opus d’une série si l’existence de ce dernier n’est pas un minimum justifié, et dans le tas, il y a bien un truc qui passe un peu trop inaperçu et qui tente de se renouveler en profondeur à chaque fois : Fire Emblem.
Nintendo n’a pas pour habitude de proposer un nouvel opus d’une série si ce n’est pas un minimum justifié.
Étrangement mature par rapport au reste du catalogue Nintendo, la saga Fire Emblem a encore aujourd’hui cet image de tactical RPG tendu où chaque décision sur le champ de bataille est vitale, pouvant provoquer la mort définitive d’un compagnon d’armes, chacun ayant une histoire et des motivations propres. Si ce dernier aspect est désormais optionnel depuis Awakening, il y a toujours ce truc émotionnellement fort où l’on sait que la vie pourrait très bien continuer sans certains personnages, où chaque bataille pourrait bien être leur dernier combat.
Longtemps vu comme un bonus qui accompagne le joueur tout au long de l’aventure, Fire Emblem: Three Houses essaie alors de se concentrer sur cet aspect. Développer sa relation avec ses unités est devenu un élément central, voire primordial, et la façon de vous y prendre est elle aussi importante. Le souci quand il est question de relations humaines, c’est qu’on peut vite avoir le cœur brisé et se retrouver dans le camp d’en face, impuissant face à la situation. Ce n’est pas parce qu’il est question de faire ami-ami avec tout le monde que vous ne serez pas confronté à des décisions difficiles à ce niveau-là.
Arrête tes Sothis
Partagé entre trois puissances politiques de forces égales, le continent de Fódlan est en paix et la bonne entente règne. Ce statu quo est en grande partie l’oeuvre de l’Église de Seiros qui a élu domicile au monastère de Garreg Mach au milieu des terres, où les futurs dirigeants et nobles de haut rang sont formés pour préserver cette paix. Par d’obscures raisons scénaristiques, vous êtes propulsé au rang de professeur à l’École des officiers et vous devrez veiller sur la formation et le bien-être de vos élèves durant une année scolaire. Oh, et une jeune fille étrange nommée Sothis squatte votre âme, et aucun de vous deux ne sait pourquoi vous êtes liés.
Three Houses ne jouit pas d’une qualité d’écriture exceptionnelle et de nombreux élèves sont assez caricaturaux (même si c’est pour mieux s’en rappeler). On décèle bien les ficelles scénaristiques, mais le titre est tellement généreux dans sa façon de présenter les choses qu’on se sent réellement investi dans l’aventure, et certains élèves s’ouvrent petit à petit au Professeur pour se révéler être de réels êtres humains en trois dimensions. On finit par avoir des chouchous et on jure de se tailler les veines s’il leur arrive malheur.
Le titre est tellement généreux dans sa façon de présenter les choses qu’on se sent réellement investi dans l’aventure.
Les premiers choix importants viennent rapidement et vous devrez choisir entre l’une des trois maisons de l’école. Chacune possède ses propres intrigues et surtout, ses propres personnages hauts en couleur qui définiront aussi vos tactiques lors des combats. Les maisons ne se valent pas en termes d’écriture et d’intérêts, mais la rejouabilité en sort terriblement grandie.
Selon les embranchements scénaristiques, les parties sont bien différentes des unes des autres. De plus, le jeu est terriblement long, comptez entre 50 et 80 heures pour en voir le bout une première fois. C’est plus long si vous flânez, mais il est conseillé de prendre son temps pour être investi davantage.
Il est difficile de parler du scénario de Three Houses sans SPOILER comme un sagouin. Si certains twists sont assez gros et téléphonés, d’autres nous dévastent, pour peu qu’on soit immergé dans l’univers de Fódlan et son intrigue politique qui est plus touffu qu’il n’y paraît. Le lore non-essentiel est assez complet pour un JRPG, et ça se ressent.
On imagine bien que certains auteurs ont suivi avec passion les 8 saisons de Game of Thrones (promis, les différentes fins sont mieux). Personne n’a raison ; tout le monde défend son point de vue. Même les personnes avec les intentions les plus nobles possèdent quelques parts d’ombres, et vice-versa. Il n’y a pas vraiment de bon ou mauvais choix. Seulement ceux que vous êtes prêts à affronter.
Il n’y a pas vraiment de bon ou mauvais choix. Seulement ceux que vous êtes prêts à affronter.
Tout ce que je m’autorise à dire est que le titre est séparé en deux actes via une ellipse temporelle assez importante. La première partie n’existe que pour vous mettre à l’aise dans la vie quotidienne du monastère et la seconde pour remettre en perspective tout ce que vous savez. On se sent nostalgique d’une autre vie qu’on aurait vécu, où tout était plus simple. C’est un sentiment extrêmement grisant et bien amené. Comme dit plus haut, préparez-vous à avoir le cœur brisé (si vous en avez un, contrairement à Hexen). Cela provoque quelques incohérences d’écriture quand la vie scolaire reprend son cours, mais rien d’insurmontable.
Sortez vos boules magiques
Comme vous l’aurez compris, ce qui distingue ce Fire Emblem des autres est la vie au monastère de Garreg Mach. À la manière d’un Persona, vous devez gérer votre emploi du temps à la semaine et devrez décider ce que vous comptez faire de votre dimanche. Si botter les fesses de bandits locaux peut-être une idée de sortie scolaire sympathique, c’est surtout la possibilité de se promener dans le monastère qui est mis en avant.
Premier Fire Emblem sur console depuis 2007, Three Houses en profite pour être visuellement ambitieux, avec des personnages très différents et reconnaissables. Bon, le jeu n’est pas une tuerie graphique et les environnements auraient mérité plus de soin, mais on est plutôt bien immergé dans le monastère. Le lieu est assez grand et on est content d’avoir son petit Poudlard à soi pour arpenter ses couloir. Fini les personnages avec des petits pieds pendant les combats (les joueurs 3DS savent).
Premier Fire Emblem sur console depuis la Gamecube, Three Houses en profite pour être visuellement ambitieux.
Heureusement, un voyage rapide permet d’écourter ces sessions, parce que vous passerez presque autant de temps à tailler le bout de gras avec vos élèves qu’à combattre sur le champ de bataille. Ceux qui veulent se concentrer sur l’aspect tactique risquent de trouver le temps long un peu long. C’est vraiment une partie prédominante de Three Houses.
Pourtant, ce temps passé au monastère a une certaine importance puisque selon votre niveau de professeur, vous pouvez vous adonner à quelques activités qui apportent des bonus en combat (la cuisine, la chorale à l’église, etc), ou bien passer du temps avec vos élèves… quitte à passer pour un prof un peu relou. Vous pouvez gagner de l’affection auprès de vos élèves en leur offrant des cadeaux ou en les invitant à prendre le thé. Cela a un impact direct sur leur motivation (pour avoir de meilleurs résultats en cours) et votre niveau de soutien avec cette unité.
On est parfois mal à l’aise de se sentir obligé de draguer les élèves, mais bon. Les japs adorent ça. De la même manière, dès que du relationnel avec les élèves rentre en jeu, on dit absolument tout et n’importe quoi pour leur faire plaisir comme un vrai sociopathe. Certaines choses ne fonctionnent pas très bien en jeu vidéo, mais l’attachement qu’on a avec les élèves est bien réel. C’est déjà ça.
Chaque semaine commence ensuite par des jours de classe où vous pouvez dispenser des cours particuliers pour améliorer les compétences des élèves que vous aurez réussi à motiver au préalable. Indispensable pour orienter un élève dans la classe que vous jaugez utile ou selon leurs propres objectifs.
Le truc intéressant à savoir est que vos élèves passent ensuite des examens (avec une chance de le rater) pour débloquer de nouvelles classes et qui sont gardées en mémoire avec la possibilité de les changer à la volée. Bien sûr, les stats physiques joueront toujours énormément sur ses performances, mais il n’est pas rare de vouloir une classe particulière dans son roster sans que personne ne soit vraiment né pour. Certains élèves possèdent alors des dons innés pour des choses qui ne leur semblent pourtant pas vraiment favorables. Un travail de longue haleine peut alors être payant.
Les élèves que vous avez en début de partie sont définis par la maison que vous aurez choisie en tant que Professeur de Garreg Mach, mais il est ensuite possible de monter ses propres compétences afin qu’un élève extérieur accepte de rejoindre votre maison. Il va falloir faire des choix, parce que vous n’aurez pas le temps d’enrôler tout le monde. Il est également possible d’emprunter un élève le temps d’une bataille, mais ce dernier ne montera pas en expérience.
Il n’y a pas d’emblème
Maintenant qu’on a parlé de l’emballage, on va aborder le cœur de la licence Fire Emblem : les combats. Très classique sur la forme, plein de petites touches ont été ajoutées pour moderniser la formule et la rendre la plus accessible possible.
Très classique sur la forme, plein de petites touches ont été ajoutées pour moderniser la formule.
Pour commencer, il est désormais possible d’équiper une unité d’une escouade de combattants. Elles offre des bonus divers, mais permet surtout d’accéder à la plus grosse nouveauté de cet opus : les tactiques. Chaque escouade possède sa propre tactique qui peut occasionner souvent de lourds dégâts avec l’impossibilité pour l’adversaire pour riposter, en revanche, les chances de succès sont faibles si l’unité se bat seule et n’est pas spécialisée dans le commandement.
Elles gagnent en expérience et certaines escouades ont des effets secondaires intéressants comme empêcher un ennemi de bouger ou des dégâts sur plusieurs cases. Malheureusement, leur intérêt s’épuise trop vite et il est peu conseillé de faire des mélanges étranges entre certaines classes et les escouades, ce qui aurait pu être intéressant. En revanche, l’aspect visuel du jeu pendant les combats y gagne énormément et donne enfin l’impression d’avoir une vraie bataille sous les yeux, à contrario des anciens Fire Emblem.
L’aspect visuel du jeu pendant les combats y gagne énormément et donne enfin l’impression d’avoir une vraie bataille sous les yeux.
Au-delà de ça, on retrouve les mécaniques qui ont fait la renommée de la série (le système de trinité épée/hache/lance) avec des innovations issues des derniers épisodes comme la possibilité de remonter dans le temps au cours d’un combat. Très appréciable quand vous jouez en mode difficile (avec perte définitive des personnages) sans pour autant pisser dans son froc au moindre mouvement. Attention, l’Impulsion Divine ne remet pas à zéro la RNG. Si vous deviez prendre un coup critique à 126 points de dégâts, c’est que c’est écrit. Profitez-en pour changer de tactique et d’approche.
La vraie nouveauté est qu’il est désormais possible de savoir à l’avance quelle unité sera attaquée par l’ennemi. La logique de l’IA est très similaire à ce qui se faisait auparavant, mais le jeu nous offre enfin ses arcanes secrets pour jouer de façon sereine et sans faire d’erreurs bêtes. Si Bernadetta meurt, vous ne pourrez que vous en prendre à vous-même, et c’est une sensation très désagréable.
La vraie nouveauté est qu’il est désormais possible de savoir à l’avance quelle unité sera attaquée par l’ennemi
Seulement, avec son envie d’accessibilité, la difficulté du jeu en prend un sacré coup. Si le défi est un peu plus relevé à partir du deuxième acte, on décime les ennemis sans trop de problèmes, souvent à coup de oneshot en utilisant la bonne unité. J’ai déjà vu des héros se farcir 6 unités à la chaîne alors qu’il ne faisait que se défendre. Et encore, je joue en mode difficile, ce qui se rapproche le plus d’une expérience Fire Emblem classique (et je n’ai jamais été particulièrement bon).
Si vous galérez vraiment, il est même possible de relancer un combat en gardant l’expérience cumulée jusque là, ce qui peut vite déséquilibrer le jeu. À utiliser avec parcimonie.
Game of Thrones avec des waifus
Mélanger la formule de Fire Emblem avec le côté “vie quotidienne” d’un Persona, c’était la chose à faire pour renouveler la formule. Le côté quasi-jeu de drague ne plaira pas à tout le monde, mais la narration et le développement avec les personnages s’en retrouvent énormément renforcés et l’affection que vous portez à vos élèves devient tout aussi important à vos yeux qu’une victoire sur le champ de bataille. Prises une à une, les nouveautés ne cassent pas trois pattes à un Aigle de jais, mais l’ensemble est extrêmement généreux et très solide, avec une durée de vie digne d’un grand JRPG. Certes, l’intrigue met du temps à se mettre ne place, mais on sent investi comme jamais grâce à de vrais choix impactant. Que Seiros m’entende, on s’y croit.
► Points forts
- Le pinacle du gameplay tactique de Fire Emblem
- Grosse durée de vie, rejouabilité en prime
- Des choix qui changent dramatiquement le cours de l’histoire
- De nombreux personnages uniques et intéressants
- Dialogues entièrement doublés (anglais ou japonais)
- Une très bonne bande-son
- La gestion de la vie scolaire rythme bien le jeu…
► Points faibles
- … mais ça ne plaira pas à tout le monde
- La sauce peut mettre du temps à prendre
- La mécanique d’escouade sous-exploitée
- Manque de variété des champs de bataille
- Manque de lisibilité en mode portable
- Peut casser votre petit cœur fragile
GTO avec des dragons et de la magie
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse Nintendo Switch fournie par l’éditeur du jeu.
Fire Emblem: Three Houses est disponible sur Nintendo Switch.