Quand on parle de Spiders, on a souvent en tête un studio ambitieux, nous abreuvant de promesses alléchantes et de jolis trailers — le tout, avant de nous plonger la tête dans les toilettes et nous crier : “Ouais, mais finalement on n’a pas de budget !”. Greedfall ne déroge pas à la règle, mais propose tout de même un contenu assez intéressant pour permettre aux joueurs de se maintenir la tête hors de l’eau.
Guerre en vue, capitaine
Prenant place dans un univers inspiré de l’Europe du XVIIe siècle, Greedfall est un action-RPG développé par les Français de chez Spiders, et édité par Focus Home Interactive.
Dans celui-ci, le joueur incarne le jeune De Sardet, émissaire de la Congrégation marchande et affublé d’une étrange marque de naissance sur la joue. Envoyé en mission sur la nouvellement découverte île de Teer Fradee, notre légat devra mettre tout en oeuvre afin d’installer le pouvoir de sa faction et établir des relations amicales avec les autres puissances colonisatrices en place.
De plus, une terrible maladie incurable, baptisée la Malichor, ravage la population du continent obligeant les différents gouvernements à se tourner vers l’inconnu. Après de nombreuses recherches, il semblerait bien que l’île renferme au sein de ses beaux paysages automnaux le secret d’un remède salvateur.
Car oui, Greedfall est très beau, non pas pour sa technique qui est à la ramasse (on en reparlera), mais pour sa direction artistique sublime. Des tons moroses de la ville agonisante de Sérène aux panoramas magnifiques et inquiétants de Teer Fradee, le titre transpire d’inspirations venu tout droit de l’art baroque et de différents peintres tels que Vermeer ou Rembrandt.
Les environnements sont d’une beauté sans nom et l’on passe le plus clair de son temps le doigt sur la touche de screenshot.
Les environnements sont d’une beauté sans nom et l’on passe le plus clair de son temps le doigt sur la touche de screenshot, à se demander comment virer notre personnage afin d’en faire notre prochain fond d’écran. Une véritable invitation à l’exploration.
Dommage que cette invitation ne soit pas mise à contribution au sein d’un véritable monde ouvert. Les environnements de Greedfall perdent un peu de leur charme dès lors que l’on découvre notre premier mur invisible. Les déplacements de notre personnage s’effectuent au sein de zones semi-ouvertes parsemées de couloirs et chemins alternatifs. En outre, l’impossibilité ni de sauter ni de nager renforce d’autant plus ce sentiment.
Je ne dis pas qu’un monde ouvert est forcément gage de qualité — et de nombreux titres nous ont déjà prouvé le contraire — mais dans un jeu où la découverte est au centre du récit, je trouve ça un peu dommage.
“Ouais, mais finalement on n’a pas de budget !”
Non, là où Greedfall pêche, c’est au niveau de la technique. Le titre souffre d’un manque de finition flagrant à tous les niveaux : les animations sont rigides, certaines textures baveuses, l’optimisation aux fraises et la synchro labiale à la ramasse.
Le titre souffre d’un manque de finition flagrant à tous les niveaux.
Aussi, je ne compte plus le nombre de fois où j’ai vu des ennemis immobiles attendre que je déclenche le script pour pouvoir enfin se décider à bouger et m’attaquer. Et le pire, c’est que si vous avez le malheur de vous éloigner de quelques mètres lors d’un combat, l’aggro des monstres se réinitialise et ils repartent se positionner à leur emplacement de départ comme si de rien n’était — et avec toute leur vie. Le plus drôle, c’est que parfois les monstres sortent tout seuls de cette zone d’aggro pour affronter l’un de vos compagnons. Il ne vous reste plus qu’à attendre sagement qu’il meure (ou taper à distance), car vous ne pourrez plus vous approcher sous peine de le reset.
D’ailleurs, les combats ne sont clairement pas le point fort de Greedfall. Ils reprennent la formule des action-RPG du type The Witcher 3 ou Dark Souls 3. On retrouve donc les classiques du genre : attaque légère, attaque lourde, blocage et esquive, ainsi que quelques compétences pour agrémenter le tout.
L’originalité des affrontements se trouve dans le système d’armure. Chaque adversaire possède un certain nombre de points d’armure (représentés par des icônes de boucliers sur la barre de vie) qu’il faudrait réduire à zéro pour augmenter nos dégâts sur la cible. Pour se faire, le joueur doit utiliser certains types d’armes comme les armes à impact ou encore les pistolets.
Une mécanique intéressante qui ajoute une composante tactique aux combats. Sauf que dans les faits, c’est une autre histoire. En effet, dès lors que vous affrontez plus de 3 ennemis (ce qui arrive souvent), les combats prennent des airs de n’importe quoi.
Dès lors que vous affrontez plus de 3 ennemis, les combats prennent des airs de n’importe quoi.
Le manque de liberté dans le contrôle de notre personnage combiné aux hitbox complètement pétées font des combats une expérience loin d’être agréable. Ajouté à cela que notre héros a la fâcheuse tendance à se coincer dans certains éléments du décor. Mais le pire reste les affrontements en intérieur qui combine tous les défauts, en plus de fournir une visibilité et une marge de manœuvre encore plus réduite.
Compagnon dans la tronche
Fort heureusement, Spiders a eu la bonne idée de laisser une grande liberté d’action quant à la résolution des quêtes, et ainsi zapper quelques combats fastidieux. À la manière d’un Deus Ex ou Dishonored, le joueur pourra choisir plusieurs options d’approche intimement liées à la construction de son personnage.
À la manière d’un Deus Ex ou Dishonored, le joueur pourra choisir plusieurs options d’approche.
Un joueur qui aura investi dans la science, par exemple, pourra concocter des potions explosives pour détruire certains pans de murs ou des somnifères pour endormir les gardes. De mon côté, j’ai monté mon charisme au maximum ce qui m’a permis de régler la plupart des conflits avec diplomatie. Et c’est là que Greedfall prend tout son sens. Dès l’instant où le titre arrête de vouloir être un action-RPG lambda, il montre son plein potentiel.
J’ai plongé avec plaisir dans cet univers complexe et mystérieux. Découvrir les visages de chaque faction, percer le secret de l’île et de ces créatures fantastiques ou encore plonger au beau milieu de cette lutte de pouvoir où chacun de vos choix peut avoir des conséquences dramatiques.
En effet, Greedfall regroupe différentes factions comprenant la Congrégation des marchands, les fanatiques religieux de Thélème, les scientifiques de l’Alliance du Pont, les mercenaires de la Garde et les natifs de Teer Fradee. Tout ce beau monde est prêt à se foutre sur la gueule au moindre pet de travers. Il vous faudra donc être diplomate et éviter de froisser les plus susceptibles. Car Greedfall place les choix au cœur de son expérience de jeu, et chaque décision peut influer sur le déroulement de l’histoire. Aussi, il ne faudra pas snober vos compagnons sous peine de le regretter plus tard. Ces derniers sont bien plus que de simples figurants et leurs réactions pourraient (beaucoup) vous surprendre.
Greedfall place les choix au coeur de son expérience de jeu, et chaque décision peut influer sur le déroulement de l’histoire.
La narration est d’ailleurs l’une des grandes forces de Greedfall. Les quêtes sont extrêmement bien écrites et poussent la frontière entre missions principales et secondaires encore plus loin que ne l’avait fait The Witcher 3. Le tout est sublimé par des doublages d’excellente qualité qui arriveraient presque à nous faire oublier par moment les animations de visage rigides et la synchro labiale désastreuse.
Pris dans la toile
Greedfall est sans conteste le meilleur jeu du studio Spiders. Loin d’être un chef-d’œuvre, le titre nous délivre tout de même un univers cohérent, séduisant, presque fascinant. Le système de choix est au centre de l’expérience de jeu et propose un réel impact sur le déroulement de l’histoire, histoire qui vous réservera d’ailleurs quelques moments forts. Jamais le rôle de diplomate n’aura paru si déchirant. En revanche, si vous avez dans l’idée de vous procurer le titre pour son côté action ou RPG, passez votre chemin. La customisation du personnage est on ne peut plus simpliste et perd rapidement de son intérêt au vu du système de combat. Non, le potentiel de Greedfall ne se révèle qu’au cours de ses nombreux dialogues et cut-scenes, et au rythme du matraquage de votre touche “Impr écran”.
► Points forts
- Direction artistique sublime
- Un univers cohérent et fascinant
- Très bon doublage
- Des quêtes bien écrites
- Les choix impactants
- Une ambiance qui prend aux tripes
► Points faibles
- Synchro labiale à la ramasse
- Animations un poil rigides
- Chute de fps dans certaines zones (grandes villes)
- Les combats souvent bordéliques
- Navigation interface un peu chaotique avec une manette
L’araignée est sur la bonne voie
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de ce jeu.
GreedFall est disponible sur PC, Xbox One et PS4.