Quatre ans après This War of Mine, 11 bit studio revient avec un titre où la misère humaine est propulsée à une tout autre échelle. Cette fois, c’est mère nature qui veut la mort de toute l’humanité. Préparez vos moufles, vos bouillottes et une bonne couche de plaids, car Frostpunk n’est clairement pas pour les frileux, même s’ils ont un blouson en cuir et une crête sur la tête.
Winter has come
C’est bon ? Vous vous êtes remis des dilemmes de This War of Mine qui vous tenaient éveillés la nuit ? Où vous étiez dépressif à l’idée de perdre un de vos survivants ? Attendez de mettre la main sur Frostpunk, où la moindre mauvaise décision peut décimer des centaines de personnes en une seule nuit. En plus de devoir gérer de manière intelligente et pragmatique votre bourgade de la dernière chance, vous serez confrontés à des choix cornéliens dont 11 bit studio a le secret.
Inspiré de city builders orientés survie comme Banished ou le très récent Surviving Mars, Frostpunk vous place à la tête d’une petite ville qui tente d’échapper à un hiver extraordinaire qui a recouvert le monde entier. Il se pourrait même que vous et vos colons soyez les derniers représentants de l’humanité. Si au départ tout roule et que les maisons sont bien chauffées, le froid devient de plus en plus rude au fil des jours, jusqu’à descendre en dessous des -100°C. C’est alors une course contre l’inverse du réchauffement climatique.
Vous serez confrontés à des choix cornéliens dont 11 bit studios a le secret.
Pour garder le coeur de la ville en activité, il faudra développer une économie logistique forte et mettre tout le monde à contribution. Seulement, si vous ne traitez pas vos concitoyens de manière correcte ou si tout espoir semble perdu, ces derniers auront vite fait de vous jeter dehors à coup de moon boot dans le train, et sans avoir pris le soin de vous munir d’un parka.
Le jour d’après-demain
Votre ville est alors agglutinée autour d’une immense chaudière à charbon, cherchant à capturer la moindre once de chaleur. Le réacteur ne demande qu’à être alimenté, et s’il s’arrête, vous et vos habitants allez passer un très sale quart d’heure.
À vous de répartir efficacement vos travailleurs afin de développer vos technologies, construire et utiliser des machines industrielles qui permettront d’extraire le précieux charbon et de nourrir tout le monde. Le but du jeu est d’essayer d’atteindre un certain équilibre production/consommation en prenant des décisions d’orientation technologique intelligente sur vos besoins immédiats et sur le long terme.
Le but du jeu est d’essayer d’atteindre un certain équilibre production/consommation en prenant en considération vos besoins immédiats et sur le long terme.
L’effet papillon de la catastrophe n’est jamais très loin et vous n’aurez jamais le temps ainsi que les ressources humaines et matérielles pour faire évoluer votre ville comme vous l’entendez. Simple exemple probant : si vos citoyens vivent dans le froid, ils vont tomber malades. Un travailleur malade, c’est des ressources par heure en moins, et des ressources en moins, c’est une seconde en moins sur le compte à rebours de l’apocalypse. Une mauvaise décision ou trop tardive fera écrouler la gestion votre colonie comme un château de cartes qu’il sera très difficile de rétablir.
La gestion du temps est limite plus importante que celle de vos ressources, car une journée est fragmentée en différentes phases : travail de 8h à 18h, construction des bâtiments et dodo. Seulement, pendant que les habitants essayent de dormir dans des couvertures de haillons bien trop petits, vos réserves de charbon s’amenuisent, car votre réacteur ne s’arrête jamais.
Le jeu arrive à vous mettre dans une pression constante, et à vous faire douter de la moindre décision prise. De ce côté-là, c’est clairement une réussite.
De plus, le jeu introduit des mécaniques d’exploration simples, mais efficaces. Après avoir monté une équipe, vous pourrez atteindre des points d’intérêts autour de la ville. Vous pouvez trouver de nouveaux survivants, des ressources et parfois quelques événements aléatoires plus ou moins bénéfiques. Les temps de trajets sont très longs et il est important d’optimiser les temps de voyage en choisissant le bon moment pour rentrer.
Politique de la terre gelée
Une fois qu’on a bien assimilé le processus de production assez simple à prendre en main malgré une attention des courbes de tous les instants, l’aspect humain vient s’inviter à la fête.
À chaque fois que quelque chose va toucher au confort des citoyens, leur mécontentement augmente. Si quelque chose de plus grave se produit comme la mort de quelqu’un, l’espoir diminue. Si ces deux indicateurs sont à leur extrême limite trop longtemps, c’est le Game Over.
Pour influencer l’humeur des citoyens, vous aurez alors la possibilité d’imposer des lois sur des sujets en particulier. Que faire de tous ces malades en attente de soin ? On les entasse dans les infirmeries ou double leurs rations pour les faire rétablir plus vite ? Généralement, une loi est bénéfique, redonne le sourire aux gens, mais rajoute une difficulté immédiate supplémentaire, ou bien impopulaire, mais vous permet de respirer un peu sur un secteur précis de la gestion.
Une loi est bien vue, mais rajoute une difficulté supplémentaire, ou bien impopulaire, mais vous permet de respirer à propos d’un sujet en particulier.
Si d’un point de vue mécaniques de jeu cela fonctionne, on a du mal à mettre le sens moral dans l’équation, même avec une description détaillée de ce que cela représente comme sacrifice pour vos concitoyens. Bien sûr, ne pas donner de sépultures dignes de ce nom à des hommes et des femmes morts à la tâche, c’est triste, mais les organes de ces derniers peuvent sauver d’autres vies qui pourront retourner aider la communauté. On pouvait s’attacher aux différents individus qui occupaient la maison de This War of Mine, mais comme disait Staline : “La mort d’un homme est une tragédie. La mort d’un million d’hommes est une statistique”.
De temps en temps, les habitants auront des requêtes à vous faire parvenir, comme le réchauffement des habitations ou le règlement de problèmes urgents comme une famine qui guette. Vous pouvez décliner poliment en leur assurant que vous savez ce que vous faites, mais si vous avez le malheur de leur promettre une amélioration voire une éradication pure et simple du problème, vous avez intérêt pour vos miches à tenir vos engagements.
Si vous avez le malheur de promettre une amélioration, vous avez intérêt pour vos miches à tenir vos engagements.
Enfin, quand tout va mal, vous pourrez avoir recours à une orientation politique. Soit vous redonnez la foi à vos citoyens grâce à la construction de lieux de culte et la formation de prêcheurs qui soutiendront le moral des habitants, soit vous vous assurez de la bonne volonté de tout le monde en fliquant et en matraquant la population d’une propagande qui lui assure que tout est sous contrôle (alors que ce n’est absolument pas vrai).
Même constat, l’idée est chouette, mais on a un mal fou à ressentir ce que représente d’un point de vue humain une telle décision. Tout ce qui compte au final, c’est que ces satanées barres soient dans des zones acceptables. Rien à faire que les citoyens mangent de la sciure de bois tant qu’ils travaillent pour faire tenir la colonie debout. Les deux dogmes se valent totalement et on aurait aimé un peu plus de nuance dans l’approche de cette mécanique.
On a un mal fou à ressentir ce que représente d’un point de vue humain une telle décision. Tout ce qui compte au final, c’est que ces satanées barres soient dans des zones acceptables.
Gros problème qui s’ajoute à cette mécanique, il est impossible d’abroger une loi. Si vous faites travailler des gosses par manque crucial, mais situationnel de main-d’oeuvre, il vous sera alors impossible de les faire retourner à l’école une fois que la situation est stabilisée, et ce jusqu’à la fin de la partie. C’est une drôle de décision de game design et parfois très handicapante, surtout vu la nature des arrêtés qui sont très souvent des moyens de pallier une urgence.
Chaud les marrons glacés
Frostpunk propose de jouer trois scénarii, et pas un de plus. C’est d’ailleurs un point noir majeur dans la structure globale du jeu. La première mission est plutôt classique et exige de survivre à une longue tempête en fin de partie (chouette moment où vous n’avez plus qu’à serrer les fesses et voir si ça passe), une mission basée sur la mécanisation de votre industrie avec très peu de ressources humaines à disposition et une troisième mission où vous devrez gérer un afflux toujours plus important de réfugiés. Et… c’est tout.
Frostpunk propose de jouer trois scénarii, et pas un de plus.
Tout est là pour créer une expérience de survie satisfaisante et il n’y a même pas de mode libre, ce qui est assez frustrant. On imagine alors un mode roguelite où la fosse de la ville, la carte extérieure et les événements seraient aléatoires et on finit par se poser la question : “mais pourquoi diable ce n’est pas inclus dedans ?”.
Chaque mission possède un courant d’événements réglé comme du papier à musique et le monde extérieur reste inchangé avec les toujours les mêmes points d’intérêts. Après avoir recommencé la même mission plusieurs fois (ce qui est tout de même compensé par un apprentissage satisfaisant des erreurs), on devient de moins en moins surpris jusqu’à connaître par coeur le déroulement du scénario au jour près.
Tout est là pour créer une expérience de survie satisfaisante et il n’y a même pas de mode libre… ce qui est assez frustrant.
Ces événements représentent d’ailleurs le seul vrai moteur moral du jeu que l’on peut voir finalement comme un objectif secondaire à accepter, afin de pimenter un peu plus la partie. Après tout, n’est-ce pas pour l’amour de la difficulté qu’on irait se peler les fesses à l’extérieur afin de ramener 36 enfants coincés dans le blizzard ? Ça reste des bouches à nourrir. Sauver tout le monde devient alors un bonus et non une décision qui vous prend aux tripes.
Le pire vient sûrement du fait qu’il est impossible de rechercher la plupart des dernières technologies par faute de temps, les scénarii se terminant bien trop tôt, malgré des ateliers qui tournent 24/7. On a alors l’impression d’être puni et de ne pas avoir accès au contenu end game du jeu.
11 bit studio a d’ores et déjà annoncé que des missions supplémentaires sont en cours de développement et qu’un mode sans fin/libre est à l’étude.
11 bit studio a d’ores et déjà annoncé que des missions supplémentaires sont en cours de développement et qu’un mode sans fin/libre est à l’étude. Mais une fois qu’on maîtrise les bases du jeu et qu’on arrête de faire des erreurs stupides (ce qui continue d’arriver tout de même), on fait vite le tour du titre entre 10 et 15 heures de jeu.
Air glacier
Frostpunk est un très chouette jeu de gestion/survie qui souffre d’un contenu assez faiblard. Le jeu décolle la rétine, j’ai froid aux mains rien que de jouer quelques minutes, mais une fois qu’on est bien “chaud” pour la suite du repas, c’est la disette. Pourtant, le gameplay et les mécaniques de jeu sont plus que solides et donnent du très bon stress. Le sentiment de tiraillement sur de multiples décisions cornéliennes est grisant et on espère la plupart du temps qu’on aura tout juste assez de charbon pour passer la nuit. Seulement, dès que les choix moraux rentrent dans l’équation, on a du mal à y voir autre chose qu’une couche de mécaniques supplémentaires qui n’inspirent pas les émotions qu’ils devraient. Remplir tous les objectifs secondaires et les difficultés supérieures reste tout de même de sacrés challenges, mais le jeu a tellement plus de potentiel que d’être résumé à un simple défi pour énervés de la feuille Excel qu’on a maintenant hâte de savoir ce que nous réserve 11 bit studio pour les futurs DLC gratuits.
► Points forts
- Un univers Steampunk soigné
- L’expansion circulaire de la ville
- La gestion de la chaleur à travers la ville
- Une économie toujours sur le fil du rasoir
- Une microgestion primordiale et engageante
- Des choix ardus partout, tout le temps
- Interface d’orfèvrerie
- 3 scénarii avec des mécaniques bien distincts
► Points faibles
- Seulement trois scénarii avec le reste en futurs DLC (gratuits)
- Choix moraux peu engageants, une fois les mécaniques maîtrisées
- Système de lois trop peu flexible
- Conséquences trop prévisibles
- Pas de mode libre/bac à sable
« Voulez-vous qu’on aille prendre un verre de vin chaud? »
Frostpunk est disponible sur PC.
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