“Ah putain, mais ça marche ?” s’esclaffe d’étonnement une voix rauque depuis l’autre bout du salon. La voix, c’est mon colocataire. Un vieux barbu, sympathique sous tous les angles, mais toujours un brin réticent face aux technologies de streaming. Lui, il a été bercé au doux ronron de ses GPU overclockés jusqu’à la moelle, aux SLI de GTX 480 à faire fondre la banquise… Alors forcément, quand il voit Baldur’s Gate 3 tourner en 2K sur une tablette à 200 balles, c’est un peu son empire romain qui s’effondre. Du coup, on a décidé de regarder ça de plus près, histoire de savoir si une fois le premier contact dépassé, Geforce Now tient vraiment toutes ses promesses.
Le juste prix ?
Depuis quelques années maintenant, le jeu en streaming a la cote. Par pudeur, on évitera de mentionner Stadia, mais regardez donc : Amazon a lancé Luna en 2020, Microsoft propose du cloud gaming dans son Game Pass, et cocorico, même les Gaulois réfractaires se sont penchés sur le sujet avec Shadow. GeForce Now, c’est donc la proposition de Nvidia qui permet d’accéder de n’importe où à tous les jeux que vous avez achetés. Tous, vraiment ? Pas exactement en fait, et c’est peut-être le seul “vrai” défaut du service. Pour d’obscures raisons, certains éditeurs sont effectivement réticents à l’idée de voir leurs titres tourner en streaming. L’application affiche près de 2000 jeux compatibles – ce qui devrait suffire au commun des mortels – mais on aura quand même une pensée émue pour Sekiro et Helldivers 2, injustement oubliés. Mais passons, le service est disponible via une app sur Windows, et peut même être lancé depuis un navigateur, ce qui permet quelques bidouilles sympathiques, notamment sur les supports, disons, alternatifs, comme au hasard, un Steam Deck. Une jolie opportunité, d’autant que le prix est somme toute plutôt honnête.
Un peu moins de 11 euros par mois pour du 1080p/60fps, et le double pour bénéficier d’une RTX 4080 : sur le papier, c’est la promesse de jeu en 4K, de fps par centaines, et le tout ray-tracé jusque sur les postillons d’Arthur Morgan. Sans rentrer dans les détails, retenez qu’on est donc au-dessus des tarifs de Luna, mais en dessous de ceux de Shadow. Les chicaneurs s’obstineront à rappeler que GeForce Now a également une offre gratuite, mais soyons sérieux deux minutes : entre les files d’attente à 3 chiffres, les settings flingués, et la déconnexion automatique au bout d’une heure, difficile d’y trouver un quelconque intérêt. A part peut-être si votre rig à deux SMIC vient de cramer et que vos ultimes deniers viennent de passer dans un sachet de riz long grain et un pot de mayo.
Conditions de tournoi
Mais trêve de billevesées, parce que votre humble obligée a tout de même sous la main pas mal de supports différents pour tester tout ça : PC fixe, laptop, smartphone, tablette, Steam Deck… Comme quoi on se plaint, mais mine de rien, ça paie la presse JV (chut, n’allez pas répéter ça au patron). Par souci de transparence, notez qu’en l’absence d’outils pour prendre des mesures précises, tout à été jugé à l’œil et la main. Des yeux et des mains expertes, certes, mais on vous l’accorde, ce n’est pas l’approche la plus scientifique du monde… Quoi qu’en conditions réelles, on passe rarement son temps à compter chaque frame. Enfin, sauf quand on ne jure que par le versus fighting, et on va justement commencer par ça, parce que, eh bien, c’est forcément le point plus risqué.
On vous le dit d’emblée : si les jeux de combat ne sont pas exactement aussi réactifs qu’en local, avec une connexion fibrée et câblée, il sont en revanche parfaitement jouables. Sur Guilty Gear Strive, à notre humble niveau de “sac”, c’est même un délai que l’on ne le ressent pas. En 3 heures, on a pu voir, allez, un ou deux frame traps qui ne sont pas passés alors qu’on aurait dû être positive on hit, et parfois une déchope ou un just guard ratés. A moins d’être ultra compétitif, ce sont des accrocs négligeables, et même possiblement imputables à mes petits pouces fourbus. Sur un laptop en Wi-Fi (5Ghz), les choses se compliquent cependant un brin. Au gré des caprices de la connexion, on a vu la qualité de l’image s’effriter ou même l’écran se bloquer pendant quelques fractions de secondes avant de rattraper l’action, emportée par un mouvement de panique. C’est pas jojo, c’est sûr. Mais en même temps, si non content de défier vos adversaires sur un réseau sans fil, vous STREAMEZ votre jeu sur le même réseau sans fil, vous n’êtes pas seulement haïssable, mais aussi totalement masochiste.
Dans le même ordre d’idée, et pour avoir subi la latence notable de The Finals en Wi-Fi, on déconseille tous les FPS multi sans s’être enfoncé un RJ45 dans le port ethernet. Vous me demanderez, pourquoi toutes ces précautions si en câblé tout marche impec’ ? Et bien parce qu’aussi étonnant que cela puisse paraître maintenant que je le couche sur papier, une fois qu’on s’émancipe des terres de la compèt’, même en Wi-Fi, tout le reste fonctionne pour ainsi dire sans anicroche. Assassin’s Creed Odyssey, Banishers: Ghosts of New Eden, Cyberpunk 2077, Forza Horizon 5, et Pacific Drive : on a fait des comparatifs sur un panel de jeux assez large, mais dans tous les cas, si votre ping suit, l’input lag devient imperceptible et il suffit de trifouiller le menu des paramètres pour éviter que la compression ne ruine vos beaux panoramas.
Les tests
Captures de référence
Voici donc, ci-dessus, les cinq jeux tournant en local directement depuis les tripes de mon pauvre PC fatigué. Alors okay, le framerate vomit du sang et les ventilateurs supplient qu’on les achève dans un râle glauque. Mais c’est joli. Et ce sont justement les captures qui nous serviront de référence.
GeForce Now – connexion par câble sur PC fixe
Avec une connexion par câble il faut vraiment plisser les yeux pour noter une différence. Et, on ne va pas se mentir, elle tient peut-être du nocebo. Une poignée de détails paraissent peut-être moins fins ? Difficile à dire, on vous laisse juger en comparant les images avec celles obtenues plus haut, mais s’il y a réellement une baisse de qualité due à la compression, ce n’est pas en jouant “normalement” qu’elle vous sautera au visage. Tout l’inverse du gain de performances flagrant : en 1080p, même avec du ray-tracing partout, on ne décroche pour ainsi dire jamais des 60fps. C’était attendu pour “une RTX 4080”, mais c’est toujours bon de le signaler. Avec notre ping à 10ms, il est également presque impossible de percevoir l’input lag.
GeForce Now – connexion Wi-Fi sur PC portable
Passons maintenant sur un PC portable connecté en Wi-Fi. Cette fois-ci on peut noter avec certitude une légère perte de finesse au niveau de l’image. C’est, soyons honnête, peu flagrant sur une image fixe, et quasiment insignifiant, une fois en mouvement. Côté fluidité et latence, là encore rien à déclarer, et d’ailleurs, on ne l’explique pas, mais même en lançant des jeux gourmands, aucun ne s’est “figé” comme on avait pu le voir sur Guilty Gear. En un mot comme en cent, oui Geforce Now fonctionne très bien même en Wi-Fi. D’autant que si nous sommes limités à la bande 5Ghz par notre modem, les bourgeois dotés de Wi-Fi 6e ou 7 auront certainement moyen de réduire les artefacts dans les paramètres du logiciel afin d’obtenir un rendu proche du câblé.
GeForce Now – connexion Wi-Fi sur Android
En passant par l’application Android, il est aussi possible de jouer à partir de son téléphone ou de sa tablette, et sans surprise tout fonctionne… à condition d’avoir un modem solide. C’est aussi le cas sur les autres plateformes, mais dans la mesure où la résolution des écrans de tablettes / téléphones est bien souvent supérieure à du 1080p, mieux vaut s’armer d’une connexion capable de tenir la cadence. Avec les paramètres par défaut, les jeux étaient chez nous magnifiques, mais aussi pas mal laggy. En réduisant le bitrate max dans les options de l’app, on a réussi à trouver un compromis satisfaisant pour la majorité des titres, mais pas pour tous. Cyberpunk 2077 est en effet resté assez pénible à jouer quelles que soient nos tentatives, sans que l’on ne comprenne trop pourquoi. Ce détail mis à part, si vous êtes du genre à voyager, c’est l’une des fonctionnalités les plus pratiques du service. Une tablette, une manette bluetooth (même les manettes Switch sont compatibles, c’est dire), et ça part. Et sur un petit écran OLED de téléphone, c’est même parfois encore plus beau que sur laptop, la compression devenant imperceptible.
GeForce Now – connexion Wi-Fi sur Steam Deck
Enfin, on termine par le Steam Deck. Petite précision : l’application desktop n’est hélas pas compatible Linux, mais le service étant accessible depuis un navigateur, on peut tout de même ruser pour s’installer un raccourci accessible depuis Steam OS. On vous épargne cette démarche un peu chiante, mais vous le retrouverez sans souci sur la toile. Dans tous les cas, une fois le logiciel “installé”, il faut reconnaître que si l’ensemble tourne bien la majeure partie du temps, l’expérience n’est pas totalement exempte de reproches. Certains titres refusent de quitter le 16/9 en dépit des options, et les instabilités Wi-Fi se traduisent parfois par des retards à l’affichage ou des déconnexions. Des problèmes que l’on préfère toutefois tempérer : ils restent assez rares, et sont très certainement dus au Steam Deck lui-même ; celui-ci n’étant pas doté d’une puce réseau particulièrement véloce. L’option reste donc viable et permet même de jouer à des jeux modernes dans des conditions très largement supérieures à celles offertes par le GPU de la console. Que demander de plus, sachant qu’elle n’est même pas officiellement supportée par le développeur ?
Une option solide si votre connexion suit
Le service de streaming de Nvidia est l’un des plus pertinents du marché. Avec une connexion fibrée et câblée, les résultats sont tout bonnement excellents : le lag ne se ressent pas, et l’image ne déplore presque aucune perte de qualité. De ce côté, la promesse est évidemment tenue, mais mieux encore : même en sans fil, les verts s’en tirent avec les honneurs. D’accord, d’accord, dans ces conditions, c’est moins vrai sur les titres compétitifs. Mais à moins que vous ne teniez à participer à l’Apex Legends Global Series sur un Wi-Fi 2.4Ghz, ce n’est certainement pas GeForce Now qui vous empêchera d’aligner les headshots. Ses seuls défauts sont finalement indépendants de ses performances : son incompatibilité avec la totalité des jeux et… streaming oblige, sa non prise en charge des mods. Et Dieu sait que pour certains, un jeu Bethesda sans nude mode, c’est rédhibitoire.
Ce qu’on a aimé :
- La compression négligeable dans une majorité des cas
- Un lag quasiment imperceptible
- Très facile d’utilisation
- Même en Wi-Fi, l’expérience est satisfaisante
Ce qu’on n’a pas aimé :
- Une bonne connexion est nécessaire
- Certains jeux manquent à l’appel
- Oubliez le modding
Ce service est fait pour vous si :
La possibilité de jouer n’importe où vous séduit, ou si vous voulez jouer en très haute qualité sans avoir à changer votre GPU.
Ce service n’est pas fait pour vous si :
Vous avez déjà un excellent PC, ou si votre connexion internet n’est pas optimale.
WarLegend.net a bénéficié d’un accès presse fourni par l’éditeur de ce jeu.
Configuration de test :
- PC portable
- PC fixe
- Tablette
- Smartphone
- Steam Deck
GeForce Now est disponible sur navigateur, Windows et Android.