Après de multiples sessions de test et d’allers-retours avec la communauté Games2Gether, Humankind est enfin disponible dans sa version complète, sans avoir eu le besoin de passer par la case accès anticipé. Loin de l’univers Endless, est-ce que le nouveau 4X historique d’Amplitude Studios a les idées et les épaules pour affronter Civilization de front ? C’est ce que l’on va voir.
Bi-classe culturelle
Décrit à plusieurs reprises comme le jeu rêvé par les fondateurs d’Amplitude depuis la création du studio parisien il y a maintenant 10 ans, Humankind a eu pas mal de temps pour gestionner. En effet, le défi à relever est immense : essayer d’innover dans le genre des 4X historique, avec Civilization comme première inspiration. La série des Endless Space et Endless Legends avait déjà repris quelques mécaniques phares en les mijotant à leur sauce, mais avec Humankind, on a clairement franchi une sacrée étape.
Ainsi, il est bien question de prendre les rênes d’une tribu durant la préhistoire et tenter de l’emmener le plus loin possible… comme la colonisation de mars, par exemple ; sans oublier d’humilier d’autres nations concurrentes au passage (ou de façonner de belles amitiés, restons cordiaux).
Le défi à relever est immense : essayer d’innover dans le genre des 4X historique, avec Civilization comme première inspiration.
Seulement, contrairement à Civilization, Humankind n’est pas une course à la condition de victoire, mais un marathon où chaque petite — ou grande — avancée forge la légende de votre peuple. Si, de loin, Humakind ressemble pas mal à Civilization, la première grosse différence est clairement là.
Ainsi, même si votre empire s’effondre en fin de jeu, votre score de Gloire peut tout de même vous permettre de garder la tête haute, voire vous faire remporter la partie. Chaque étape clé de votre développement depuis le néolithique (nombre de territoires, population argent, influence cumulés, etc) vous font gagner des bonus de Gloire. Certes, plus la partie avance, plus les récompenses sont intéressantes, mais les étapes seront plus difficiles à atteindre également.
Même si votre empire s’effondre en fin de jeu, votre score de Gloire peut tout de même vous permettre de garder la tête haute, voire vous faire remporter la partie.
Avec ce système, on a la sensation intéressante que chaque décision a vraiment de l’importance, puisque les récompenses viennent de façon régulière. Avec ses différentes cultures aux spécialités bien distinctes, il est souvent possible de s’adapter — ou de perdre bêtement en inertie en pariant sur le mauvais cheval — et les milieux de partie s’en retrouvent fortement dynamisés, où une certaine monotonie s’installe régulièrement dans d’autres jeux du genre.
Justement, elle se trouve-là l’autre différence majeure : le système de culture. À chaque fois que vous complétez une étape qui octroie de la Gloire, vous recevez une Étoile d’Ère qui vous permettra à terme de changer d’époque (6 au total)… et de culture. Chaque culture possède une orientation de jeu commune à d’autres (agraire, scientifique, influente, expansionniste), mais propose des unités et des quartiers uniques, ainsi qu’un bonus permanent qui vous accompagnera jusqu’en fin de partie.
À chaque fois que vous complétez une étape qui octroie de la Gloire, vous recevez une Étoile d’Ère qui vous permettra à terme de changer d’époque… et de culture.
Des harappéens peuvent devenir des Perses qui évolueront en Anglais, eux-mêmes ancêtres des Japonais d’Edo. Avec des millions de combinaisons possibles, la fantaisie n’a pas de limite, offrant un petit discours sympathique sur le multiculturalisme. Là encore, le système de culture permet de trouver son style de jeu, puisque même si un empire peut déclarer prem’s sur la culture qui l’intéresse en cumulant rapidement les Étoiles d’Ère, il risque de passer à côté d’un bon pécule de Gloire encore disponible. La clé est de trouver le bon moment pour faire la transition.
Mais attention à ne pas trop traîner non plus, car les empires pressés deviennent aussi très puissants très (trop ?) rapidement, et aux niveaux de difficulté élevées (avec aucune description précise pour se faire une idée), vous risquez de déchanter rapidement. Avec son système de diplomatie organique, Humankind donne toujours une occasion ou deux de faire un comeback, mais certains retards sont assez difficiles à rattraper.
On peut simplement en discuter ?
Sur le reste, on reprend les mécaniques phares du genre et on essaie d’innover comme on peut. Par exemple, les combats qui mettent en scène des unités a priori classiques se déroulent sur un plan parallèle (un peu comme Endless Legends, pour ceux qui savent). Les unités manquent peut-être de capacités/traits spéciaux pour épicer les affrontements, mais une utilisation intelligente du terrain peut faire gagner un combat qui semblait perdu d’avance, tandis que les différentes ères vont changer la façon de faire la guerre de manière dramatique et naturelle.
C’est peut-être la force de Humankind, tiens, cette façon de faire interagir de nombreuses variables de manière organique. Le système diplomatique en est un parfait exemple : vos voisins ont des réactions assez attendues avec vous en fonction de leur personnalité bien marquée, mais chaque action diplomatique ou sur la carte auront un impact quantifiable sur vos relations et comment les autres empires vous percevront, notamment via des badges qui retracent vos récents méfaits (guerre en traître, pillage, etc).
C’est peut-être la force de Humankind, tiens, cette façon de faire interagir de nombreuses variables de manière organique.
La moindre action sur le terrain est un motif pour l’autre de faire la guerre, et si la jauge de soutien de guerre monte parfois bien trop vite pour des raisons souvent obscures ou idiotes (maudite soit cette unité d’exploration qui passe on temps à transgresser les frontières adverses), il n’y a pas vraiment de casus belli à déverrouiller pour déclencher un conflit, mais des doléances qui peuvent être transformées en exigences en guise de réparation, faisant monter la moutarde petit à petit.
Toutefois, vous n’aurez pas le contrôle sur ce que vous pouvez exiger, puisque ces paramètres sont dictés par d’autres facteurs (comme votre religion ou votre influence culturelle). Ce n’est pas super confortable, mais une fois qu’on a compris ça, le résultat reste cohérent et logique. Il en devient presque impossible de monter des plans de toute pièce selon ses objectifs personnels, mais cela représente bien la volonté de votre propre nation à un moment T.
Sinon, vous pouvez laisser un voisin un peu bruyant vivre et tenter d’en tirer profit, plutôt que de lui reprocher le moindre faux pas. Les guerres ne sont jamais bien longues, mais les territoires changent rapidement de main, alors n’allez pas vous fourrez dans des conflits dans lesquelles vous n’avez pas l’avantage.
Il n’y a pas vraiment de casus belli à déverrouiller pour déclencher un conflit, mais des doléances qui peuvent être transformées en exigences en guise de réparation, faisant monter la moutarde petit à petit
Enfin, au fil de vos exploits et décisions, vous pouvez débloquer différentes politiques, orientant vos curseurs idéologiques qui ont a un impact supplémentaire sur vos relations avec les voisins et les tribus indépendantes (c’est compliqué pour une démocratie de collaborer avec une dictature). Ces curseurs apportent également divers bonus, alors vous devrez également penser en amont aux orientations politiques qui conviennent le mieux à votre empire.
Des événements narratifs dont le studio a le secret permettront de faciliter cette orientation politique selon nos choix, mais il faut avouer que les petits scénarii tombent un peu à plat, donnant l’impression d’être déconnectés du reste et souvent sans grande gravité, contrairement à un Endless Space 2.
Guerre et pet de travers
On en arrive alors au problème que, malgré toutes ces mécaniques qui visent à construire des situations vraisemblables via des actions bien concrètes voire abstraites, Humankind a du mal à créer de la narration émergente via le déroulé des événements. Le jeu a une sacrée patte artistique, mais on a du mal à s’attacher à quoi que ce soit, son propre melting pot de cultures en premier (il en va de même pour les voisins dont on retiendra la couleur, mais pas forcément la culture).
Pour reprendre l’exemple des événements narratifs, verrouiller des choix en fonction de ses idéologies aurait été bien plus pertinent, voire naturel puisqu’il serait alors possible de subir des conséquences imprévisibles de sa politique.
On sent que le titre porte encore des stigmates du développement collaboratif, avec des changements drastiques qui ont eu lieu très récemment, comme l’achat des politiques en influence ou certaines descriptions qui ne reflètent pas vraiment la réalité en jeu, mais rien d’insurmontable pour les patchs à venir.
Humankind a du mal à créer de la narration émergente via le déroulé des événements. Le jeu a une sacrée patte artistique, mais on a du mal à s’attacher à quoi que ce soit.
Malgré quelques ratés (du genre les notifications de guerre qui ne sont pas mises en avant) et une présentation finalement assez austère, Humankind est plutôt agréable à l’œil et un bonheur à prendre en main avec cette interface made in Amplidude. On a souvent du mal à repérer rapidement les informations offertes par le monde du jeu (comme la nature du terrain), mais la bonne infobulle est toujours à portée de souris, sans trop d’efforts.
Le contenu initial peut sembler un peu faiblard, mais Humankind fonctionne assez bien tel quel, avec suffisamment de mécaniques et de situations diverses pour offrir de premières parties variées. Amplitude a déjà confirmé que son 4X historique sera suivi de près pendant un bon moment, et à l’instar des autres jeux du studio, il est bien possible que Humankind arrive à atteindre tout son potentiel à terme.
Le contenu initial peut sembler un peu faiblard, mais Humankind fonctionne assez bien tel quel, avec suffisamment de mécaniques et de situations diverses pour offrir de premières parties variées.
Parmi les fonctionnalités rigolotes, on peut tout de même noter qu’il est possible de partager son avatar à des amis pour qu’ils les incluent dans leur partie. Il est alors possible de choisir ses traits de personnalité, ainsi que quelques points forts sous forme de bonus pour une expérience à la carte. En parlant de carte — oui, je suis habile — et en attendant les mods déjà supportés, un éditeur de niveau est déjà d’ores et inclus dans Humankind.
Conquer me, i’m famous
Humankind n’est peut-être pas la révolution espérée par les amateurs de 4X historiques et le Civilization-killer prophétisé par certains, mais il offre une sacrée alternative grâce à des idées bien à lui et surtout bien exécutées. Le système de Gloire change complètement la donne et dynamise l’ensemble de la partie qui connaît alors pas mal de rebondissements (tout en proposant l’une des meilleures phases de démarrage du milieu). La présentation manque finalement assez de charme et de personnalité, et certaines données manquent de clarté, mais le titre se révèle profond malgré tout avec des mécaniques bien ficelées. En tout cas, l’appel du bouton “Tour Suivant” est bel et bien présent.
Ce qu’on a aimé :
- Le score de Gloire et les Étoiles d’Ère
- Les époques qui changent radicalement les manières de jouer
- Des systèmes qui se répondent dans tous les sens
- Pas de micro-gestion relou
- Mécaniques de combat simples, mais efficaces
- Une diplomatie organique…
- Une interface digne d’un jeu Amplitude
- Un didacticiel dynamique bien foutu
- Une bande-son magistrale signée Arnaud Roy
Ce qu’on n’a pas aimé :
- … mais qui en fait peut-être trop pour être carrée
- Une présentation finalement un peu austère
- Des niveaux de difficulté obscurs
- Montée en puissance des empires un peu trop exponentielle
- On change un peu de culture comme de chemise
- Une narration par le gameplay qui ne prend pas vraiment
- Encore quelques bugs récalcitrants
Ce jeu est fait pour vous si :
Vous voulez approfondir votre dette de sommeil sur autre chose que Civilization.
Ce jeu n’est pas fait pour vous si :
Vous vouez un culte à Sid Meier.
WarLegend.net a bénéficié d’une copie presse fournie par l’éditeur de Humankind.
Configuration de test :
- GPU : NVIDIA RTX 2080 Ti
- CPU : Intel Core i9-9900k
- RAM : 32 Go DDR4
- Installé sur SSD
Humankind sera disponible le 17 août sur PC, Google Stadia et le Game Pass pour PC.
Merci beaucoup pour ce test, très bien écrit et détaillant plus clairement certaines mécaniques que d’autres publications.
Étant assez fan de l’univers de Endless Legend/Space et ayant passé une partie de mes années d’études sur Civ 4, je ne savais pas trop comment accueillir Humankind. Ce test m’a donné envie de m’y plonger, merci !